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Denny Laine : Histoire d’une légende du rock britannique

Publié le 14 décembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Denny Laine, cofondateur des Moody Blues et membre clé de Wings, a marqué l’histoire du rock britannique avec ses multiples contributions. Un parcours jalonné de collaborations mémorables, de succès en solo et d’un héritage musical indéniable. Il reste une figure de référence pour les amateurs de pop anglaise des années 60 et 70.


Depuis son premier accord de guitare à Birmingham jusqu’à sa consécration au Rock and Roll Hall of Fame, Denny Laine, de son vrai nom Brian Frederick Hines, s’est imposé comme l’un des acteurs les plus singuliers de l’histoire du rock anglais. Son parcours couvre près de six décennies, au cours desquelles il aura cofondé deux groupes majeurs, les Moody Blues et Wings. Il s’agit d’un itinéraire musical où l’on croise aussi bien le beat vitaminé des années 1960 que l’esthétique pop et aventureuse des années 1970, sans oublier des collaborations éclectiques avec diverses figures emblématiques de la scène rock britannique.

Sommaire

  • Un héritage forgé à Birmingham
  • Premiers pas : les Diplomats et l’influence de Birmingham
  • Les Moody Blues : une percée fulgurante
  • Après les Moody Blues : l’exploration du son électrique
  • La rencontre déterminante : Paul McCartney et la naissance de Wings
  • L’éclipse de Wings et la poursuite en solo
  • Un chemin de traverse : collaborations et albums personnels
  • La fibre créative intacte : des spectacles à thèmes et un musical
  • Vie personnelle et dernières années
  • Un dernier souffle à Naples, en Floride
  • Un legs discographique protéiforme
  • Enracinement et hommage
  • La reconnaissance : Rock and Roll Hall of Fame
  • Un héritage à redécouvrir

Un héritage forgé à Birmingham

L’histoire de Denny Laine débute le 29 octobre 1944, au Holcombe Road, dans le quartier de Tyseley, à Birmingham. Certains racontent qu’il serait né au large de Jersey, dans les îles Anglo-Normandes, mais la version la plus reconnue fait état de ce berceau birminghamien. Il grandit au sein de la classe moyenne anglaise, encore marquée par les difficultés de l’époque de la Seconde Guerre mondiale. Son père, Herbert Edward Arthur Hines, et sa mère, Eva Lillian Bassett, l’élèvent dans une Angleterre en reconstruction.

Très vite, il se passionne pour la guitare, inspiré par les sonorités de Django Reinhardt. Il n’a encore qu’une douzaine d’années lorsqu’il donne sa première prestation scénique en solitaire, ce qui laisse deviner une vocation déjà bien ancrée. Adolescent, il adopte son surnom – « Denny » – et décide de changer son patronyme Hines en « Laine », en référence au chanteur Frankie Laine, dont sa sœur était fan. Il estime que « Brian Frederick Hines and the Diplomats » ne sonne pas comme il le souhaiterait : il veut un nom plus percutant, en phase avec la mouvance rock naissante.

Premiers pas : les Diplomats et l’influence de Birmingham

Avant la gloire, Denny Laine fait ses gammes dans plusieurs formations locales. L’une des plus marquantes est Denny Laine and the Diplomats, où figure un futur grand nom : Bev Bevan, qui rejoindra plus tard le Move et Electric Light Orchestra. La scène de Birmingham, ville industrielle, regorge alors de talents qui cherchaient à se forger un chemin vers Londres ou Manchester, les pôles habituels de l’industrie musicale britannique.

Cette première période permet à Laine d’affûter son jeu de guitare et de développer une vraie aisance scénique. Déjà, il incarne la figure du chanteur-guitariste à l’énergie communicative. Ces années constituent un laboratoire où se dessinent les choix musicaux qu’il poursuivra ensuite, notamment l’insertion de touches rhythm and blues et l’improvisation sur scène.

Les Moody Blues : une percée fulgurante

En 1964, Denny Laine reçoit un appel déterminant. Ray Thomas et Mike Pinder, membres fondateurs d’une nouvelle formation baptisée M&B 5, le sollicitent. Rapidement, ce groupe adopte le nom de Moody Blues. Laine y officie en tant que guitariste et chanteur. C’est lui qui interprète la version du titre « Go Now », reprise d’une chanson de Bessie Banks, qui devient un énorme succès au Royaume-Uni et propulse le groupe sur le devant de la scène. Le morceau s’impose comme la première pierre de l’édifice Moody Blues, plus tard considérés comme l’un des précurseurs du rock progressif britannique.

Au-delà de « Go Now », Denny Laine chante également sur « I Don’t Want to Go on Without You », en plus de composer ou co-composer plusieurs faces B remarquées. Il est alors un membre clé, participant activement à l’orientation musicale de la formation. Parmi les extraits notables, « From the Bottom of My Heart (I Love You) » et « Everyday », écrits avec Mike Pinder, s’inscrivent dans le paysage pop anglais des mid-sixties. En marge de ces réussites, les Moody Blues peinent cependant à reproduire l’ampleur commerciale de « Go Now ». Quelques modestes succès ponctuent cette période, mais ne suffisent pas à installer le groupe dans une pleine stabilité.

Denny Laine, dont la personnalité artistique bouillonne, se lasse des échecs consécutifs dans les charts et finit par quitter la formation en octobre 1966. Le dernier single auquel il participe est « Life’s Not Life » / « He Can Win », sorti en janvier 1967. Avec ce départ, c’est une page qui se tourne : Justin Hayward le remplace et oriente les Moody Blues vers des sonorités plus progressives et orchestrales. Pour Laine, une nouvelle aventure débute, même si le souvenir de « Go Now » reste vivace. Il est à noter que l’ensemble des titres enregistrés par les Moody Blues avec Laine figure dans diverses compilations, témoignant du rôle essentiel qu’il a tenu dans la genèse du groupe.

Après les Moody Blues : l’exploration du son électrique

À peine sorti des Moody Blues, Denny Laine fait preuve d’un indéniable appétit musical. En décembre 1966, il fonde l’Electric String Band, où l’on retrouve Trevor Burton (ex-The Move) à la guitare, Binky McKenzie à la basse, Viv Prince (ex-Pretty Things) à la batterie, et divers instruments à cordes électrifiés. L’idée préfigure quelque peu ce que sera plus tard Electric Light Orchestra : une fusion rock et cordes qui se veut novatrice. Ils partagent même l’affiche avec des pointures telles que Jimi Hendrix Experience ou Procol Harum. Mais malgré ces opportunités, le groupe peine à conquérir un large public et s’éteint avant d’avoir vraiment pu éclore.

Parallèlement, Denny Laine lance sa carrière solo, signant deux singles chez Deram. Le premier, « Say You Don’t Mind », ne rencontre pas un succès immédiat, mais connaîtra une postérité inattendue quelques années plus tard quand Colin Blunstone (ex-Zombies) en fait un tube en 1972. Le second, « Too Much in Love » / « Catherine’s Wheel », peine à se faire une place dans les classements. Ces tentatives révèlent néanmoins l’envie de Laine de s’imposer comme artiste complet, hors de la contrainte d’un groupe unique.

Lorsque l’Electric String Band se dissout, Laine rejoint Balls, une formation pilotée par lui-même, Trevor Burton et d’autres complices. Les enregistrements peinent toutefois à voir le jour. On ne retient qu’un single, « Fight for My Country », décliné sur plusieurs pressages, notamment sous le nom B.L.&G. Laine fait un bref passage dans Ginger Baker’s Air Force, supergroupe où se mêlent rock, jazz et expérimentations, dirigé par l’ex-batteur de Cream. Cette incursion lui permet de confirmer sa capacité à évoluer au contact de musiciens confirmés. Pourtant, rien ne semble véritablement accrocher le grand public : Laine est doué, réputé comme un guitariste et chanteur de talent, mais n’a pas encore trouvé l’environnement adéquat pour un succès d’envergure.

La rencontre déterminante : Paul McCartney et la naissance de Wings

En 1971, la vie de Denny Laine prend un tournant décisif. Paul McCartney, ex-Beatle en quête d’un nouveau projet, le sollicite pour se joindre à lui et sa femme Linda dans une formation baptisée Wings. Cette proposition ne doit rien au hasard : McCartney connaissait déjà Laine depuis l’époque de la Beatlemania, et appréciait son timbre de voix, sa prestance scénique et sa créativité. Pour Laine, c’est une opportunité inestimable : intégrer un groupe emmené par l’un des plus grands compositeurs de la pop anglaise.

Wings se lance dans une trajectoire ascendante. La formation évolue, mais le noyau dur demeure : Paul, Linda et Denny. Dès le premier album, « Wild Life », les critiques sont mitigées, mais c’est le début d’une aventure prolifique. À travers les années 1970, Wings signe une série de disques marquants : « Red Rose Speedway » (1973), « Band on the Run » (1973), « Venus and Mars » (1975), « Wings at the Speed of Sound » (1976), « London Town » (1978) et « Back to the Egg » (1979). Chaque opus met en évidence la participation concrète de Denny Laine. Il fait parfois office de bassiste quand McCartney se tourne vers le piano ou la guitare, joue aussi les parties de guitare principale et assure certains claviers. Son rôle de vocaliste est crucial : il double la voix de McCartney, interprète des parties solos ou assume même la totalité du chant sur quelques compositions.

Tout au long de la décennie, Laine ne se contente pas de soutenir l’ancien Beatle, il co-écrit régulièrement. Parmi les chansons phares, figure le tube phénoménal « Mull of Kintyre » (1977), né d’une collaboration entre McCartney et Laine. Le titre atteint des sommets dans les charts britanniques et devient le single le plus vendu au Royaume-Uni jusqu’à l’avènement de « Do They Know It’s Christmas? » en 1984. Dans d’autres morceaux, comme « Deliver Your Children », Denny Laine assure le chant principal et prouve qu’il est plus qu’un simple « accompagnateur » de Paul McCartney.

Il est notable que certains des plus grands succès de Wings apparaissent lorsque le groupe se retrouve réduit à un trio. « Band on the Run » (1973) illustre cet état de fait : seuls McCartney, Linda et Laine participent à l’enregistrement, puisent dans leur créativité et créent l’un des albums les plus acclamés de la décennie. Ce disque, à la fois pop et aventureux, marque un jalon dans la production post-Beatles de McCartney. Laine s’y implique à la composition, reçoit des co-crédits et y interprète des passages vocaux ou instrumentaux notables.

Wings multiplie alors les tournées mondiales. Sur scène, Denny Laine se voit confier des moments-clés, notamment le plaisir de reprendre « Go Now » des Moody Blues, un clin d’œil à son propre passé. Il interprète aussi ses propres titres tels que « Time to Hide » ou « Again and Again and Again ». Le public, avide de la présence de McCartney, découvre un Laine charismatique, s’imposant comme une figure forte du groupe, tant par sa contribution artistique que par sa longévité – il est le seul à rester aux côtés des McCartney durant toute la décennie (1971-1981).

L’éclipse de Wings et la poursuite en solo

En janvier 1980, Wings rencontre un obstacle majeur : Paul McCartney est arrêté au Japon pour possession de marijuana, empêchant une tournée de se tenir. Cette affaire brouille les cartes. Denny Laine entame alors la préparation d’un album solo, « Japanese Tears », dont la chanson-titre fait référence à cette anecdote chaotique. Pendant ce temps, le groupe se fissure : les incertitudes quant à son futur musical se multiplient.

Denny Laine espère un nouveau départ pour Wings, mais un drame survient dans l’univers rock : l’assassinat de John Lennon, le 8 décembre 1980. Cet événement bouleverse McCartney, qui se replie et n’envisage plus de grande tournée. Le 27 avril 1981, la nouvelle tombe : Laine quitte Wings, mettant un point final à dix années de collaboration intense. Il avouera par la suite que cette dissolution le laisse perplexe, mais qu’il comprend le traumatisme de McCartney après le meurtre de Lennon.

Un chemin de traverse : collaborations et albums personnels

Après cette séparation, Denny Laine ne quitte pas pour autant la sphère musicale. Il sort un nouvel album solo, « Anyone Can Fly », en 1982, et multiplie les participations à diverses productions. Il apparaît en studio sur des disques de McCartney tels que « Tug of War » (1982) et « Pipes of Peace » (1983). Leur complicité reste vivace, comme en témoigne la co-composition de « Rainclouds », face B du célèbre single « Ebony and Ivory ».

Laine poursuit par ailleurs sa propre discographie, publiant « Hometown Girls » (1985), « Wings on My Feet » (1987), « Lonely Road » (1988) ou encore « Master Suite » (à la fin des années 1980), et continue d’explorer divers styles, parfois avec des sonorités plus pop, parfois plus rock. Parmi les projets notables, il retravaille en 1996 certains classiques de Wings dans l’album « Wings at the Sound of Denny Laine », où il revisite le répertoire qu’il avait largement contribué à bâtir.

En parallèle, il se produit sur scène avec des formations éphémères ou rejoint des supergroupes. De 1997 à 2002, il intègre World Classic Rockers, un collectif de vétérans du rock piloté par Nick St. Nicholas (ex-Steppenwolf). L’objectif est de tourner et de satisfaire la nostalgie du public pour les grands standards. Cette période permet à Laine de rester actif dans le circuit live et de maintenir un lien avec ses fans.

La fibre créative intacte : des spectacles à thèmes et un musical

Au fil des années 2000, Denny Laine participe à des concerts-hommages Beatles/McCartney/Wings, naviguant entre nostalgie et envie de montrer que son jeu de guitare et sa voix gardent un certain éclat. Il écrit aussi un musical, « Arctic Song », illustrant son goût pour l’exploration de formats artistiques différents. Son dernier opus solo, « The Blue Musician », voit le jour en 2008, proposant un univers plus bluesy, faisant écho à ses premières amours musicales.

Le chapitre scénique ne se referme pas pour autant : en 2018, il se retrouve sur scène avec le groupe Turkuaz pour revisiter des morceaux de Wings. La même année, il accède enfin à une reconnaissance institutionnelle : son nom intègre le Rock and Roll Hall of Fame, en tant que membre fondateur des Moody Blues. Ce geste scelle la contribution cruciale qu’il a apportée à l’une des périodes-clés de la pop britannique.

Vie personnelle et dernières années

Sur le plan privé, Denny Laine mène une vie sentimentale parfois houleuse. Il est un temps marié à Jo Jo Laine, avec qui il a deux enfants, dont la fille Heidi Jo Hines. Jo Jo Laine aura elle-même cherché à se faire un nom dans le milieu du divertissement, tout en gérant la pression médiatique liée à Wings. Par la suite, Denny Laine a d’autres enfants, issus de relations différentes. Il se marie en juillet 2023 avec Elizabeth Mele, un mariage annoncé sur ses pages officielles.

Sa base se situe en Floride, à Naples. Pourtant, la santé de Laine faiblit. Victime de la COVID-19 en 2022, il subit ensuite plusieurs interventions chirurgicales liées à des problèmes pulmonaires, notamment un poumon affaissé. Son épouse lance un GoFundMe pour couvrir les frais médicaux, attirant l’attention de nombreux amis musiciens. Un concert de soutien est organisé le 27 novembre 2023 au célèbre Troubadour, à West Hollywood, montrant la solidarité de la scène rock envers un membre historique de la communauté.

Un dernier souffle à Naples, en Floride

Le 5 décembre 2023, Denny Laine s’éteint à Naples, en Floride, des suites d’une maladie pulmonaire interstitielle. Sa disparition survient alors qu’il avait encore l’intention de se produire et de composer, selon ses annonces de début d’année. Un message émouvant de son épouse sur les réseaux sociaux officiels confirme la nouvelle, suscitant de nombreuses réactions venues de collègues musiciens, de journalistes rock et de fans de longue date.

L’homme qui avait posé sa voix sur « Go Now » et prêté sa guitare à Paul McCartney pour forger la légende de Wings laisse derrière lui un héritage vaste et multiple. Il fut, à la fois, un pionnier du British R&B, un artisan de la transition pop et un compositeur trop souvent sous-estimé. Son parcours jette un pont entre l’Angleterre brumeuse des sixties et l’exubérance des mégatournées des seventies.

Un legs discographique protéiforme

La carrière discographique de Denny Laine reflète sa curiosité insatiable. Du côté des Moody Blues, on retient l’album « The Magnificent Moodies » (1965) et plusieurs singles marquants : « Go Now », évidemment, mais aussi « I Don’t Want to Go on Without You » ou « From the Bottom of My Heart (I Love You) ». Ses deux premiers singles en solo, « Say You Don’t Mind » et « Too Much in Love », sortis en 1967 et 1968, passent inaperçus au moment de leur publication, avant que le premier ne ressurgisse, revisité par Colin Blunstone.

Les années Wings constituent l’âge d’or commercial. Plusieurs albums deviennent des best-sellers mondiaux, « Band on the Run » en tête. Son duo musical avec Paul McCartney atteint son sommet avec « Mull of Kintyre » en 1977, qui demeure l’un des singles mythiques du répertoire britannique. Il ne faut pas oublier l’album « Holly Days » (1976), réalisé à trois (Laine et les McCartney), ni ses contributions aux multiples visages de Wings, où il interprète parfois les parties vocales principales, comme sur « Time to Hide ».

Après 1981, la série d’albums solo se poursuit, dans une relative discrétion médiatique : « Anyone Can Fly » (1982), « Hometown Girls » (1985), « Lonely Road » (1988), etc. Souvent distribués par de petits labels, ces disques capturent son envie de maintenir une indépendance artistique, loin des projecteurs de la grande industrie. Il glisse parfois vers des registres pop-rock plus classiques, parfois vers le blues ou des ballades acoustiques.

Dans les années 1990, il recompile et réarrange des morceaux, proposant « Reborn » (1996) et « Wings at the Sound of Denny Laine » (1996). Il revient ainsi sur les titres de Wings, qu’il réenregistre ou modifie, affirmant son droit d’auteur et réaffirmant son rôle dans cette aventure. Cette démarche reflète la volonté de ne pas être le simple « ancien membre de Wings », mais de montrer qu’il y a une âme créatrice indépendante.

Enracinement et hommage

Durant sa carrière, Denny Laine s’est produit dans de multiples salles à travers le monde. Il n’a jamais hésité à se joindre à des concerts-hommages aux Beatles ou à s’engager dans des formations éphémères avec d’autres figures du classic rock. Son jeu de guitare, à la fois précis et sensible, n’a jamais cessé d’impressionner les connaisseurs. Il était l’exemple d’un musicien devenu star au contact d’un géant (McCartney), mais qui avait déjà, en lui-même, les qualités nécessaires pour briller.

Les fans se souviennent particulièrement de sa capacité à alterner guitare et basse sur scène, un exercice parfois périlleux, exigeant une grande agilité. Qu’il joue des parties solo ou soutienne McCartney, Denny Laine irradiait une sincérité naturelle, un certain recul face aux tumultes de la gloire. Ceux qui l’ont côtoyé décrivent souvent un homme affable, discret sur ses propres mérites, passionné de musique avant tout.

La reconnaissance : Rock and Roll Hall of Fame

En 2018, le Rock and Roll Hall of Fame reconnaît enfin sa valeur historique. L’institution l’intronise en tant que membre originel des Moody Blues, sacrant ainsi son apport à l’émergence du rock britannique des années 1960. Cette consécration, quoique tardive, apparaît comme l’aboutissement d’un parcours démarré sur les bancs de la Yardley Grammar School à Birmingham. Plus encore, elle met en lumière la place de Denny Laine dans une forme de continuité musicale, du R&B à la pop orchestrée, de la fin des sixties à la charnière des eighties.

Un héritage à redécouvrir

Aujourd’hui, l’histoire de Denny Laine incite à revisiter son œuvre au sein des Moody Blues et de Wings, mais aussi ses nombreux albums solo. On y retrouve une identité musicale qui souvent échappe aux projecteurs grand public : celle d’un guitariste-chanteur sachant marier feeling blues, mélodies pop et envolées rock. Tout comme son confrère Paul McCartney, il savait injecter une part de liberté dans des morceaux destinés à un large public. Il aimait jouer avec l’expérimentation, les claviers, parfois même l’harmonica, instrument qui ajoute une teinte folk à certaines de ses performances.

Son décès, en décembre 2023, marque la fin d’un long itinéraire, mais rappelle à tous que l’héritage du rock anglais est bâti sur le talent cumulatif de musiciens parfois moins célébrés que les Lennon, McCartney, Jagger ou Townshend. Denny Laine, par ses choix artistiques et sa persévérance, a participé à la création d’une part essentielle du paysage musical de la seconde moitié du XXe siècle. Il laisse derrière lui des fans sincères, des amis musiciens qui lui ont rendu hommage et une discographie variée où le rock, la pop et le blues se côtoient.

Cette trajectoire, démarrée sous le nom de Brian Frederick Hines, prouve qu’on peut évoluer à l’ombre des plus grandes légendes (Moody Blues, Beatles) sans pour autant perdre son identité propre. S’il est, pour nombre de nostalgiques, le « partenaire de McCartney », il demeure également l’une des voix qui ont fait retentir « Go Now », un hymne ayant ouvert la voie aux Moody Blues et qui, des décennies plus tard, lui aura valu d’être inscrit au panthéon du rock. Il suffit de réécouter sa version live de « Time to Hide » ou un enregistrement de « Again and Again and Again » pour percevoir l’énergie et la sensibilité dont il savait faire preuve.

À l’heure où il nous quitte, les hommages se multiplient, venant de confrères ou de jeunes musiciens qui ont grandi en écoutant Wings et en fredonnant « Mull of Kintyre ». Le fait que Denny Laine ait continué, jusqu’à la fin, à monter sur scène, témoigne d’un amour pour la musique qui n’a jamais faibli, même lorsque la santé l’a contraint à ralentir. Sa dernière bataille, celle de la maladie pulmonaire interstitielle, l’a emporté dans la nuit du 5 décembre 2023, laissant une épouse et plusieurs enfants endeuillés, ainsi qu’un héritage sonore dense.

Pour ceux qui souhaitent en savoir plus, il suffit de se plonger dans les albums phares de Wings, de revisiter « The Magnificent Moodies » ou d’explorer ses disques solos. On y décèle la quête d’un artiste qui a souvent préféré les chemins de traverse à la facilité, qui n’a jamais hésité à se remettre en question. L’histoire retiendra qu’il fut un cofondateur, un compositeur discret, un guitariste polyvalent. Au-delà, on se souviendra surtout d’une voix sincère, d’une guitare aux sonorités parfois rêveuses, parfois incisives, et d’une sincère complicité avec Paul et Linda McCartney, ayant engendré quelques-unes des plus belles pages de la pop anglaise des années 1970.

En définitive, Denny Laine incarne une figure à part dans le récit du rock britannique : entre la ferveur de Birmingham, les débuts R&B des Moody Blues, la gloire avec Wings et la persévérance d’un créateur insatiable, il a tracé un itinéraire singulier et passionnant. Sa disparition laisse un vide, mais rappelle aussi la richesse des destins musicaux moins exposés que ceux des icônes absolues. Pour tous les amateurs de la grande histoire de la pop, son nom restera associé à l’élan créatif des sixties et seventies, au charme d’une époque où tout semblait possible pour qui avait un talent à revendre et une guitare en bandoulière. Qu’il s’agisse de chanter « Go Now » ou de co-signer « Mull of Kintyre », Denny Laine a définitivement imprimé sa patte dans la mémoire collective du rock.


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