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X-Event 2.6 : le temps X d'Annie Vigier et de Frank Apertet

Publié le 25 septembre 2008 par Jérôme Delatour
Autant les acteurs d'X-Event 0 étaient cachés, autant ceux d'X-Event 2.6 sont manifestes. Avec leurs tee-shirts colorés à tête de Mickey post-moderne, difficile de ne pas les identifier. Pour autant, une fois encore, ceux qui seraient venus voir de la danse à Bétonsalon, nouveau lieu d'art contemporain du 13e arrondissement de Paris, en auront été pour leurs frais - encore que la représentation ait été gratuite. Pas de beau mouvement ici mais, comme dans X-Event 0, une réflexion sur le statut respectif des danseurs et du public. La consigne des danseurs est simple. Sur une musique évoquant une machine à laver coincée en cycle rinçage, juste agrémentée de quelques poussées de voix féminine, déambuler dans l'espace d'exposition et au dehors, jusqu'aux confins des spectateurs et au-delà, le passant étant amené à devenir malgré lui témoin, voire acteur de la performance. S'assembler, au gré du hasard, aux autres danseurs ; s'approcher au plus près des spectateurs, le regard généralement perdu au loin, parfois fixant l'autre, mais absent - une manière d'être plutôt à côté qu'avec, comme des anges gardiens volages. Laisser le temps s'étirer (l'action dure quatre heures et pourrait continuer à l'infini), de sorte qu'il n'y ait pas de spectacle, mais un moment de partage d'espace sans événement, comme une invitation à quitter notre vie trépidante et à prendre son temps.

Parfois les danseurs, toujours silencieux, provoquent le passant en se couchant devant lui. La tentation est grande de les provoquer en retour. Ils ne diffèrent pas beaucoup de nous : ils marchent, ils vont et viennent, regardent par la fenêtre pensifs, s'assoient, s'accoudent, s'agenouillent, s'allongent, se relèvent, font une pause. Mais ils ont un costume qui nous avertit qu'ils remplissent une mission spéciale et qu'on serait mal avisé de les toucher ou de leur adresser la parole. Je regrette d'ailleurs de ne l'avoir pas fait. Y sont-ils préparés ? Comment improviseraient-ils sur cet accident ? Malgré tout, ce long jeu de déambulations et de regards fuyants crée une connivence, une empathie réciproque. Pour les danseurs, c'est le jeu du je te tiens par la barbichette, et il y aura quelques sourires étouffés. Car enfin ils sont si proches de nous, à tous les sens du terme, ils jouent un rôle et le savent bien.

Pour le photographe, X-Event 2.6 est un pain béni, et certains s'en donnent à coeur joie. Ils peuvent s'approcher ou s'éloigner à leur aise, se baisser, accompagner vraiment les danseurs dans leurs mouvements (pour une fois qu'ils ne sont pas cloués sur un siège). Bien difficile, en revanche, de rendre en photographie les enjeux de la pièce : faire voir les interactions entre public et danseurs, alors qu'ils sont disséminés dans l'espace, mêlés à des groupes de statut divers, passifs ou actifs par rapport à la performance. Le risque est grand de se complaire en de jolis portraits - et X-Event 2.6 fait d'excellentes photos de mode.

Reste une chose que je ne m'explique pas : X-Event 2.6 est sous-titré "d'après le protocole 'le goût'". Où est ce goût et quel est ce protocole ?


X-Event 2.6, d'Annie Vigier et Frank Apertet (les Gens d'Uterpan), a été donné du 16 au 21 septembre 2008 dans le cadre de Playtime, projet conçu pour l'ouverture de Bétonsalon, à Paris.



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