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Publié le 08 septembre 2008 par Untel

« J’ai manqué de courage, d’amour. Je fais partie de tous ces gens qui ne vous ont pas assez aimée. Il faut beaucoup d’audace pour aimer, et vous n’avez eu de moi que l’affection frileuse d’un pleutre. » Effectivement, il ne l’aime pas, ne l’a pas aimée. Seulement elle s’est suicidée et, d’une certaine façon, ça le tracasse, comme le tracassait le fait qu’elle couche avec un autre : comme ça, parce que ça le dérange, sans que les événements déclenchent chez lui une crise quelconque. Il en blaguerait presque. Ou plutôt : ça ne l’empêche pas de faire des blagues, de se laisser porter par son imaginaire, de créer des personnages grotesques, de laisser venir les métaphores à un rythme qui rappellerait celui de l’association libre. Au fond, il s’en fout. D’ailleurs il n’est même pas besoin d’analyser son style pour le voir : il l’écrit noir sur blanc, en la laissant prendre la parole ; elle lui reproche de faire n’importe quoi de sa mémoire, de la ridiculiser et j’en passe. Je me demande si en écrivant il entendait la même phrase que moi en le lisant : « même si son sujet est tragique, le suicide d’une jeune femme de trente quatre ans, l’auteur ne tombe jamais dans le piège du pathos ou le bon sentiment. » C’est censé être un compliment. Sauf que pour raconter l’histoire du suicide d’une jeune femme, on n’est pas obligé de se montrer tout à fait froid, de faire étalage de ses trouvailles littéraires, de se fendre la poire quoi, après tout on est vivant, et les morts je les emmerde. Justement l’expression d’un peu de tendresse prouverait mieux que la capacité à enchainer interminablement des mots qu’on est un peu vivant. Désolé je suis rabat-joie, mais je suis un peu dégoûté par ce texte, dégoûté certes de m’être laissé influencé au point de l’acheter, mais aussi, je l’avoue, par sa dureté riante. A un moment (milieu du livre) il écrit à la défunte : « j’ai sans doute ridiculisé la réalité par habitude, et puis c’est plus facile de raconter des histoires. Un observateur peu amène pourrait dire que je tords le réel pour éviter de me cogner la tête contre son métal froid. » Sauf qu’à aucun moment on ne pense que lui passerait par la tête l’envie de vraiment se cogner la tête tout seul. Rire de la mort, évidemment, noble ambition, mais qu’au moins ce soit drôle ! Or là c’est triste.

(Difficile de parler d’un livre d’une certaine façon réussi qui, quand il n’agace pas, ennuie (ça, il y réussit, et c’est peut-être ce qu’il cherche même si ça ne me plaît pas plus que ça - disons que je n'ai pas besoin de ça) – peut-être le signe de ralliement d'un mouvement littéraire, ou même un très profond et très puissant courant de la littérature française).

(A propos de Lacrimosa, de Régis Jauffret)


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