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Muchas gracias malcolm lowry!

Par Lazare
Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer le mezcal n'est pas un alcool si fort que ça. Il impressionne c'est sûr mais croyez moi il ne vous veut que du bien & en plus de ça il vous donne un allant littéraire hors norme. Les gens d'ici m'appellent le Malcom Lowry des Hautes-Alpes & moi je leurs réponds toujours: "Je n'y suis pour rien les enfants, c'est le mezcal. Ha, ha!". Ils n'en reviennent pas.
Ce n'est pas mon alcool préféré mais un de ceux que j'aime le plus dire que je préfère. Ainsi n'est il que très rarement sur ma table/bar/coiffeuse de salon (voire photo ci-dessous).

La première fois que j'ai bu du mezcal j'étais avec Belane (sic) sur l'époustouflant port de la Grande-Motte. Une expérience incroyable. Vraiment incroyable. La Grande-Motte est parfaitement conforme à l'image que la plupart des gens s'en font sans y être jamais allé: c'est laid au degré ultime de la laideur & rempli de loulous. Mais pas que. Je suis arrivé là avec quelques grammes d'alcool flottant gentiment dans les veines, j'arrivais de Marseille, j'avais traversé la plaine désertique de la Crau en écoutant les Doors à fond de cale (le live super sexy du Madison Square Garden), ma vitre droite était coincée en attaquant les marécages camarguais qui annoncent le délire, il ne restait plus que deux 33 Export dans la boîte à gants que j'avais rempli de glaçons avant de partir, il était presque deux heures du matin... tout ça pour dire que lorsque les premières pyramides aztèques blanches, les premiers hôtels en forme de pains de glace, les premières rues débordantes de palmiers siciliens sont apparus je me suis vraiment dit que j'étais au paradis. J'ai pensé ça les trois journées saoules de mon séjour. Je vous jure que c'est vrai. Alors comment je sais que c'est si laid? J'y suis retourné sobre. Erreur classique. La Grande-Motte est le genre d'endroit par exemple où tous les restaurants italiens sont badigeonnés de vert, de blanc & de rouge avec des serveurs portant la moustache Dali & des tours de Pize dans tous les coins histoire que les loulous susnommés, venus là pour parader en toute décontraction, ne se trompent pas. Même topo pour les restos chinois qui, c'est pratiquement certain, ont bien plus de dragons dorés qu'ils ne devraient légalement en posséder. Mais revenons en à la bibine. Mon aphrodisiaque littéraire. La première gorgée de mezcal qui se fraya un chemin dans ma gorge était du Matateco de Mazatlàn (presque 60% de la récolte mexicaine) & c'était dégueulasse. Ça avait le même goût qu'une barquette de fruits pourris mixés avec de l'alcool à désinfecter. Fait rarissime j'ai laissé mon verre à moitié plein. Grand classique: Belane l'a fini d'un trait.
La deuxième fois que j'en ai bu c'était par procuration. « Mezcal! » fit le Consul dans le douzième, tragique, magnifique & très kabbalistique dernier chapitre du Volcan. Si un type aussi épatant que le consul Firmin trouvait cette boisson à son goût c'est que je n'avais pas bien compris la première fois. Lazare est parfois influençable lorsqu'il s'agit de distinction sociale. Il va sans dire que depuis la lecture de Lowry le mezcal détient pour moi une sorte d'aura créatrice & sexuelle qui m'a cependant souvent causé des maux de têtes effroyables.
Fut une époque où je me saoulais entre autre pour écrire des poèmes ou des chansons galantes en provençal. C'était totalement stupide, je le sais aujourd'hui, mais j'avais l'impression de m'approprier un peu du génie de Lowry. Je suis pratiquement persuadé qu'il aurait aimé ma pièce en une demi scène écrite dans un vernaculaire très pittoresque racontant comment un jeune homme plein de talents (lui seul en était conscient) se met à boire de la vodka pour devenir le nouveau Dostoïevski félibrige... vous voyez où je veux en venir... depuis que je bois du mezcal j'ai commencé une demi douzaine de romans dont un qui reprend la vie du Christ mais transposée dans une famille de mafieux new yorkais, quelques nouvelles sensées sonner comme du Fante avec des machins de Kafka dedans & une palanquée de poèmes plus abrutis les uns que les autres. Que du lourd. Mais je dois avouer qu'à chaque fois ça était l'éclate totale. Rien que pour ça: merci Malcolm Lowry!

Cette photo de moi, une des rares que je n'ai pas encore réussi à faire flamber, me montre à la fin d'une garden party très chic du boulevard Perier arrosée de Royal Cortijo (5/10 de mezcal Utramarine de préférence, 2/10 de Martini rosé, 2/10 de Noilly Pratt, 1/10 de jus de fraises des bois Dolfy le tout décoré d'une fleur de lys en zeste d'orange). Le Royal Cortijo est sans aucun doute le short drink des vainqueurs, ça ne m'a pas empêché de le faire entrer clandestinement en trottinant parmi les enfants qui riaient de ma barbe parfumée tant cette boisson a encore mauvaise réputation. Bien que Lazare ait un corps fuselé comme celui d'un dieu grec avec ce qu'il faut de bronzage pour faire craquer les voisines, il lui arrive souvent de se baigner dans son complet Smalto. L'élégance ne connaît aucune règle. Par contre le mezcal si.
D'ailleurs, même en société ça pose des problèmes logistiques. Demandez un verre de mezcal pendant une soirée & tout le monde va vous regarder ultraviolette ou se mettre à hurler que de la mescaline circule en libre service, que tout le monde va se mettre à nager le smurf sur la moquette, que les femmes & les enfants seront violés avant la fin du match... Oh! Foutaise! Calomnie! Le mezcal est devenue une boisson civilisée. Bien plus que cette saloperie de vodka Red-bull en tout cas. Benoît XVI pourrait bien s'en envoyer un verre pendant la messe que Dieu lui même voudrait y goûter. Je pourrais aussi bien vous lire les dernières pages du Volcan pour vous en convaincre (surtout les toutes dernière lignes où, completamente bouracho, le consul se fait tabasser puis jeter au fond d'un ravin avec des chiens), vous faire renifler cette succulente odeur de poussière humide qui émane à chaque gorgée, de la vraie poussière du Oaxaca, vous obliger à manger le ver en vous assurant que c'est excellent pour zézette & toutes les zones érogènes, des oreilles jusqu'au creux des reins en passant pas la pointe haute des fesses & vous, la tête en feu, les yeux pleins de lave, vous me direz: Muchas gracias Lazarito! Muchas gracias Mexico! Muchas gracias mezcalito! Non Malcom Lowry! Tu n'est pas mort en vain!Où est ma bouteille?

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