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Figeac, turin, paris : se battre pour un musÉe ...

Publié le 23 septembre 2008 par Rl1948
   Dans cette série de quatre articles publiés en ces mardis de septembre, et aux frères Champollion consacrés, je ne pouvais décemment pas, vous en conviendrez ami lecteur, passer le Louvre sous silence, et plus spécifiquement, son Département des Antiquités égyptiennes qui constitue sans conteste la raison première de mon blog. La boucle sera donc ainsi bouclée qui, de Figeac à Paris, en passant par Grenoble, avec mes articles des 29, et 16 septembre, nous emmènera aujourd'hui à Turin avant de revenir à Paris et ce, avec un éclairage bien particulier, celui de la conception muséale.
   Certes, les plus assidus, les plus attentifs d'entre vous me feront peut-être remarquer que je me complais dans une sorte de tautologie, arguant du fait que j'ai déjà eu l'opportunité dans une de mes premières interventions évoquant, le mercredi
19 mars dernier, l'origine de la constitution des collections égyptiennes du Louvre, d'y faire allusion.
   Mais avec ce dernier volet de ma "tétralogie post-estivale", je voudrais, en plus d'insister une fois encore sur le fait que ce ne sont nullement les prises de guerre de la Campagne de Bonaparte en Egypte qui auraient alimenté ce département du musée, évoquer en guise de conclusion cette facette particulière du génie protéiforme qu'était Jean-François Champollion le Jeune. 
   En guise de conclusion ? Il n'y aurait donc pas un cinquième article qui narrerait son voyage en Egypte, peu de temps avant sa mort prématurée ?
   Non, celui-là ne verra pas le jour.
   La terre tant attendue, tant espérée, cette Egypte peuplant les rêves d'un gamin de 10 ans, les études d'un adolescent de 15, les premières publications d'un jeune homme de 20 avant les frénétiques recherches qui devaient déboucher sur la fabuleuse découverte du déchiffrement des écritures égyptiennes, à 30 ans; cette rencontre avec les monuments antiques in situ qui assurément lui permettraient de vérifier, de corroborer (mais en avait-il vraiment besoin ?) le bien-fondé de son système, je préfère vous la faire vivre sans mon intermédiaire, et avec les seules lettres, enflammées le plus souvent, qu'il rédigea pour les siens. Ce sera donc certains samedis que, au cours des prochaines semaines, des prochains mois, dans la rubrique "L'Egypte en textes", vous prendrez connaissance de cette ultime et passionnante étape de sa vie ...  

  
   Quand, sur décision royale, et au grand dam de ses éternels contempteurs français, Champollion prend en main les rênes du Musée Charles-X, comme on l'appela un temps, il était loin d'être un novice en la matière puisqu'à son actif, il avait déjà les projets de la constitution d'un semblable département au musée de Turin. J'insiste bien : les projets, et non la mise sur pied proprement dite, car là aussi veillaient des oiseaux de mauvais augure ...  
   Champollion arrive en Italie le 7 juin 1824, et reçoit très vite des mains du comte Roget di Cholex, ministre de l'Intérieur dont dépendaient les musées de la ville de Turin les nécessaires autorisations lui permettant l'accès aux salles égyptiennes.
   Il faut bien se rendre compte que le débarquement de la superbe collection Drovetti, quelques mois auparavant, avait constitué un événement d'une importance quasi internationale.
Figeac, turin, paris : se battre pour un musÉe ...   Bernardino Drovetti (1776-1852) était un aventurier italien qui avait rallié l'armée de Bonaparte en Egypte. Devenu consul français à Alexandrie, et à l'instar de la majorité de ses collègues, presque tous consuls aussi, par parenthèses, il fit du pillage systématique une sorte d'époux morganatique de l'égyptologie : il faut bien constater, sans évidemment la cautionner, que cette prédation que seul motivait l'appât du gain était dans les moeurs de ce temps. Peut-être aussi parce que personne ne se souciait encore de la notion de patrimoine historique.
   Quoiqu'il en soit, Drovetti avait constitué une superbe collection d'antiquités. En 1818, en légère disgrâce suite au changement de régime politique en France, et donc ayant besoin d'argent, il en propose une partie au roi Louis XVIII, qui la refuse. Six ans plus tard, la cour de Piémont-Sardaigne l'acquiert pour 400 000 francs : elle fera et fait toujours la fierté du musée de Turin.
   Des pièces colossales, mais surtout une incroyable richesse de documents linguistiques, de monuments gravés qui n'attendaient que leur déchiffreur feront le bonheur du cadet des frères Champollion. Avant son voyage projeté pour l'Egypte, il avait là sous les yeux de quoi assouvir la continuité de ses recherches philologiques : des inscriptions à profusion s'étalaient ainsi sur les quelque deux cents stèles qu'il déballait au fur et à mesure, ravi, ébahi, curieux, juvénilement enthousiaste ...
   ... plus de 50 statues égyptiennes chargées d'inscriptions historiques, plus de 200 manuscrits en hiéroglyphes, de 25 à 30 momies, de 4 à 5 000 petites figures ou statuettes portant presque toutes une légende où je trouve à butiner, écrit-il à sa famille le 16 octobre.
   En mettant à profit, jour après jour, ses découvertes antérieures en matière de déchiffrement, il posera grâce à cette inestimable collection des jalons nouveaux dans la connaissance de la chronologie historique égyptienne, et plus spécifiquement, dans un premier temps, celle de la brillante XVIIIème dynastie.
   A la demande du comte de Cholex, l'étude exhaustive de ces pièces, gigantissime tâche s'il en fut, se doubla de celle des papyri du musée, pour la plupart des fragments de ce qu'il est convenu d'appeler, par facilité, le "Livre des Morts" (sur lequel je reviendrai dans un prochain article, à partir de la vignette que j'ai choisie pour illustrer la page d'accueil de ce blog). Mais il se trouva aussi en présence de documents tout à fait exceptionnels, notamment ce que les égyptologues appellent aujourd'hui le "Papyrus royal de Turin" et le "Papyrus érotique de Turin".
Figeac, turin, paris : se battre pour un musÉe ...
   Grâce à la sagacité de Champollion, nous savons maintenant que ce document constitue un véritable tableau chronologique, un canon royal de première importance pour notre connaissance des souverains qui se sont succédé sur le trône d'Egypte.
  
  
  
   Mais il regrettera toute sa vie d'avoir découvert ce papyrus dans un état aussi désespérément lacunaire. Ce qu'il ignora jusqu'en décembre 1827, c'est que des fragments avaient été inqualifiablement subtilisés sur sa table de travail par Giulio Cordero di San-Quintino, le directeur du musée lui-même, jaloux qu'il était des avancées du Français en matière de déchiffrement.
   Toutefois, grâce à Champollion, et à cette extraordinaire manne de renseignements que fut la collection Drovetti à Turin, ce sont onze siècles entiers qui furent rendus à l'Histoire égyptienne, et au monde.
 
Figeac, turin, paris : se battre pour un musÉe ...
  Parmi tous les fragments, tous les minuscules morceaux parfois qu'il s'ingénait à assembler, il trouva des débris d'une obscénité monstrueuse et qui donnent une bien singulière idée de la gravité et de la sagesse égyptiennes : il venait de découvrir un papyrus satirico-érotique, qui reste toujours à l'heure actuelle le seul connu dans toute la littérature égyptologique et qui, par parenthèses, ne fut scientifiquement publié qu'à partir de 1971 !!
   Et au musée lui-même, il a été retiré des vitrines et devenu inaccessible au public depuis plus de soixante ans ! 
   Hypocrite censure, quand tu nous tiens ... 
  
   Une lettre de Florence m'annonce l'arrivée au lazaret de Livourne d'une énorme caisse de papyrus égyptiens appartenant à M. Salt. Il paraît que ces manuscrits sont en vente. On m'enverra sous peu une notice en gros. Mais je la recevrai seulement pour enrager, car je suis bien sûr qu'on ne voudra rien faire à Paris pour acquérir les plus importants de ces papyrus. Je voudrais que les meneurs, grands et petits, restassent un jour ou deux dans le musée de Turin pour entendre les épithètes honorifiques dont les décorent tous les Français qui visitent la collection; il n'en est pas un qui ne regrette ces monuments ravis à la France par les microscopiques idées de nos géants politiques. (...) 
   Les monuments égyptiens abonderont partout excepté en France et cela par les fantaisies obstinées de trois ou quatre faquins dont la nouvelle étude dérange les idées et les intérêts, ce qui est tout un pour eux ... Vous verrez qu'il y aura bientôt un musée égyptien dans la capitale de la République de Saint-Marin tandis que nous n'aurons à Paris que des morceaux isolés et dispersés.

   A Paris, en effet, Charles X avait succédé à son frère, Louis XVIII, décédé le 16 septembre 1824. Et les mêmes politiques, les mêmes "savants" envieux, Jomard en tête, toujours, (revoir la partie de ce mauvais feuilleton de série B dans mon article de mardi dernier), freinaient des quatre fers toute demande de Champollion d'acheter les collections d'antiquités égyptiennes qui ne cessaient d'affluer sur le continent, à Marseille comme à Livourne, arguant officiellement du fait que le couronnement du tout nouveau souverain avait coûté 2 millions de francs, et que l'heure ne pouvait qu'être aux économies.
   Jomard, toutefois, mais pour sa seule gloire personnelle, avait réussi à convaincre Charles X d'acquérir la collection Durand et n'avait de cesse de négocier l'achat de celle de Passalacqua dans l'unique but de les réunir toutes deux dans le cabinet royal des Antiques, dont il se voyait déjà assumer la direction.
   Pendant ce temps, à Turin, suite au transfert de l'administration du musée au ministère de l'Instruction publique, et donc au remplacement du comte de Cholex, favorable à Champollion, l'organisation des salles égyptiennes et le catalogue qui devait en découler avaient échappé au philologue Français. 
   En novembre 1825, déçu, il quitta définitivement la ville, et revint à Grenoble auprès de son épouse et de sa fille. Des bruits y couraient que le souverain avait décidé de le nommer Conservateur des Antiquités égyptiennes au musée du Louvre. Très vite, un redoutable triumvirat s'érigea contre lui : le teigneux Jomard, bien sûr, révolté qu'une telle iniquité lui soit infligée, lui à qui la France et le monde devaient la réalisation de l'incontournable Description de l'Egypte; le comte de Forbin, Directeur général des musées et le comte de Clarac, Conservateur des antiquités au Louvre.
   Le 25 février 1826, toutefois, après avoir appris 5 jours plus tôt que le roi, contre vents et marées, lui allouait une somme de 5 000 francs pour étudier la collection proposée à Livourne par le consul britannique au Caire, Henry Salt, et en donner une estimation définitive quant au prix d'achat éventuel, il reçoit les fonds et les papiers nécessaires pour se rendre de l'autre côté des Alpes, le mois suivant. C'est là qu'il apprendra que le 15 mai, Charles X a signé au château des Tuileries une ordonnance stipulant que la conservation des antiques du musée royal du Louvre formerait deux divisions : une comprenant les monuments grecs, romains et médiévaux; l'autre, les monuments égyptiens, phéniciens, persépolitains et indous existant au musée ou pouvant y être ajoutés. Stipulant aussi que le "sieur de Clarac" dirigerait la première division, et que le "sieur Champollion le Jeune" devenait conservateur des monuments de la seconde division. Stipulant encore que, mêmement rémunérés, tous deux seraient aussi sous les ordres immédiats du comte de Forbin, Directeur général des musées. Et stipulant enfin, qu'il y aurait chaque année un cours public et gratuit d'archéologie et que lui, Champollion, en assurerait la charge.
   Moment de pure joie à Turin ...
   Sur Paris, bien évidemment, de nouveaux nuages s'amoncelaient; rien n'arrêtait ses détracteurs : il lui était reproché de n'avoir pas encore bu l'eau du Nil. Passons.
Pis : on l'accusait d'avoir été un des chefs les plus véhéments de la Terreur, en 1793.
Cherchez l'erreur : à ce moment si dramatique de la Révolution, Jean-François avait à peine trois ans ...
Précoce, le Figeacois, oui, on le savait déjà ! Mais pas à ce point ... !
  C'est donc dans cette agréable ambiance, en provenance de Livourne, qu'il rentre dans la capitale en novembre 1826.
   Quand, auréolé de la confiance de Charles X, il prend ses fonctions au Louvre, c'est pour gérer un fonds égyptologique relativement modeste : quelques monuments, des statues essentiellement, provenant des collections royales entrées sous la Convention et quelque seize objets achetés sous le règne du très économe Louis XVIII; sans oublier un sarcophage en pierre qui avait été personnellement offert au souverain.
   En outre, quelques-uns seulement de ces monuments étaient exposés : l'un ou l'autre petit sphinx, quelques statues-cubes, une Isis colossale, la statue de Nakhthorheb que vous connaissez déjà, et les grandes et superbes Sekhmet à tête de lionne, en diorite, rapportées par le comte de Forbin lors de ses deux voyages en Egypte, en 1818 et 1828. (Statues A 2 à A 11, salle 12) 

   A ce modeste échantillonnage, il put ajouter les 2 149 pièces de la collection Paul Durand que, deux ans auparavant, Jomard avait réussi à faire acheter par le roi tout nouvellement intronisé. Et, bien évidemment, quand il en reçut le royal aval, les 4 014 pièces qu'il avait étudiées à Livourne et proposées par Henry Salt.
 
   Parmi elles, entrent au Louvre, en 1826, le grand sphinx de Tanis (A 21, salle 11), les blocs fragmentaires du mur des "Annales" de Thoutmosis III (C 51, salle 12), la cuve en granite rose de Ramsès III (D 1, salle 13), mais aussi la délicieuse petite stèle de calcaire (18 cm) de Ramsès II enfant (N 522, salle 27, vitrine 7) ... 
   Au fil des années "Champollion", les enrichissements furent nombreux. Ce fut d'abord le don à la France par Méhémet-Ali (1769-1849), vice-roi d'Egypte, d'une trentaine de bijoux, dont la célèbre bague aux chevaux de Ramsès II (N 728, vitrine 7 de la salle 27).
Ce fut ensuite, en 1827, l'achat, pour 180 000 francs, de la deuxième collection Drovetti : des statues, cinquante manuscrits égyptiens ou grecs, cinq cents scarabées, des vases, quatre-vingt stèles, etc, etc.
   Pour exposer tous ces chefs-d'oeuvre, Charles X lui avait au départ réservé quatre salles en enfilade parmi les neuf nouvelles aménagées au premier étage de l'aile méridionale de la Cour Carrée, en prolongement du majestueux Escalier du Midi; les cinq autres salles contenant notamment les antiquités gréco-romaines. C'était plus spécifiquement tout cet ensemble qui fut appelé le Musée Charles-X.
   A la mi-avril 1827 commença l'aménagement du lieu tel que le prévoyait le nouveau Conservateur. Comme vous vous en doutez probablement, ami lecteur, ce ne fut pas de tout repos car, et sur la décoration des salles elles-mêmes, et sur la façon d'y présenter les oeuvres, ses confrères et Forbin, Directeur des Musées royaux n'étaient en rien en accord avec lui; ce qui, évidemment, ralentit d'autant les travaux d'aménagement.
   Champollion aurait aimé voir les antiquités égyptiennes dans des salles égyptiennes. L'indécrottable Forbin décréta que les plafonds seraient d'inspiration conventionnelle, c'est-à-dire gréco-romaine, mais assurément pas purement égyptienne !
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   L'on peut ainsi admirer, de nos jours encore, aux plafonds de ces salles considérées  comme parmi les plus belles du Louvre, dans l'une L'Etude et le Génie des arts dévoilant l'Egypte à la Grèce, de François-Edouard Picot  
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ou, dans une autre, Bonaparte, entouré de savants et d'artistes, assiste à la découverte d'une momie, de ce même Léon Cogniet qui a peint le plus connu des portraits du déchiffreur. 
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   Seule "consolation" pour Champollion, peut-être : ces grisailles, dues à Abel de Pujol et franchement inspirées des planches tirées de la Description de l'Egypte, comme ci-contre, une scène de labour.
   Que l'on aime ou non ce type de décoration que conçut à l'époque Pierre Fontaine, force est de reconnaître que ces plafonds, ces voussures et ces grisailles (ci-dessous, salle 29, toutes de Pujol) ; que l'agencement des pilastres en stuc, des corniches, des dorures; que les murs de (faux) marbre blanc et, ici et là, les cheminées et les miroirs; que les immenses armoires vitrées en acajou; bref, que tout cet ensemble concourt à rendre cette enfilade de salles extraordinairement imposante.
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   Mais voilà, tout ce décor - ou presque - n'était guère du goût du bouillonnant nouveau conservateur. Et manifestement, il dut bien s'en accommoder ...
   En cela, toutefois, ne résidait pas le seul problème l'opposant à Forbin et à Clarac : ces nobles éduqués dans la tradition ne pouvaient pas concevoir que l'impétueux déchiffreur se mêlât de faire de l'Histoire, et du social, de surcroît ! Car dans ce décor quelque peu "pompier" à ses yeux, dans cet ensemble décoratif qu'il n'avait donc pas vraiment souhaité, Champollion, encore tout imprégné des conceptions muséologiques nouvelles qu'il avait été privé d'exécuter deux ans auparavant à Turin, voulait allier plaisir et culture, instruire et pas seulement "faire joli"; il entendait donner à "son" musée une vocation pédagogique, en faire une sorte de "musée-école" avant la lettre. 
   Dans la Notice qu'il publia pour servir de guide, on pouvait lire :
   Les collections de monuments égyptiens (...) sont en général formées dans l'unique but d'éclairer l'histoire de lart, les procédés de la sculpture et de la peinture à différentes époques et chez des nations diverses. (...) Mais l'importante et nombreuse suite de ces monuments égyptiens dont la munificence royale vient d'enrichir le musée Charles-X, devant, en quelque sorte servir de sources et de preuves à l'histoire tout entière de la nation égyptienne, avait besoin d'être coordonnée sur un plan nouveau; il fallait, de toute nécessité, avoir égard à la fois soit au sujet même de chaque monument, soit à sa destination spéciale, et que la connaissance rigoureuse de l'un et de l'autre déterminât la place et le rang qu'il devait occuper. Il fallait enfin les disposer de manière à présenter aussi complète que possible, la série des divinités, celle des souverains de l'Egypte, depuis les époques primitives jusqu'aux Romains, et classer dans un ordre méthodique les objets qui se rapportent à la vie publique et privée des anciens Egyptiens.
  
   Amer, il écrit à Ippolito Rosellini, ce jeune professeur toscan qui bientôt l'accompagnera en Egypte :
 
   Ma vie est devenue un combat. Je suis obligé de tout arracher, personne parmi ceux qui devraient me seconder n'étant disposé à le faire. Mon arrivée au Musée dérange tout le monde et tous mes collègues sont conjurés contre moi parce qu'au lieu de considérer ma place comme une sinécure, je prétends m'occuper de ma division, ce qui fera nécessairement apercevoir qu'ils ne s'occupent nullement des leurs. 

   Toutefois, contre l'avis unanime, il imposera ses vues : dans les deux premières salles, côté colonnade, il présentera tout ce qui a trait aux coutumes funéraires (sarcophages, momies, coffres à vases-canopes, etc); dans la troisième, ce seront sculptures, bijoux, mais aussi vêtements et ustensiles de la vie quotidienne; et la quatrième et dernière sera plus spécifiquement consacrée à la religion et aux dieux du panthéon égyptien. Au rez-de-chaussée, car il put aussi bénéficier d'une salle à ce niveau, il exposera les plus grosses pièces. Et pour être encore plus didactique, il assortira le tout de cartels de présentation.  
   Enfin, le 15 décembre, Sa Majesté le Roi Charles X inaugura en sa compagnie le musée auquel avait été donné son nom. Mission accomplie : Jean-François Champollion le Jeune avait à Paris mené à son terme l'organisation d'un musée égyptien dont il avait reçu la charge quelque dix-huit mois plus tôt.
   Il n'attendait plus maintenant que l'accord du même souverain pour se rendre en Egypte. Cette approbation royale, il la recevra en avril 1828. De sorte que le 31 juillet, son équipe franco-toscane constituée, il embarque à Toulon à bord de l'Églé, une corvette mise à disposition de l'expédition par la marine royale française. 
   Son Grand oeuvre réalisé, il allait enfin vivre son grand rêve ... 
  
(Andreu/Rutschowscaya/Ziegler : 1997, 18; Hartleben : 1983, 269-396; Lacouture : 322-55, 380-401; Rosenberg : passim)

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