En décembre 1976, Paul McCartney dévoile Wings Over America, un triple album live issu de la tournée Wings Over The World (1975-76). Cet ambitieux projet capture des concerts grandioses aux Etats-Unis, mêlant classiques des Beatles, titres solo et incontournables morceaux de Wings, agrémentés de trois inédits. Après de longues sessions de post-production à Abbey Road, l’album se hisse en tête du Billboard 200 malgré un format onéreux au Royaume-Uni. Ce live légendaire incarne la maîtrise scénique et la capacité de réinvention artistique de McCartney, un must pour tous les fans.
En décembre 1976, Wings Over America paraissait sur les rayonnages. Cet ambitieux triple album live venait couronner la tournée Wings Over The World, qui s’était étalée de septembre 1975 à l’été 1976. Pour Paul McCartney, Linda McCartney, Denny Laine, Jimmy McCulloch et Joe English, ce fut une véritable odyssée, marquée par des concerts de plus en plus grands et un succès mondial considérable. Si les précédents albums de Wings (Band On The Run, Venus And Mars, Wings At The Speed Of Sound) avaient déjà assis la popularité du groupe, c’est cette tournée, capturée sur Wings Over America, qui montrait enfin la formation au sommet de son art scénique.
à l’origine, Paul McCartney souhaitait développer Wings progressivement, sans abuser de sa renommée d’ex-Beatle : d’abord de petites salles, puis des tournées de plus en plus vastes. Après de longs mois de répétitions, le groupe se lança donc dans un tour du monde, baptisé Wings Over The World, qui les mènerait de l’Europe à l’Océanie, puis en Amérique du Nord. à chaque étape, l’assurance scénique grandit, tout comme la logistique : lorsque Wings arrive aux états-Unis en mai 1976, la troupe se déplace à bord d’un avion BAC 1-11 décoré de l’inscription Wings Over America, tandis que trois poids-lourds transportent le matériel d’une arène à l’autre.
Sommaire
- La naissance d’un album live monumental
- La couverture : un avion prêt à atterrir
- Une setlist riche, aux racines Beatles et Wings
- Cinq chansons des Beatles
- Un titre de la période solo pré-Wings
- Une abondance de chansons Wings
- Trois inédits
- Le contenu du triple album
- Face 1
- Face 2
- Face 3
- Face 4
- Face 5
- Face 6
- Sortie et réception
- Rockshow
- Un single unique : « Maybe I’m Amazed »
- Quelques controverses
- Le contenu inédit
- « Richard Cory »
- « Go Now »
- « Soily »
- Un témoignage unique
- Un héritage de long terme
- En résumé
- Contexte
- Enregistrement
- Contenu
- Réception
- Héritage
La naissance d’un album live monumental
Après la dernière date américaine, McCartney rentre en Angleterre avec plus de 70 heures de bandes 24 pistes enregistrées tout au long de la tournée. Plutôt que de se contenter d’un simple résumé sur deux disques, il décide – en réaction à la parution d’un bootleg pirate intitulé Wings From The Wings (proposant le concert intégral du Forum à Los Angeles) – de publier l’intégralité du spectacle. Il en résulte un triple album, Wings Over America, dépeignant les deux heures de show proposées chaque soir.
Pour mener à bien ce projet, McCartney investit le studio d’Abbey Road pendant six semaines, jusqu’à quatorze heures par jour, afin de sélectionner les meilleures prises. Contrairement à certaines rumeurs prétendant qu’un grand nombre d’overdubs auraient été ajoutés, la réalité est plus mesurée : quelques corrections vocales ou guitares ponctuelles, mais pas de re-recording majeur. La plupart des pistes proviennent de concerts donnés au printemps 1976, notamment à Cincinnati (27 mai), Boston (22 mai), Denver (7 juin) ou Inglewood/Los Angeles (23 juin).
La couverture : un avion prêt à atterrir
Le packaging, signé Hipgnosis (avec l’aide de MPL, la société de McCartney), dévoile un visuel représentant la carlingue d’un avion dont s’entrebâille la porte. Cette image, peinte par Richard Manning, symbolise l’arrivée triomphale de Wings en Amérique. Les trois pochettes intérieures poursuivent le thème aéronautique. L’album se présente sous la forme d’un somptueux triple vinyle :
- Un gatefold aux multiples compartiments,
- Un poster géant montrant Wings en concert,
- Des photos et illustrations de Clive Arrowsmith, Linda McCartney et d’autres artistes.
Hipgnosis et MPL recevront d’ailleurs une nomination aux Grammy Awards 1978 dans la catégorie Best Album Package pour ce travail.
Une setlist riche, aux racines Beatles et Wings
Au fil de ses 30 morceaux, Wings Over America couvre presque toutes les époques de McCartney :
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Cinq chansons des Beatles
(« Lady Madonna », « The Long And Winding Road », « I’ve Just Seen A Face », « Blackbird », « Yesterday ») rappellent pour la première fois de manière aussi assumée l’héritage de Paul. Jusque-là, McCartney refusait de jouer du Beatles pour affirmer Wings. Mais la pression du public le pousse à intégrer ces classiques, crédités “McCartney-Lennon” sur la pochette.
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Un titre de la période solo pré-Wings
: « Maybe I’m Amazed », extrait de l’album McCartney (1970).
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Une abondance de chansons Wings
: du massif Band On The Run (5 morceaux), de Venus And Mars (9 chansons), de Wings At The Speed Of Sound (4), une unique incursion de Red Rose Speedway (« My Love »), et quelques 45-tours isolés (« Live And Let Die », « Hi, Hi, Hi »).
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Trois inédits
: « Richard Cory » (une reprise de Paul Simon, chantée par Denny Laine), « Go Now » (reprise du tube Moody Blues, encore interprété par Laine) et « Soily », un rock endiablé qui clos les concerts en deuxième rappel.
La setlist reflète l’équilibre entre les tubes récents de Wings (« Silly Love Songs », « Let ‘Em In », « Band On The Run »), les classiques Beatles remis au goût du jour, et des moments plus inattendus comme la reprise de « Richard Cory » ou « Medicine Jar » chantée par Jimmy McCulloch. Le déploiement scénique inclut également des cuivres, assurés par Tony Dorsey, Howie Casey, Steve Howard et Thaddeus Richard.
Le contenu du triple album
Même si le pressage vinyle original se divise en six faces, la réédition CD se répartit souvent en deux disques, parfois trois selon l’édition spéciale japonaise. L’album s’ouvre sur un medley « Venus And Mars / Rock Show / Jet », reproduisant sur scène la transition déjà présente en studio. Les faces s’enchaînent de façon à restituer l’ordre du concert :
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Face 1
: mise en jambe rock avec « Venus And Mars / Rock Show », « Jet », « Let Me Roll It », etc.
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Face 2
: monte en intensité avec « Maybe I’m Amazed », les premières incursions Beatles (« Lady Madonna », « The Long And Winding Road »), puis « Live And Let Die ».
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Face 3
: constitue un set acoustique (Paul à la guitare, Linda ou Denny en soutien). On y trouve « Picasso’s Last Words », la reprise « Richard Cory » chantée par Denny, puis « Bluebird », « Blackbird », « Yesterday »…
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Face 4
: enchaîne des titres comme « You Gave Me The Answer », « Go Now », « My Love », etc.
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Face 5
: gros tubes pop-rock (« Let ‘Em In », « Time To Hide », « Silly Love Songs », « Beware My Love »).
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Face 6
: apothéose avec « Letting Go », « Band On The Run », « Hi, Hi, Hi » et l’ultime « Soily ».
Quelques retouches ont lieu en studio, en particulier sur des chœurs ou des guitares, mais dans l’ensemble, Wings Over America rend assez fidèlement l’énergie du groupe. C’est un témoignage de la maturité acquise par Wings, désormais formé d’instrumentistes chevronnés, ayant rodé leur set depuis plusieurs mois.
Sortie et réception
Wings Over America arrive le 10 décembre 1976, six mois après la fin de la portion américaine de la tournée (qui s’était achevée le 23 juin 1976 au Forum de Los Angeles). Le prix élevé du triple album (environ £6.80 au Royaume-Uni, un tarif dissuasif pour certains) limite un peu l’enthousiasme outre-Manche, où il plafonne à la 8ᵉ place des charts. Aux états-Unis, en revanche, il se hisse en tête du Billboard 200, confirmant l’amour que le public américain porte à McCartney, et demeurant sur cette 1re marche en janvier-février 1977.
L’album se vend bien, malgré son format imposant : il s’écoule à plusieurs millions d’exemplaires, s’inscrivant dans la série de succès consécutifs pour McCartney (après Band On The Run, Venus And Mars, Wings At The Speed Of Sound). D’un point de vue critique, la plupart des journalistes saluent l’exécution scénique, la qualité des arrangements et la dynamique mise en œuvre. Les quelques reproches portent sur le côté « grandiloquent » d’un triple disque, ou sur la nature un peu trop « best of live » par rapport aux tournées intimes que Paul avait privilégiées au début de Wings.
La sortie de Wings Over America est suivie, quelque temps plus tard (1980), par la projection au cinéma puis en vidéo d’un film intitulé
Rockshow
, réalisé à partir de concerts nord-américains de Wings. Ce documentaire musical, retouché pour gagner en fluidité, présente cependant moins d’images de Seattle que promis (cinq morceaux seulement) ; la majorité des séquences provient des shows de New York et Los Angeles.
Un single unique : « Maybe I’m Amazed »
Pour accompagner l’album, McCartney choisit « Maybe I’m Amazed » – en version live – comme unique single, avec en face B « Soily ». Sorti début février 1977, le 45-tours atteint le numéro 10 dans les charts US (Billboard Hot 100), mais ne dépasse pas la 28ᵉ place au Royaume-Uni. Cette version live de « Maybe I’m Amazed » (issue du McCartney de 1970) est appréciée pour l’intensité de l’interprétation scénique. Bien que le morceau ne triomphe pas autant qu’escompté au UK, il perpétue la dynamique de l’album dans les mois suivant sa parution.
Quelques controverses
Parmi les points de discussion, on note la mention “McCartney-Lennon” (et non Lennon-McCartney) pour les chansons des Beatles reprises sur scène. En 1976, ni John Lennon ni Yoko Ono ne protestent publiquement, mais le sujet fera polémique des années plus tard, en particulier au moment de la sortie de Back In The US en 2002. De plus, certains fans s’étonnent que l’album triple soit sorti au lieu d’un double plus succinct ; Paul s’en justifie, arguant qu’il voulait rendre compte de l’intégralité du concert, influencé par le bootleg Wings From The Wings.
Le contenu inédit
Contrairement à d’autres albums live, Wings Over America introduit trois chansons jamais parues auparavant :
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« Richard Cory »
, une reprise de Paul Simon, chantée par Denny Laine, uniquement jouée sur scène, jamais enregistrée en studio par Wings.
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« Go Now »
, grand classique des Moody Blues (dont Denny Laine fut le premier chanteur), réinterprété ici.
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« Soily »
, composition rock nerveuse de McCartney, jouée depuis 1972 en concert, qui n’avait pas trouvé place sur un album studio. Ici, elle clôt le set en guise de deuxième rappel, devenant un final explosif.
Un témoignage unique
Les fans et historiens considèrent aujourd’hui que Wings Over America représente l’instantané le plus abouti de Wings en live, capturant un groupe en pleine possession de ses moyens scéniques. Les instruments sont parfaitement en place, les voix se marient, la section de cuivres confère une dimension festive, et Paul, affranchi des contraintes, ose enfin puiser dans le répertoire Beatles._ Avec une setlist imposante et variée, l’album comble les admirateurs de toutes époques : amateurs de la pop la plus récente comme nostalgiques de Yesterday ou Blackbird.
Si certains puristes jugent la production parfois trop “propre” pour un live (en raison des quelques overdubs de guitare ou de chœurs en studio), la majorité s’accorde à dire que l’énergie brute de la tournée est bien retranscrite. Il est aussi remarquable que McCartney accepte de faire briller Denny Laine ou Jimmy McCulloch, par le biais de morceaux qu’ils interprètent, un peu comme il l’avait déjà fait dans Wings At The Speed Of Sound. Ainsi, on mesure pleinement que Wings, en 1976, fonctionne comme une véritable troupe scénique, pas seulement un véhicule pour Paul.
Un héritage de long terme
Avec le temps, Wings Over America reste l’un des albums live de référence des années 1970, régulièrement cité comme un exemple de “double/triple live grand public” au même titre que Frampton Comes Alive! ou At Fillmore East. Il bénéficie de multiples rééditions : en CD double (ou triple pour la rare version japonaise), en numérique, puis dans la Paul McCartney Archive Collection (2013), où un bonus CD intitulé « Live At The Cow Palace » propose quelques titres supplémentaires captés en juin 1976. L’intégration de Rockshow en DVD/Blu-ray, réédité en parallèle, permet également de voir les séquences filmées lors de cette tournée dantesque.
Aujourd’hui, Wings Over America symbolise l’apothéose de Wings, juste avant que l’année 1977 ne s’annonce plus délicate (McCulloch et Joe English quittent bientôt la formation). L’album est donc perçu comme la grande célébration d’une époque, celle où Wings, après avoir parcouru un chemin progressif, se pose enfin en supergroupe, capable de remplir des stades américains et de rivaliser avec le souvenir des Beatles. Wings Over America consolide définitivement la place de Paul McCartney dans la mythologie rock des seventies : en sortant un triple live acclamé, il prouve qu’il maîtrise la scène, le show, et la capacité à (re)conquérir l’Amérique.
En résumé
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Contexte
: issu de la tournée Wings Over The World (1975-76), Wings Over America est un triple album live, reconstituant l’intégralité du set joué par le groupe.
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Enregistrement
: puisant ses sources dans diverses dates américaines (Cincinnati, Boston, New York, Los Angeles…), avec une post-production rapide à Abbey Road, limitée à quelques overdubs.
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Contenu
: 30 morceaux, dont 5 reprises des Beatles, une de Paul solo, de nombreuses chansons Wings, et trois titres inédits sur disque.
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Réception
: numéro 1 aux états-Unis, top 10 au Royaume-Uni. Ventes très importantes malgré un prix élevé. L’album cristallise la réussite de Wings sur scène.
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Héritage
: considéré comme la preuve grandeur nature que McCartney a su se réinventer après les Beatles, Wings Over America capture la formation à son pic de popularité. Il reste l’un des live les plus emblématiques des années 70.
