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72ème semaine de Sarkofrance: Sarkozy, impuissant donc agité

Publié le 20 septembre 2008 par Juan
Nicolas Sarkozy s'obstine à éviter la réalité.Il parle laïcité, quand EDVIGE mobilise; il parle otages, santé, ou handisport mais pas de l'effondrement de la Bourse. Jour après jour, heure après heure, le président français cherche la parade. Son rêve de croissance s'éloigne, son volontarisme échoue. Le monarque avait calé un grand discours, salle réservée et cotillons pour le 25 septembre à Toulon. Son banquier sera-t-il encore là pour payer les petits fours de la soirée ?
Le Président impuissant
La bourse s'effondre, et Sarkozy masque. A l'instar de John McCain, le candidat républicain à l'élection présidentielle américaine, il n'y connaît pas grand chose à la finance mondiale, à l'exception des signes extérieurs de richesses qu'elle peut procurer dans les belles années. Quand une banque d'affaires créée il y a 158 ans disparaît en un week-end avec ces 700 milliards de dollars d'actifs, il ne dit mot. Quand le premier assureur mondial manque de disparaître, sauvé par le gong d'une nationalisation sans précédent par l'Etat fédéral américain, il ne dit rien. Quand les Bourses américaine, asiatiques et européennes continuent de chuter, il ne dit toujours rien.
Mardi, au plus fort de la crise, il préfère jouer à Jack Bauer ("24H Chrono") depuis son bureau, et se mettre en scène devant les caméras. Un journaliste lui demande: "et la faillite de LEHMAN BROTHERS ?" Sourire crispé, Sarkozy rétorque à voix basse: "On a eu une petite nuit, et il faut être très reposé pour affronter la crise financière internationale . J'aurais l'occasion de m'exprimer sur le sujet dans les jours et les semaines qui viennent." Son homologue américain n'a heureusement pas attendu 15 jours pour se reposer. Bush a annoncé vendredi la mise sous tutelle des banques américaines, après avoir accepté de nationaliser (pour 70 milliards de dollars) l'assureur AIG. Samedi, il présentait les détails de son plan de sauvetage.
Sarkozy aurait pu parler de sa préoccupation, annoncer des mesures de soutien aux PME et aux ménages qui risquent de pâtir d'un resserrement général des conditions de crédit dans les mois à venir. Il aurait pu dire qu'il allait aider les banques françaises à nettoyer leurs bilans, comme le Trésor américain s'apprête à le négocier aux Etats-Unis.
Sarkozy aurait pu dire quelque chose sur la plus grave crise boursière depuis 1929. Il nous laisse Christine Lagarde expliquer que les banques françaises sont saines. 9 mois après le scandale de la Société Générale, on croit rêver.
Le Président du renoncement
Jeudi 18 septembre, devant une assistance attentive, à Bletterans dans le Jura, Nicolas Sarkozy a cette expression bravache :"Le mot renoncement ne fait pas partie de mon vocabulaire". Pourtant, la semaine écoulée ne fut que cela. Nicolas Sarkozy a renoncé à décrocher un point de croissance supplémentaire "avec les dents". On parlait récession depuis des semaines. Le crash boursier a porté le coup de grâce. Le Ministère de l'Emploi a confirmé hier que le pouvoir d'achat des salariés a baissé au second trimestre.
Quand la polémique EDVIDGE enfle, jusqu'au sein de son propre gouvernement, Sarkozy doit aussi renoncer. Mercredi, Michèle Alliot-Marie expliquait encore que le gouvernement n'avait pas l'intention de modifier en profondeur le contenu du fichier de police. Patatras, Fillon l'a désavouée le soir même, et une nouvelle mouture d'EDVIGE était présentée vendredi.
Quand la mobilisation contre le changement de statuts de la Poste frémit, Sarkozy fait également (temporairement ?) marche arrière: il nomme une commission.
Sarkozy a enfin renoncé au grand soir fiscal. Passés les premiers cadeaux à son camp électoral l'an passé, voici venu le temps du cafouillage généralisé. Sa taxe de 1,1% sur les revenus du capital des classes moyennes pour financer le RSA passe mal; Sarkozy recule : le gouvernement va finalement plafonner les niches fiscales qui permettent aux plus riches de s'exonérer d'impôt sur le revenu.

Le Président des bouc-émissaires

Pour masquer ces renoncements et autres impuissances, Nicolas Sarkozy utilise deux parades : distraire l'opinion et désigner des coupables.
La semaine dernière, la venue du pape à Lourdes lui avait fourni l'un de ses épouvantailles favoris: il a pu focaliser l'attention médiatique sur son fumeux concept de "laïcité positive". A l'instar d'un George W Bush en 2004, ou d'une Sarah Palin cette année lors des élections présidentielles américaines, Nicolas Sarkozy aime agiter l'opinion sur des thèmes religieux, moraux ou sociétaux pour mieux cacher les vrais sujets que sont la pauvreté, le pouvoir d'achat ou le déficit de l'Etat. Le pape étant parti, il fallu au Président trouver autre chose.
Quelque soit le sujet, Nicolas Sarkozy a eu aussi besoin d'un bouc-émissaire. Depuis 72 semaines, il a attaqué les chômeurs, les seniors, les instituteurs, les militaires, les sans-papiers, les retraités, les jeunes, ou les banlieues. Vendredi, il a présenté son plan de réforme de santé. Il a choisi son angle favori : la traque aux fraudeurs à l'assurance-maladie. Comme si l'équilibre des comptes de la Sécurité Sociales passait par là. Il y a 6 mois déjà, pour réduire les droits et indemnités des chômeurs, il avait stigmatisé les fraudeurs. Pour la Sécu, même méthode inique. Il réclame des "pénalités plancher" contre les fraudeurs à l'assurance maladie.
Son paquet fiscal de l'été 2007 a creusé le déficit de la Sécu, mais chut ! C'est un secret. Les déficalisations des heures supplémentaires coûtent 150 millions d'euros par mois aux comptes sociaux. Chut !!
Surpris par des sondages très rapidement exécrables, le président français a compris la leçon. Il s'est enfermé dans sa tour d'ivoire, celle des copains et des grands discours. Petite différence avec son prédécesseur Jacques Chirac qui alliait hauteur et immobilisme, Sarkozy mêle agitation et incompétence.

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