Le temps m'a cruellement manqué depuis plusieurs mois et c'est avec une pointe d'amertume que j'écris, trop tardivement vous l'aurez compris, ces quelques lignes. En effet, depuis mes premières écoutes circonspectes et ravies de 3 at last, la renommée du duo français Sporto Kantès a littéralement explosé. Les télévores auront pu découvrir le belafontien single " Whistle " en toile sonore d'un spot pour une célèbre firme auto. Les radiophiles, quant à eux, se seront également dandinés sur cet ovni musical, guidé par le bon goût de l'impeccable, quoique parfois trop répétitive, radio Nova. En dépit de l'appropriation publicitaire et de la totale " fashionisation " de la musique dite indépendante - phénomène ni réjouissant ni dramatique en soi, simplement de notre monde - cet album foutraque et souvent éclairé méritait quelques commentaires. Les mauvaises inspirations y cotoient magnifiquement les traits de génie. Swing, chanson, rock, trip hop, funk, hip hop, ska entrent en collision, mais surtout en collusion. Et l'on finit inévitablement par se poser une question : comment peut-on réaliser un tel disque en 2008, un si resplendissant bordel ?
Sporto Kantès, pour faire court, c'est un peu un faux duo. Pas réellement un groupe, simplement la collaboration ponctuelle d'amis de longue date. Nicolas Kantorowicz et Benjamin Sportès ont tous deux fait leurs armes dans la scène alternative française des années 80 et 90, l'un au sein des Wampas (je vous le confesse, je ne suis pas vraiment un grand fan), l'autre au sein des Torpedo. Flirtant ainsi avec le punk, le ska, le rockabilly et la chanson.
Convertis à l'art du séquençage et du mixage, les deux hommes se retrouvent pour le projet Sporto Kantès, juxtaposition et fusion de leurs inspirations et de leurs savoir-faires. 3 at last, comme son nom l'indique, est la troisième production de leur association, débutée en 2001. Comme lors des exercices précédents, ce nouvel album déroute par sa diversité et ses incessants changements de styles.
Dans le foisonnement de chansons incongrues et parfois surréalistes de Sporto Kantès, "Concrete", qui ouvre le disque, fait presque figure de ballade classique avec ses flutes soyeuses, son piano feutré et ses cuivres distants et raffinés. Rien ne laisse présager ce qui suit. "Whistle", deuxième plage de 3 at last, est la plus accrocheuse de l'album. Kantorowicz et Sportès jouent un calypso azimuté et soutenu, entrecoupé de surprenants couplets en allemand. La formule fonctionne et laisse déjà transparaitre le côté rudeboy - anachronique et nostalgique - des deux Français. Une inclinaison qui se ressent au fil de 12 titres improbables, entre trip hop, dub et chanson française.
Les ruptures sont fortes entre les différents terrains de jeu de Sporto Kantès et le disque se présente au final plus comme une collection qu'un réel album. Il demeure qu'on s'y plait à croiser de si belles influences, des studios de Kington ("Roma's life") aux squats de Brixton ("Da rock"), via les nights-clubs de Harlem ("U are the lights"). Et se perdre quelques instants dans les brumes tissées par les deux musiciens, érudits au goûts fins et au sens de la dérision sûr.
En bref : Riche en réussites, un disque foutraque et délirant brassant les héritages. Le joyeux bordel de deux artisans talentueux de la musique française.
Le myspace de Sporto Kantès
Trois titres issus de l'album : "U are the light", "Da rock" et "12 of july"
Le clip de "Whistle" :