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Un été en adolescence

Publié le 25 septembre 2008 par Mgallot

b2e874e1787185bfead1629c830dabef.jpgA marée basse de Jim Lynch, traduit de l’anglais (US) par Jean Esch, éditions des 2 terres (2008)

« Il faut généralement plusieurs décennies pour que les gens aient une vision de l’univers, s’ils prennent la peine de le comprendre. Moi, je l’ai compris au cours d’un été délirant où je me suis retrouvé assailli par la science, la célébrité et les manifestations divines. »

Ainsi parle Miles, âgé de 13 ans, qui raconte son été dans les eaux de la baie de Puget Sound (Etat de Washington), où il vit. Passionné par la vie marine, et fin observateur de « sa » baie qu’il arpente dans tous les sens, ses découvertes extraordinaires attirent scientifiques et journalistes, qui font de lui la vedette locale. Mais Miles n’en a cure, il est surtout intéressé par Angie, son ancienne baby-sitter et voisine, dont il est discrètement amoureux, et par Florence, une vieille amie un peu medium, dont le déclin des forces le préoccupe.

Ce roman marin est baigné de l’atmosphère de la baie, magnifiquement rendue par l’auteur, qui a vécu à Puget Sound. En particulier, la précision des descriptions de la faune, loin d’être ennuyeuse, est une découverte de chaque page. Le pénis géant des bernacles, la natice tueuse de palourdes qui « l’aspire par le trou comme on sirote un milk-shake », les étoiles de mer aux couleurs irradiantes, les dollars de sable, tout est émerveillement dans ce monde océanique vu à travers les yeux d’un jeune adolescent. Sensualité et lyrisme rayonnent de ces laisses de vase puantes, qui scintillent dans le « sifflement discret de l’eau qui se retire entre les graviers », sous « la lune albinos (…) si proche et si éclatante qu’elle semblait irradier de la chaleur ». « A marée basse » a été finaliste du prix « gens de mer » au festival Etonnants Voyageurs de Saint-Malo.

Au cours de l’été, Miles prendra conscience que tout est mouvant : ce qui semblait immarcescible se met à vaciller, ses parents vont peut-être se séparer (et Miles devra peut-être quitter la baie ?), Florence risque de mourir, et Angie de partir pour ses études. L’univers protégé et rythmé par la régularité des marées s’écroule. Même la baie évolue, gagnée par des espèces jusque là absentes, envahie par une marée d’une hauteur imprévisible. L’univers de référence du petit garçon perd de sa limpidité et Miles grandit en apprenant la complexité des relations humaines, la sexualité, et aussi l’ésotérisme, car les mystères de l’océan sont ni plus ni moins ceux de la vie. Roman initiatique en bord de mer, « A marée basse » se situe très précisément dans cet entre-deux des plages de Puget Sound, allégorie de l’adolescence où rien n’est jamais figé et où la vie, impénétrable et magique, se perpétue en ne livrant que quelques bribes de ses secrets infinis.

Jim Lynch a en plus le mérite d’utiliser une écriture inventive, souvent humoristique. Les mots de Miles ont la candeur impudente et pleine de bon sens propre à son âge. Mi-amusé, mi-offusqué il décrit le déferlement d’adultes sur la baie et les saillies ricanantes de Phelps, son copain obsédé par les filles et leurs poitrines – si possible généreuses. Il nous offre un fort beau séjour en adolescence.

(Article à paraître sur Sitartmag)

Site officiel du roman (en anglais) : http://www.thehighesttide.com/


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