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Opération Vent printanier - Méfiez-vous des jolis noms...

Par Manuel Picaud

À l’heure où la polémique enfle en France sur la création du « fichier Edvige », ce nouveau diptyque offre une perspective historique pleine de sens. Après Amours fragiles avec Jean-Michel Beuriot chez le même éditeur Casterman, Philippe Richelle continue d’explorer les sombres heures de la Seconde Guerre mondiale. Cette fois, autour de la rafle du Vélodrome d’Hiver.
Lors de cette tristement célèbre rafle du Vel’ d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942, plusieurs milliers de policiers et gendarmes français ont participé à l’arrestation de près de 13.000 juifs dont 4.000 enfants. Ils utilisaient pour ce faire le « fichier Tulard ». En 1995 seulement, la France, par son président de la République Jacques Chirac, reconnaissait la responsabilité de l'Etat dans cette opération, initiée par le régime nazi et intitulée avec cynisme « opération Vent printanier ».
Le récit du scénariste intimiste brosse comme à son habitude le portrait de gens ordinaires. L’histoire commence à Paris sous l’Occupation en 1941. Le régime de Vichy entretient des rapports ambigus avec l’occupant allemand. Des mesures anticommunistes puis antisémites sont adoptées dans l’indifférence générale. Chacun tente de mener sa vie, de s’en sortir par ses moyens. Le dessinateur Pierre Wachs présente avec tendresse une longue galerie de personnages qui – on s’en doute – vont avoir maille à partir avec la rafle. On découvre ainsi la belle Charlotte qui sympathise avec Walther, un soldat allemand, qui n’a rien de l’image de l’oppresseur. On voit son père, gardien de la paix, partagé entre ses consignes et son humanité. On suit Lucien, prêt à tous les trafics pour aider sa famille. On aborde son oncle Paul qui a choisi son camp, la collaboration avec l’ex-ennemi. Et bien d’autres… La vie continue dans un monde résigné…
Philippe Richelle tisse méthodiquement et patiemment sa toile d’araignée dans ce premier volet de 62 planches. Le piège se refermera dans la seconde partie. Il montre d’abord une période loin des clichés des abominables collaborateurs ou des héroïques résistants. Il s’intéresse à l’immense majorité qui traverse ces heures sombres sans beaucoup s’interroger. L’intérêt du récit est justement de permettre au lecteur de s’interroger honnêtement sur cette période. Qu’aurait-on fait à la place de ces personnages dans le même contexte ? Au dessin, Pierre Wachs reconstitue toute l’ambiance de ce Paris occupé dans cet album grand format. Avec un trait plus épais, il peint des décors, costumes et personnages très crédibles, bien mis en valeur par les couleurs douces de sa compagne Domnok.
C’est sûr, le lecteur se méfiera désormais des jolis titres… Surtout après avoir lu la suite.


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