Lorenz O'Tool est un musicien Berlinois ayant oeuvré dans divers groupes underground, qui en 2021 lance son projet Balcony's Factory avec son ami australien, le batteur Jeremy Tayler. Enregistré dans leur maison-studio de Tasmanie à la vue imprenable d'où le blaze du groupe, leur premier album (sans tires) donne à entendre une folk cafardeuse lo-fi qui ferait passer les premiers disques de Daniel Johnston pour du Burt Bacharach. Ce sophomore à la superbe pochette avec ses nénuphars sérigraphiées, le surpasse et enfonce le clou.Amateurs de pop léchée, de voix cristallines à la justesse impeccable ainsi que d'envolées instrumentales et de guitares accordées, passez votre chemin. Ce disque auquel on aurait tort de renoncer dès la première écoute est de ceux qui se méritent même si le procédé et la démarche arty ont de quoi intriguer voire agacer. Spot The Difference a été enregistré sciemment dans un grille-pain immergé au fond d'une piscine. Comment peut-on expliquer sinon ces gouttelettes tombant à intervalles réguliers sur la console....à moins que bien sûr il ne s'agisse tout bêtement d'une reverb un peu forcée. Bon, au-delà de l'exercice de style déjà éprouvé et qui renvoie à certains de nos plus beaux fleurons de folk neurasthénique - le regretté Daniel Johnston déjà cité, Sparklehorse, Palace Music, Smog bref tous les grands cabossés - Balcony's Factory dispose d'un talent indéniable. Celui d'emmener très loin des morceaux déchirés et déchirants (magnifique "Fishing next to the lilies", les nénuphars encore), d'arrêter les titres qui viennent à peine de commencer ("Hollow diary", "Time after time"), et aussi de faire sonner des guitares comme des dulcimers (l'intro de "Spot the difference", autre réussite).
Et alors qu'il reprenaient les Beatles via John Lennon dans le premier album éponyme, le binôme s'octroie pas moins de quatre reprises pour un album dépassant à peine la demi-heure et ces titres-là comptent parmi les pics de Spot The Difference : d'abord un "Silly girls", classique des TV Personalities joué à la hussarde et à l'identique. Puis deux morceaux de M.O.T.O (Master Of The Obvious), groupe-culte de Louisiane du milieu des années 80 et ce sont les formidables "Alone with a crowd" et "But of course" qui sont revisités. Il y a aussi le "Weird Ways" de Jeff Clarke des Black Lips dans son projet solo Demon's claws. Avec le chant anémié d'"Aftermoon" et les accents punk débraillés de "Lovelonging" et "College knowledge" qui n'auraient pas déparé sur le premier Parquet Courts, on touche là d'autres sommets d'un album bringuebalant mais qui miraculeusement fonctionne en rappelant à notre souvenir les meilleurs inadaptés de l'indie rock"
Spot The difference, titre second degré s'il en est, permet d'envisager à nouveau un underground de musique blanche et blafarde avec sérénité. Avec trois fois rien : deux micros, une batterie, une chambre d'écho avec ici ou là quelque partie de saxophone. Et au détour d'un titre, de percevoir une mélodie qui dans son plus simple appareil, touche au coeur.
Miraculeux.
En bref : difficile de comprendre pourquoi on accroche tant à ce disque fauché. Mais le fait est qu'au-delà de la pose et du parti pris lo-fi, le binôme germano-australien parvient à rendre crédible cette collection d'accords simples pourtant sur le fil et prêts à se casser la figure. Idéal pour les fins de soirées avinées.

