Les éditions Quidam ont eu la bonne idée de m'adresser Rome, regards, d'un auteur pour moi inconnu jusqu'alors, Rolf Dieter Brinkmann. Inconnu, et pour cause, puisque, décédé en 1975 à l'âge de trente-cinq ans après avoir été renversé par une voiture, il n'avait jamais été traduit.
J'aurai l'occasion de revenir plus longuement sur cet écrivain et sur ce livre dans le numéro 13 du Magazine des Livres (novembre/décembre 2008). Rome, regards regroupe les notes, impressions, correspondances et autres photographies de Brinkmann lors de son séjour à Rome, entre octobre 1972 et janvier 1973, à la Villa Massimo (pendant allemand de la Villa Médicis.)
Cet écrivain, dont Heiner Müller a pu dire qu'il est "sans doute le seul génie de la littérature ouest-allemande d'après-guerre", fait partie de ces jeunes gens qui cherchèrent à lancer un pont entre l'Europe et les Etats-Unis et, comme l'explique Thibaut de Ruyter, préfacier du livre, à "transférer les expérimentations littéraires de la Beat Generation en Allemagne de l'Ouest." De toute évidence, et alors que je n'en suis qu'au tout début de cette somme, il s'agit effectivement d'un monument, colérique, virtuose, qui éclaire l'histoire (littéraire) allemande d'un jour assez neuf.
Au hasard de ma lecture, ce mot :
T'es-tu déjà rendu une fois à l'évidence que les situations et les circonstances de chaque jour ne peuvent dans les règles que conduire à une automutilation forcée et qu'elles y mènent effectivement ? Et cette poussée est déjà bien terrifiante, puisqu'on ne peut plus s'en éloigner de beaucoup. Les sens sont mutilés, le goût est mutilé, la vue et l'émotion, toute stimulation douce ou délicate. Après la mutilation du paysage, la mutilation des individus, cela va de soi et c'est drôle, follement drôle.
Rome, regards, de Rolf Dieter Brinkmann - Traduit de l'allemand par Martine Rémon - Préface de Thibaut de Ruyter
Quidam Editeur - En librairie le 10 octobre 2008
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