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Ceux qui m’aiment sans mon masque

Publié le 13 décembre 2025 par Lana

Depuis mon diagnostic, certaines personnes trouvent que j’ai changé et que je m’identifie trop à l’autisme.

C’est vrai qu’il y a des choses qui ont changé : je dois me protéger du bruit et ne supporte plus les cafés et restaurants, je n’ai plus aucune patience pour les discours hypocrites, que ce soit dans les médias ou dans la vie de tous les jours, je n’arrive plus à me concentrer et ne peux donc quasiment plus lire, je parle plus puisque je ne suis plus anesthésiée par l’Abilify qui me vidait l’esprit, et je n’ai en ce moment pas la capacité de masquer ce que je ressens.

Je suis en burn out autistique, en décompensation post diagnostic, en dépression, et mes douleurs chroniques augmentent considérablement quand je suis dans un environnement sensoriellement agressif, sans parler du fait que j’enchaîne les meltdowns et les shutdowns, crises qui consument une énergie phénoménale et ont des conséquences sur mes capacités cognitives, ma fatigue et mon moral, me rendant d’autant plus sensible aux déclencheurs, et activant un cercle vicieux qui ralentit mon rétablissement.

Mon système nerveux est totalement à plat. Et pour arriver à survivre, je passe beaucoup de temps à comprendre mon fonctionnement, à trouver des astuces pour l’apaiser, des conseils qui conviennent aux autistes. Alors, pour certains, c’est sans doute faire l’autiste que d’avoir un stim toy à triturer, mais c’est moins nocif que quand je passais mes soirées à enchaîner les cigarettes pour occuper mes mains. C’est apparemment trop s’identifier à un diagnostic que de comprendre enfin sa façon de fonctionner après avoir masqué pendant 47 ans, masking qui m’a conduit à des extrémités dramatiques. Mais il semblerait que continuer à masquer est plus important que ma santé, si c’est pour sauver les apparences et respecter les normes.

Ce que je retiendrai de ces derniers jours, ce n’est pas le chantage affectif de personnes qui ne veulent pas faire l’effort de me comprendre tout en disant m’aimer. Ce n’est pas les jugements de celles qui n’aimaient en fait qu’une image qu’elles s’étaient faites de moi: Lana la force tranquille, la courageuse et toutes ces conneries que j’ai toujours réfutées, Lana la fille taiseuse et calme (forcément quand on est shootée aux neuroleptiques on ne fait pas trop de vagues). Je retiendrai les paroles des personnes qui me connaissent depuis très longtemps et trouvent que je n’ai pas changé tant que ça, car au fond c’est vrai, je suis juste en train de me retrouver, de me reconnecter à moi-même après des décennies à avoir été étouffée. Je retiendrai les mots de l’amie qui me dit que ses sentiments pour moi n’ont pas changé et de l’ami qui trouve qu’on passe des bons moments. Je suis aussi très touchée du compliment que m’a fait une nouvelle amie autiste, diagnostiquée il y a six ans au même âge que moi, elle m’a dit qu’elle était admirative de tout ce que j’étais parvenue à mettre en place depuis seulement quatre mois que j’avais mon diagnostic, d’à quel point j’étais maline et débrouillarde.

Dans ce moment très délicat de ma vie, où je dois tout reprendre à zéro pour survivre, pour arriver à être en accord avec moi-même, où je dois me protéger à tout prix pour me rétablir, je retiens que certaines personnes m’aiment vraiment et que d’autres n’aimaient qu’une image, je retiens que certains lancent de grandes promesses et de belles paroles qu’ils trahissent deux jours après, qu’ils disent comprendre tout à fait ce que je ressens tout en démontrant à de multiples reprises que c’est faux, et que d’autres posent des actes qui veulent dire bien plus que toute la positivité toxique du monde, et énoncent quelques mots simples mais sincères qui sonnent bien plus vrai que des serments irréalistes.

Je retiens que je dois écouter ce que je ressens : je suis avec les bonnes personnes quand je me sens libre d’être moi-même sans devoir me justifier, quand je ne dois pas répéter mes limites encore et encore, quand je me sens respectée. Alors je peux arrêter d’être comme un animal aux abois, je peux juste être naturelle, rire, débattre, me taire, peu importe, mais juste être là sans avoir le corps qui se tend et le ventre qui se tord.


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