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Après un long tunnel, la lumière... Premiers combat avec les thés des rochers

Par Soiwatter
Nouveau voyage au pays du thé: après Taïwan et ses merveilles crémeuses et fleuries, après le Yunnan et ses raretés anciennes, après le Guangdong et ses merveilleux vieux théiers solitaires, j'avais depuis quelques temps envie d'aller voir du côté du Fujian et des Wu Yi Yan Cha, les thés des rochers. Je dois, l'avouer, dans ces envies de découvertes, ils sont des blogs qui n'y sont pas pour rien... Les intéressés se reconnaîtront je pense...
Six septembre: premier samedi après la réouverture de l'antre de Maître Tseng... Date immanquable, et hautement dangereuse pour mes finances - j'avais déjà au courant de ce début de mois fait une sacrément belle commande chez Yunnan Sourcing. Je ressort de ce magasin des secrets, conseillé par Gilles, avec un Lao Jun Mei et un thé qui a fait couler de l'encre et provoqué une génération spontanée de commentaire, leur fameuse cinquième grande toge rouge. Auquel s'est rajouté une merveille dont je vous reparlerais sous peu, le Mi Lan Xiang 5...
C'est parti pour le voyage.
Mon premier contact avec les thés des Rochers, le soir, à la lumière des bougies, devant mon Lao Jun Mei. Essai en théière. Dosage léger, enfin autant que pour un Dan Cong léger. Infusion longue: 30''+10 secondes à chaque fois.
Mais la magie n'opère pas. Le thé a de la puissance, comme je n'en n'avais jamais rencontré chez un oolong, rond, boisé, mais fumé et très sec... Je ne sens que la torréfaction. Au loin, c'est comme si des notes subtiles se présentaient à moi, mais je n'arrive pas à les percevoir, comme si le thé était aphone et tentait de me crier une vérité qui ne voulais pas sortir. Le lendemain, rebelotte!
J'essaie ma grande toge rouge, en variant les dosage, avec des infusions beaucoup plus courtes. Le thé est plat, sans grand reliefs: même boisé, même sécheresse, mêmes cris aphones. Je ne comprends pas, je ne peux pas être tellement dans le faux! Je n'ai plus raté autant un thé depuis si longtemps. Et voilà que les thés que l'on encense tant me laisse autant de marbre? Il y a quelque chose qui cloche. Et pourtant dans la théière réchauffée, les feuilles encore sèches embaument des notes si agréable!
Il faut faire quelque chose. Face à ces doutes, je décide de revenir humblement aux bases, je laisse quelques jours s'écouler où je retourne à mes pu ehr, à mon baozhong, pour prendre du courage pour ce combat décisif contre l'Inconnu. Je m'arme de mon Gaïwan . Un chant ancien me vient en tête:
Voyez cela, je vois mon père,
Voyez cela, je vois ma mère, mes soeurs et mes frères.
Voyez cela, je vois tous mes ancêtres qui sont assis et me regardent.
Et voilà, voilà qu'ils m'appellent,
et me demandent de prendre place à leur coté,

dans le palais de Walhalla, là où les braves vivent à jamais.
Le combat peut commencer! Contre le Da Hong Pao n°5... Environ 4 grammes de feuilles (je n'ai pas plus de précision). Les feuilles ont une forte odeur, qui prend au nez... pâtissier, un peu piquant...
Préchauffage de mon gaïwan, assez long, au point qu'il soit à peine maniable sans se brûler les doigts. Rinçage très léger des feuilles, juste pour qu'elles s'hydratent, qu'elles se dépoussièrent.
Des tasses lourdes en céladon, voici le tantô que j'ai choisi. Si le combat échoue, je ne perdrais pas mon honneur, je n'aurais plus qu'à enfoncer ma lame dans l'abdomen et y faire une croix pour libérer mon âme. Avec le vainqueur pour témoin.
Pour m'aider, j'ai choisi de m'armer de wen xiang bei comme bouclier, la tasse à sentir, chose de plus en plus rare pour moi, car je le trouve trop analytique pour mes thés taïwanais... J'y préfère le palais au nez.
La tension est à son paroxysme, regardant dans les yeux de mon adversaire, je pouvais voir ma propre peur.
Première infusion:
L'eau juste au ras des feuilles, infusion courte, temps inconnu, avec le couvercle du gaibei comme seule mesure. Le thé est rouge orangé. La liqueur laisse apprécier des odeurs boisée et pâtissières de pâte à tarte levée légèrement sablée (celle qu'on utilise traditionnellement pour la zwatchkawai). Ou bien une pâte à tarte sablée comme on en fait par chezmoi, épaisse, avec autant de noisette et de noix que de farine, le chocolat en moins (car chez moi dans la pâte à Linzertart, il y a du chocolat...) quelque chose de très gourmand.
Passage donc par la tasse à sentir. Et là chose étonnant. Au départ, ce sont les notes de torréfactions qui ressortent: un peu fumée, très boisée. Puis ce sont les notes caramélisée qui viennent (pas du salidou comme pour le Dong Ding de Stéphane, du vrais caramel). Elles sont suivies de notes pâtissières, des notes de tarte, de fuits secs un peu, de boulangerie (pain levé). Et enfin des fruits confits, du coing et de la prune... Le thé s'est révélé. L'étonnant dans tout cela, c'est l'ordre d'arrivée, totalement inversé par rapport aux thé taïwanais que je connais qui font d'abord ressortir le fleuri puis le fruité et enfin le caramel, la cacahouète et la noix de coco...
La liqueur à une puissance inégalée. Le combat est rude, je ne sais pas encore qui vaincra, mais j'ai trouvé le point faible de l'adversaire. Le thé développe des goûts boisés et pâtissiers très forts, et un fort côté rond et cireux, huileux, un peu camphré. D'un autre côté, cette aphonie reprochée est encore un peu là, mais beaucoup moins. D'habitude, les oolongs que j'affectionne ont une grande légèreté et un subtilité adorable, comme une aile de papillon ou le parfum d'une fleur que l'on respire à la corolle, il demandent de la douceur pour se révéler. Ce thé est un combat, au milieu de la plaine, Austerlitz, ou Waterloo, selon le côté où l'on se trouve... Et au milieu de ce vacarme des canons et des fusils, c'est comme si un cri d'enfant se levait, ténue, mais prenant, et j'ai envie de découvrir l'enfant, mais pour l'instant, son cris est encore indéfini... Où est-il, que dit-il? Le thé a encore à m'apprendre, je n'ai pas encore vu sa botte secrète.
Infusions suivantes:
Après ce choc frontal initial, la quantité d'eau dans le gaibei a dû augmenter, les temps d'infusion aussi, les notes décrites sont bien là, toujours aussi présente. La puissance aussi, presque submergente. Avec les infusions, le thé commence à s'assagir. La puissance s'estompe peu à peu, la rondeur aussi, le boisé s'atténue, mais le thé est toujours très présent en bouche, la note ténue prend de l'importance, sans que je ne puisse la définir...
Cinq en infusions en tout. Le combat devra s'achever tel quel, sans vainqueur, sans vaincu, le status quo. Je n'en puis plus, le thé non plus. Chacun a donné tout ce qu'il pouvais... Fin de la bataille.
On reportera à une expérience plus poussée le choc décisif. Mais aucun des deux n'est sorti indemne.

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