Par Wally Gator
Qui n’a jamais été subjugué par des histoires mettant en scène les terribles Vikings ? Je ne parle pas des
sympathiques Vic le Viking ou Hägar Dünor, le premier étant un enfant malin entouré de brutes, le second une brute pas très finaude entourée non pas d’enfants malins mais d’autres pas beaucoup
plus fins que lui (mais tellement drôles). Je parle des durs, des vrais, des cruels sanguinaires qui pillent et rêvent des richesses colossales acquises au prix de combats rustiques à la hache.
Vikings ! L’or et le sang ont la saveur de l’hydromel d’Odin !!! Mouais... Un peu réducteur tout de même, non ? Quoi que…
En 1976, un dessinateur d’origine polonaise, Grzegorz Rosinski – essayez de prononcer son prénom pour voir – rencontre dans les couloirs du journal "Tintin" le scénariste belge Jean Van Hamme. De cette rencontre, naît un personnage au passé, présent et avenir tourmentés vivant dans le Northland : Thorgal Aegirsson. Ce Viking d’adoption, puisqu’il n’en est pas vraiment un, va se retrouver en permanence être le jouet des dieux et des puissances nordiques. Et des dieux qui ont des qualités et des défauts exacerbés d’humains, eh bien, cela n’en fait pas des enfants de chœur ! Comme si cela ne suffisait pas, les humains s’y mettent aussi ! Ce brave Thorgal a des qualités qui sont souvent considérées comme des défauts dans ce monde rugueux : il est droit, a le sens de l’honneur, aime les siens, ne cherche pas l’aventure et préfère vivre en paix plutôt que d’aller étriper son voisin. Il a d’autres qualités qui intéressent les autres protagonistes. Il est beau, c’est normal, c’est un héros ! Ceci intéresse sa femme, et unique amour, Aaricia. Cependant, cela lui vaut aussi de se retrouver être l’objet de toutes les pensées d’une aventurière sans foi ni loi, la terrible et superbe Kriss de Valnor, une extraordinaire méchante, "celle qu’on aime détester" dira Rosinsky . Il se bat particulièrement bien et reste un archer hors pair, c’est normal, c’est un héros ! Aaricia s’en fiche un peu, Kriss beaucoup moins. Et voici donc un homme que les dieux ont mis à l’épreuve ! Enlèvements, amnésie, maladies, malédictions, tout y passe ! C’est un perpétuel jeu du chat et de la souris. Thorgal affronte successivement un beau-père cruel, un beau-frère fourbe, une magicienne désespérée, des vieillards cupides, un iarl ambitieux, un souverain mégalomane, un père devenu fou, les caprices du temps qui s’écoule, des aventuriers cupides et ambitieux (encore !!!), son amnésie, la tristesse d’Aaricia, la maladie, ses "frères de race", l’esclavage… Le tout en mourant plusieurs fois et puis ramené à la vie tantôt par Frigg, tantôt par la sculpturale Gardienne des clés et en faisant tomber, sans le vouloir, n’importe quelle femme ou jeune fille sous son charme de héros buriné par la vie. N’oublions pas que les dieux et les géants mettent leur grain de sel de temps en temps. Ses armes ? Sa force, sa volonté, son désir de paix et son amour pour les siens…
On pourrait croire que c’est un peu cliché, tout ça, mais le talent du duo Rosinski-Van Hamme est énorme. Les albums s’enchaînent et se lisent tous avec délectation. Pourtant, au 28ième tome, nommé "Kriss de Valnor", et là on se dit qu’avec un nom pareil cela va être énorme, eh bien on est un peu déçu… La série partirait-elle à la dérive ? 29ième tome, le dessin passe en couleur directe ! Le choc ! C’est énorme ! 30ième tome, Sente remplace Van Hamme au scénario, Jolan, fils de Thorgal et d’Aaricia, vole carrément la vedette à son père, désormais vieilli et fatigué. Thorgal est un héros qui vieillit, contrairement à la série, qui n’a pas pris une ride depuis sa première parution, en 1977.