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La possibilité d'une île

Par Rob Gordon

La possibilité d'une île, mais aussi l'impossibilité d'un film. Aucun cinéaste ne pouvait s'attaquer à l'épais roman de Michel Houellebecq. C'est pourquoi Houellebecq s'y est mis lui-même. C'est peut-être de l'audace, à moins que cela ne relève d'une envie d'auto-destruction. En tout cas, malgré l'enthousiasme certain du Droopy du roman français, La possibilité d'une île est un tout petit film, pas totalement raté mais en tout cas moins passionnant (moins houellebecquien) que la plupart des bouquins du monsieur.
On ne peut contester le caractère titanesque du travail d'adaptation, visant à transformer un pavé en un film d'une heure vingt-cinq. Le problème, c'est que Houellebecq a surtout taillé dans le vif, se séparant tout net de la première partie de son roman pour foncer la tête la première dans la seconde, métaphysique et erratique, comme du Arthur C. Clarke sauce au poivre. Ce qui pouvait sembler une bonne idée à la base (se séparer du traditionnel propos vitriol-sexe) aboutit à un film aride, qui n'aurait pu être brillant qu'avec un vrai cinéaste derrière la caméra. Tel quel, on a l'impression que le spectacle proposé ne raconte rien et n'a aucune épaisseur. Houellebecq pratique l'image plutôt que le verbe, d'où une oeuvre si mutique qu'on n'y entrave pas grand chose. On a l'impression de voir un film à moitié vide alors qu'on le sait à moitié plein. Et si certaines images sont belles et pures, d'autres flirtent avec le ridicule, comme un The fountain version supra-kitsch.
Les partenaires de Houellebecq sur le projet louaient son ambition, son perfectionnisme et ses envies de grand cinéma : à l'écran, on sent en effet poindre ces intentions, mais seule la maladresse prend réellement corps ici. Film désincarné, La possibilité d'une île déshumanise jusqu'à ses acteurs, et surtout un Benoît Magimel parfait dans le rôle d'un monolithe polymorphe. Aussi courageuse soit-elle, cette adaptation ne vaut pas celles de Philippe Harel et même Oskar Roehler, auteurs de films plus classiques mais finalement plus imbibés de l'ambiance et du génie de cet incroyable petit mec dégarni.

4/10


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