Festival de Deauville 2008, compétition, Alan Ball, sortie 25mars 2009
Pitch. Une ado de 13 ans, de père libanais et de mère américaine, est expédiée à Houston chez son père parce-qu'elle plaît trop à son beau-père mais, sur place, son éveil à la sexualité va bouleverser la tranquillité du quartier.
Prise la main de le sac en train de se faire épiler le maillot par son beau-père, sa mère voit rouge et expédie Jasira chez son père qu'elle déteste. Arrivée dans sa nouvelle maison de la banlieue de Houston, Jasira doit essuyer les foudres de son père, un homme qui envisage l'éducation de sa fille à l'ancienne, voire comme dans son pays, lui interdisant de se maquiller ou de s'habiller trop court. Bien qu'il soit chrétien et non musulman, la confusion est totale pour ses voisins américains de souche qui le considérent comme un étranger, voire un allié de l'ennemi, lui-même d'ailleurs, pendant la guerre en Irak, est ambivalent, à la fois pour et contre Saddam Hussein selon qu'il ait un point de vue arabe ou américain. Le sujet du film est double : l'éveil à la sexualité d'une enfant et le racisme ordinaire aux USA ("Towelhead" est une injure qui signifie "bougnoule"), Jasira étant doublement l'étrangère pour un adulte mâle américain.
Ce qui dérange dans ce film, c'est qu'il ne fait pas impasse, bien au contraire, sur la dimension du plaisir chez une adolescente, voire une enfant, fut-elle considérée comme victime, car on pourra discuter longtemps pour savoir si Jasira est une enfant ou une femme du point de vue physiologique, une enfant aux désirs de femme pour le moins. Quoiqu'il en soit, le personnage de Toni Colette donne le point de vue de l'auteur, que l'enfant, l'ado, ait du plaisir ou pas, l'adulte commet un crime en ayant une relation sexuelle avec un mineur de moins de 16 ans, qu'il soit consentant ou non, c'est la loi et c'est la démonstration du film.
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photo TCM distribution
Engagée comme baby-sitter chez les voisins qui ont un fils plus jeune, Jasira découvre le plaisir solitaire en lisant des magazines de charme appartenant au père de famille, très vite elle dit cash à ce Monsieur Vuoso qu'elle a éprouvé un orgasme en lisant ses magazines... Le voisin, parti pour se comporter en adulte, pour traiter Jasira comme une amie de son fils, ne regarde plus la jeune fille de la même façon depuis cette confidence, basculant dans le désir, semblant oublier son âge, treize ans... Pendant ce temps, Jasira continue d'enflammer un peu tout le monde, étonnante scène, où invitée chez les parents d'un copain de l'école, qui deviendra vite son petit ami, les parents ne peuvent pas terminer le dîner et se précipitent dans l'escalier s'enfermer dans leur chambre... Car dans ce film, le sexe est omniprésent partout et chez tout le monde. Le père si austère ne résiste pas au décolleté de sa collègue de la NASA qui lui fait perdre son échelle des valeurs et qu'il compte épouser bien qu'ils n'aient apparemment rien en commun. Le troisième couple de voisin est d'abord invisible car enfermé pour cause de lune de miel, on ne verra qu'ensuite beaucoup plus tard l'épouse enceinte, ce couple de bobos trop parfait, ostensiblement tolérant et accueillant, est en réalité assez effrayant, ce sont eux qui vont mettre le feu aux poudres en faisant de l'ingérance, en se comportant en juges.
Pour illustrer ce parti pris d'une sexualité faisant la loi de la nature dans un univers trop civilisé, s'éveillant chez l'enfant, sommeillant chez les adultes, le réalisateur filme longuement les corps, la chair, le sang, les parties du corps, l'arrivée des menstruations, la perte de la virginité, d'où de nombreuses scènes dans les toilettes mais existe-t-il encore un film aujourd'hui, soit dit en passant, sans un plan sur une cuvette de WC pour faire vrai?
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Comme d'habitude, le thème de la victime qui serait le bourreau de son bourreau en lui inspirant d'incontrôlables pulsions est à l'affiche : on en arrive à plaindre le voisin... d'autant qu'il est interprêté par le séduisant Aaron Eckhart (habilement ici en semi contre-emploi, avec une géniale ambiguité dans le regard), qui, face à cette bombe latine lui parlant de ses orgasmes, lisant ses magazines X et lui demandant pourquoi il emporte des préservatifs dans son sac de l'armée, suscite une indulgence du spectateur envers les moments d'égarrement de ce voisin dont on devine qu'il n'est pas plus pédophile qu'heureux en ménage, un homme faible ni monstrueux ni héroïque... C'est là où le film est pervers et habile, ébranlant les certitudes morales en montrant un cas pratique extrême, Jasira symbolisant la tentation absolue pour un homme... Le couple de bobos (Melina = Toni Collette), représentant la loi, est là pour le rappeler, quelque soit la tentation(même le Bobo aura un bref regard concupiscent pour Jasira), quelle que soit le pouvoir de séduction de la tentatrice, un adulte doit poser les limites à un mineur.
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Le personnage de la mère futile (Maria Bello), venue fêter Noël en fanfare parce qu'elle a plaqué son conjoint à l'origine du renvoi de Jazira chez son père, pleurant qu'elle se sent seule, sans sa fille, sans homme, sans cadeau de Noël, ajoute une touche supplémentaire à cet univers narcissique où l'adolescente est considérée comme une rivale par sa mère, un obstacle par son père, n'ayant sa place nulle part pour s'épanouir sauf, peut-être... chez le voisin qui la met en valeur d'une certaine façon. Un univers païen régit autant par la peur de la solitude que la tyranie du plaisir, construisant et détruisant les vies. Reste heureusement... la loi américaine... pour poser des limites que fixait autrefois la religion ou la morale... C'est un film qui rend à la fois réac et laxiste, pervers, on vous dit... Subversif, transgressif, le film pose la question : un adulte immature a-t-il la force morale et psychologique de résister à n'importe quel stimulus? De Jasira, l'enfant en quête d'identité sexuelle, ou du voisin, l'adulte dévalorisé, qui va s'en tirer le plus mal dans l'histoire mais est-ce bien là le problème?
Note CinéManiaC :
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