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Do The Oz : Une chanson audacieuse, entre engagement politique et expérimentation musicale

Publié le 15 décembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

L’année 1971 marque un tournant important dans la carrière de John Lennon, à la fois sur le plan personnel et artistique. Loin des querelles juridiques qui l’opposent au gouvernement américain, loin aussi de ses projets les plus ambitieux, Lennon compose « Do The Oz », une chanson qui ne ressemble à aucune autre de son répertoire. Cette composition unique, à la fois provocatrice et expérimentale, a été enregistrée dans des circonstances bien particulières : comme soutien à la revue Oz et à ses fondateurs, au centre d’un procès pour obscénité. Une petite perle méconnue, certes, mais qui illustre parfaitement le caractère de Lennon, entre militantisme, art et provocations sonores.

Sommaire

Le contexte politique : un combat pour la liberté d’expression

Pour comprendre l’origine de « Do The Oz », il faut revenir à l’affaire qui a secoué la scène médiatique britannique en 1971. Le Oz magazine, un périodique satirique et avant-gardiste fondé par Richard Neville, était poursuivi en justice pour obscénité. Le procès portait sur un numéro de la revue contenant un « comic book » intitulé The Oz Trial, jugé subversif et indécent par les autorités. Ce procès avait rapidement pris une dimension politique, représentant la lutte contre la censure, la répression des libertés d’expression et la révolte contre les normes sociales de l’époque.

Dans ce contexte, Lennon et sa compagne Yoko Ono ne pouvaient rester indifférents. Solidaires de la revue et des jeunes militants accusés, ils décidèrent de s’engager activement pour soutenir leur cause. Pour ce faire, John Lennon composa deux chansons : God Save Oz et Do The Oz, qu’il publia en single. Le projet de Lennon n’était pas simplement de faire une chanson militante de plus, mais de dénoncer à sa manière la société qu’il jugeait répressive, et ce à travers une démarche artistique radicale.

Une chanson à l’image de Lennon : audacieuse et déstabilisante

« Do The Oz » est avant tout une chanson qui frappe par son énergie brute et son atmosphère sonore singulière. Enregistrée au mois de mai 1971 au Ascot Sound Studios (le studio maison de Lennon à Tittenhurst Park), la composition s’inscrit parfaitement dans la période expérimentale de l’ex-Beatle, où il mélange des influences rock, avant-gardistes et poétiques. Ce morceau, avec son riff obsédant, sa production écho-latente signée Phil Spector, et ses paroles à la fois absurdes et politiques, semble délibérément conçu pour troubler et provoquer.

La chanson commence avec un riff de guitare électrique entêtant, soutenu par une section rythmique solide, formée par Klaus Voormann à la basse et Jim Keltner à la batterie. Mais ce qui frappe avant tout, ce sont les paroles, qui jouent avec des références à la danse du « Hokey Cokey » (connue en France sous le nom de « Hokey Pokey ») : « Pull your left wing in, and put your right wing out / Do the Oz, baby / Spread it all about ». Une danse de l’aile, une satire grinçante des danses populaires de l’époque, mais aussi une métaphore de la situation politique anglaise et du climat social.

Le fait que le texte fasse référence à un « Hokey Cokey » modifié, avec des gestes et des mouvements inspirés d’une danse populaire, semble particulièrement significatif. C’est un appel à l’action, un encouragement à participer à une révolte, tout en étant délibérément absurde et surréaliste. Cette danse symbolique, comme pour signifier que la société est prête à se tordre et à se réinventer dans une parodie de l’ordre établi.

L’enregistrement : un rassemblement de talents

L’enregistrement de « Do The Oz » est l’un des moments phares de cette période créative de Lennon. Pour ce projet, il s’entoure de musiciens qui seront également impliqués dans l’enregistrement de son album Imagine, sorti l’année suivante. Aux côtés de Lennon et Yoko Ono (qui chante également sur le morceau), on retrouve le fidèle Klaus Voormann à la basse, ainsi que le claviériste Nicky Hopkins, dont le jeu de piano envoûtant ajoute de la profondeur à l’ensemble. L’instrumentation est renforcée par la présence de saxophonistes, Phil Kenzie et Geoff Driscoll, et la batterie de Jim Keltner, qui donne au tout un rythme dynamique et énergique.

Le morceau bénéficie de la touche unique de Phil Spector, le producteur emblématique qui avait déjà travaillé avec les Beatles et qui collabore désormais avec Lennon. Son style de production, souvent caractérisé par des murs de son et des effets d’écho profonds, est ici parfaitement adapté au ton particulier de « Do The Oz ». La chanson prend des allures de manifeste sonore, où la puissance de la musique sert de véhicule pour un message engagé, tout en se permettant des expérimentations formelles.

« Do The Oz » : un échec commercial et un culte en devenir

Malgré l’intensité de son engagement et la singularité de sa démarche artistique, Do The Oz ne rencontra pas un grand succès commercial. Le single, publié en juillet 1971 sous le nom de Elastic Oz Band, ne parvint ni à entrer dans les classements britanniques ni à séduire le public américain. La réception critique ne fut pas non plus triomphale, certains y voyant une œuvre marginale, tandis que d’autres la considéraient comme une curiosité au sein du répertoire de Lennon. Cependant, malgré ce relatif échec commercial, la chanson demeura un témoignage fort de son époque et de l’esprit de rébellion propre à Lennon à cette époque.

En 1998, « Do The Oz » fut incluse dans la box-set John Lennon Anthology, un coffret qui rassemblait une multitude d’enregistrements inédits et de démos. L’occasion pour les fans de découvrir ce morceau rare dans une version remasterisée, mais aussi d’apprécier l’authenticité de l’enregistrement. Puis, en 2000, une nouvelle version remixée de la chanson fut ajoutée à la réédition du disque John Lennon/Plastic Ono Band, aux côtés de « Power to the People », un autre morceau qui faisait écho à son engagement politique.

Plus récemment, en 2018, le titre fit partie de la réédition de Imagine: The Ultimate Collection, un coffret qui explore en profondeur l’album phare de Lennon. Ce fut l’occasion de découvrir les outtakes de « Do The Oz », offrant aux auditeurs un aperçu plus intime du processus créatif qui avait mené à cette chanson déstabilisante.

Une chanson préfigurant l’avenir

En définitive, « Do The Oz » est bien plus qu’un simple morceau militant. Il incarne cette période où John Lennon, loin des projecteurs d’une carrière solo traditionnelle, se lance dans des expérimentations sonores qui préfigurent en quelque sorte les futures directions de la musique pop et rock des années 70. Son engagement artistique n’est pas seulement politique ; il est aussi musical, avec cette volonté de bousculer les conventions et d’expérimenter des formes nouvelles.

Ce titre est également un cri de résistance face à une société qui lui semblait figée, conservatrice, voire répressive. Un cri qui, à travers son humour noir et sa parodie de danse, résonne encore aujourd’hui comme une invitation à l’action et à la réflexion.

Ainsi, même si « Do The Oz » n’a jamais eu le succès qu’il méritait à sa sortie, il reste une œuvre essentielle du répertoire de John Lennon. Ce morceau représente cette période de révolte où Lennon, en dehors de ses conflits personnels et politiques, cherchait à interroger les normes sociales tout en s’amusant à manipuler la musique elle-même. Une chanson à la fois énigmatique et symbolique, qui mérite amplement sa place dans le panthéon des créations les plus audacieuses de John Lennon.


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