"Martyrs" : uppercut sensoriel et viscéral

 Pitch (Alllociné) : France, début des années 70. Lucie, une petite fille de dix ans, disparue quelques mois plus tôt, est retrouvée errant sur la route. Son corps maltraité ne porte aucune trace d'agression sexuelle. Les raisons de son enlèvement restent mystérieuses. Traumatisée, mutique, elle est placée dans un hôpital où elle se lie d'amitié avec Anna, une fille de son âge.  15 ans plus tard. On sonne à la porte d'une famille ordinaire...  Notre avis : Ne lisez rien. Ne reardez aucune bande-annonce : Choc surpuissant tant d'un point de vue physique que psychologique, Martyrs frappe là où ça fait mal et invite à un voyage unique. Bourré de surprises, d'une incroyable cohérence sur le fond comme la forme et en constant renouvelèment, le film de Pascal Laugier vous met K.O. Difficile est la tâche pour s'en relever... Que l'on aime ou pas le film de Laugier (croyez nous, il n'y aura pas d'alternative), il est surtout impossible de communiquer une fois les lumières rallumées. Images crues imprégnées sur la rétine, cerveau en compote, les nerfs à bout, choqué par le dénouement de l'histoire comme son contenu, il est difficile de faire la part des choses et de donner un quelconque point de vue. 

D'ailleurs, mieux vaut en savoir le moins possible lorsque l'on va voir Martyrs. Jouant sur l'effet de surprise, Laugier invite le spectateurs à un voyage à multiples rebondissements jusqu'au bout du cauchemar et (sans trop en dévoiler) : l'illumination.

Plus le film avance, plus l'intrigue se dénoue et les "a priori" s'effacent. Le carnage est présent certes, mais peu à peu, le spectateur qui pense avoir un temps d'avance sur le film, se fait piéger. Composé de deux parties en une, dont l'ensemble s'avère êtremement logique et indissociable l'une de l'autre, Martyrs prend finalement tout son sens lors d'une dernière demi-heure particulièrement éprouvante, féroce et difficilement supportable. Pourtant, le sadisme de la situation mettant les nerfs à rude épreuve, reste indispensable à la révélation finale aussi inattendue qu'osée. Il faut donc aller au bout de la torture et de la pression pour tout saisir.

En décryptant un jusqu'auboutisme salutaire, l'explication et le sens de Martyrs vont loin... très loin. La manière dont est d'ailleurs bousculé le spectateur risque d'electriser les morales et de rendre incompris un tel petit bijou.

Véritable oeuvre profonde au-delà de la simple démonstration visuelle et bourrine, Martyrs invite à réfléchir et vibrer avec du recul. Sans rien dévoiler d'un suspens réglé comme une montre suisse, la portée du film de Laugier est tellement poussée et osée qu'il met très mal à l'aise. Nécessaire ? Oui.

Allant piocher dans des sujets retors (la peur tapie dans l'ombre, la menace insoupçonnée d'un danger proche de notre quotidien, la religion, la science, la folie, la vengeance, l'amour...) Martyrs provoque un coup de massue.

Aidé par une photo et une réalisation mêlant esthétique froide et crasse de l'image "vieillie", une bande son adéquate, des effets gores et d'ambiance remarquables, de rebondissements sans faille, d'une morale à glacer le sang remettant en cause bon nombre de principes... le film de Pascal laugier n'existerait pas sans son duo d'actrices phénoménales : Mylène Jampanoï et Morjana Alaoui. Si la première excelle dans la démence en jouant adroitement sur le fil du rasoir (folie ou vengeance froide), la seconde brille entre un charme bouillant et une alternative intéressante (fragilité et charisme responsable).

Au final, Martyrs nous fait dire que le "mal" n'est pas toujours là où l'on croît, que les "croyances" peuvent être le plus terrible des bourreaux mais aussi que l'amour et l'amitié sont finalement éternels comme la porte de sortie échappatoire à la souffrance. 

Poussif, hardcore, complexe, tétanisant, esthétique, à suspense... Martyrs est indéniablement une réussite majeure dans notre paysage cinématographique de par son ton formel comme son fond travaillé et très ambigüe. Une belle claque d'une rare violence et qui hante longtemps après la projection. 

Malgré quelques longueurs en milieu de bobine et certains petits accroches de style, ça fait très mal mais c'est bon et surtout... important.

    

Pourquoi y aller ? 

Pour la superbe Morjana Alaoui. Pour le dénouement d'une histoire ravagée et ravageante. Pour les effets dramatiques tutoyants l'horreur et la réflexion. Pour le sujet délicat de l'ensemble mais surtout sa maîtrise.

Ce qui peut freiner ?

Les effets gores. la dernière demi-heure pourtant indispensable à la compréhension générale.