Profusion d’expositions à la Maison Européenne de la Photographie (toutes jusqu’au 26 octobre). Pas vraiment de lien entre elles, on passe donc du fascinant au répugnant, du banal à l’extraordinaire. Rien à dire sur certaines (les photos de voyage de Monsieur Dumas-Hermès), pas envie de parler d’autres (les viandes de Dimitri Tsykalov), mon attirance pour la froide beauté architecturale de Marco Zanta restera silencieuse, mais chapeau bas devant le roman-photo de Jacques Monory (soi-même en chapeau et lunettes teintées dans la photo ci-contre).
Mais c’est d’obsessions et de talons aiguilles que je vais vous parler. Je n’avais bien évidemment aucune idée de ce qu’est le magazine de mode Stiletto avant ma visite, ni même de ce qu’est un stiletto (escarpin au talon fin dépassant 10 cms). Encore une expo de photos de mode, ai-je grogné en entrant dans cette salle. Et, certes, quelques photographes semblent perdre leur âme en se prêtant à cet exercice, leurs photos
deviennent plates, fades, inodores, ainsi Douglas Gordon ou Guillaume Herbaut, qu’on a connus plus inspirés, à mon goût. Martin Parr, plus cynique, joue des codes avec élégance; j’ai surtout apprécié de lui cet ensemble, qui pourrait être une étude sur les mains, mains de travailleurs, avec le chef au centre, jusqu’au moment où un regard plus acéré (ou la lecture du cartel) vous apprend qu’il s’agit d’une publicité pour Rolex, mais oui, bien sûr ! Les Doudounes photographiées avec une froideur clinique par Raphaël Dallaporta (de gauche à droite : Gilles, Jean-Paul Gaultier et Moncler) sont des bijoux dans leur écrin aux couleurs crues (Série « Blow up » pour Stiletto n°20, automne 2008). Ce jeune photographe a un talent pour faire ainsi jaillir des objets dans le réel, que j’avais beaucoup admiré dans ses ‘portraits’ de mines anti-personnel. Que fait ici ce kibboutz-bunker menaçant comme une forteresse coloniale ? Passerait-on de la mode à l’architecture ? ou à la politique ? (Yanai Toister, Kibboutz Hafsitka, Stiletto Homme n°6, printemps-été 2008). Il conduit à la salle suivante, cabinet de curiosités fétichistes, talons aiguilles tapissant les murs d’un bout à l’autre. Au milieu de tant de photos chics et glamours, celles de Valérie Belin sautent aux yeux par leur étrangeté, leur présence. Comme pour ses portraits, nulle mise en scène, nul apprêt, simplement la force explicite du sujet.Ce sont ces déplacements, ces tangentes par rapport à la mode, ces étrangetés, qui m’ont le plus retenu ici; je ne m’abonnerai sans doute pas à Stiletto, mais mon regard en est un peu changé.
Photos de l’auteur (plus ou moins de travers; mais les photos de presse étaient trop classiques à mon goût). Jacques Monory et Valérie Belin étant représentés par l’ADAGP, les photos correspondantes seront ôtées du blog à la fin de l’exposition.