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L’Éloge de l’Entre-Deux : Nawel Ben Kraiem en carte blanche à l’Institut du Monde Arabe

Publié le 13 décembre 2025 par Africultures @africultures

Artiste complète au carrefour des cultures, Nawel Ben Kraiem navigue entre l'héritage tunisien, la mélodie francophone et la poésie. En pleine préparation de la sortie de son prochain album, Trouble, prévu au Printemps 2026, Nawel Ben Kraiem dévoile avec Mektoubna, un single d'une douceur consolatrice. Poétesse et performeuse, elle sera sur scène pour deux dates à l'Institut du monde arabe : un concert rétrospectif et une performance de poésie dansée autour de son recueil, Le corps don. L'occasion rêvée d’explorer avec l'artiste cette "musique hybride" qu'elle revendique, un son où les imaginaires d'ici et d'ailleurs fusionnent pour façonner son identité.

Nawel Ben Kraiem porte en elle deux rives de la Méditerranée. Issue d'un parcours transfrontalier, l'artiste a passé toute son enfance en Tunisie, avant de s'installer en France à l'âge de seize ans. Cet héritage est la clé de voûte de toute son œuvre. Nourrie par des influences littéraires comme Sylvia Plath, Bell Hooks ou Maya Angelou et des mouvements artistiques comme le surréalisme, Nawel Ben Kraiem cherche dans l'écriture les mots pour dire ce qui est indicible.

Le single Mektoubna est le produit d'un contraste géographique et créatif puissant : le texte a été élaboré en France, terre de distance et d'introspection, tandis que l'enregistrement a eu lieu en Algérie. Cette dualité n'est pas une simple logistique, mais la signature d'une hybridité qui fusionne les codes de la production occidentale avec la texture sonore des origines.

« Elle est particulièrement douce. C'est un peu comme une comptine, mais avec quelque chose qui se rapproche de la consolation. Une musique qui berce, qui pourrait être la  berceuse qu'une maman chante à son enfant pour le consoler de toutes les épreuves qu’il devra vivre dans sa vie. Mais qui pourrait être aussi celle d'une fille qui console sa mère. » 

Nawel Ben Kraiem à propos de Mektoubna

De ses engagements à son amour pour la poésie et la performance, Nawel Ben Kraiem a toujours tracé un chemin singulier, fondé sur ses héritages croisés qu'elle porte comme une évidence. Avec la puissance de Mektoubna et la carte blanche de l'IMA, l’artiste vous ouvre les portes de son paysage intérieur. Rendez-vous au Printemps 2026 pour la sortie de son album Trouble.

Loona Harnetiaux-Ndi: Quel rôle joue cet ancrage entre la Tunisie et la France dans votre identité artistique et, plus concrètement, dans votre processus de création ?

Nawel Ben Kraiem: Dans la forme déjà, une façon de mélanger les langues. Mais aussi les sonorités et des imaginaires différents. Même quand j'écris en langue française, je convoque beaucoup l'imaginaire nord-africain, quelque chose qu'il n'y a pas forcément dans l'imaginaire français. Il y a les proverbes, ce rapport aux jeux de mots, je pense, qui est présent dans l'écriture de poésie. 

LH-N: En 2018, vous évoquez l'idée d'« assumer une musique hybride ». 

NBK: En fait, c'est le milieu de la musique qui m'a fait penser à nommer cette démarche. C'est-à-dire qu'au départ, moi, ces imaginaires croisés, ces langues et ces sonorités, elles étaient dans mon paysage, dans mon vocabulaire. Ça, c'était instinctif depuis le début. Mais c'est vrai que les premières années de ma vie d'artiste en France, je me suis rendu compte que le système me mettait dans la catégorie de musique du monde. On me demandait de performer sur mon arabité. C'est là où j'avais du travail en tant que chanteuse. Je me suis dit qu’en fin de compte, c'est quelque chose que je dois revendiquer, en fait, cette hybridité. 

Si la forme est hybride, le fond est celui d'une artiste indépendante, une ligne de conduite qui s'est affirmée lors d’expériences civiques significatives comme en 2011, lorsque dans le sillage de la Révolution tunisienne, elle a marqué les esprits en rejoignant le collectif Enti Essout. 

LH-N: Quel souvenir gardez-vous de cette période et de la portée de cet engagement collectif ?

NBK: Moi, je faisais de la musique depuis 3-4 ans et en fait quand il y a eu la Révolution tunisienne, j'étais très secouée par ce qui se passait en Tunisie puisque moi, j'avais grandi à Tunis dans un contexte assez syndiqué avec mes parents assez militants. J'avais eu l'occasion de revenir passer un peu de temps à Tunis, de fil en aiguille, des connaissances m’ont proposé de participer à ce projet. Le brief, c'était d'accompagner ce qui se passait au moment de la Révolution tunisienne, donc on a fait une chanson qui disait d'une manière poétique “ils ont construit des murs, mais notre voix peut traverser les murs”. C'était pour encourager les premières élections et sensibiliser les gens au vote. C'était chouette parce que pour le coup, la chanson, elle a vraiment pris en Tunisie. C'est le moment où j'ai pu sentir que ce que je faisais dans mon coin commençait à évoluer et que ça pouvait aussi vibrer en Tunisie ; je pouvais aussi appartenir à la famille des artistes tunisiens. 

LH-N: Pourriez-vous nous éclairer davantage sur votre carte blanche à l'Institut du monde arabe ?

NBK:Ils m'ont proposé une carte blanche avec des invités, le 12 décembre, c'est autour de la musique. Il y aura Mouss Amokrane avec qui je partage tout un rapport au patrimoine et aussi à nos engagements communs. Il y aura Agnès Jaoui avec qui j'ai écrit ces dernières années. Il y aura aussi Les Héritières, qui est un projet collectif sur lequel je travaille sur le répertoire de Cheikha Remitti. Le 14 décembre, c'est autour de la poésie, c'est avec une danseuse qui s'appelle Carmel Loanga. On a travaillé une forme mêlant danse et poésie. En poésie, c'est intéressant de décaler les échelles et les espaces. De trouver l’inspiration dans des lieux ou des atmosphères puis de réussir à les déplier et les polir à notre façon.

Loona Harnetiaux-Ndi

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