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Lundi 21 juillet 2008, Luxembourg : envie d’une gaufre ?

Par Memoiredeurope @echternach

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Images du Fils et de Rosetta

J’avais déjà beaucoup admiré « Le fils » de Jean-Pierre et Luc Dardenne. Et je regarde aujourd’hui en vidéo cet autre objet non identifié que représente Rosetta, dont la palme avait attiré plus d’étonnement que de compliments. Cela prouve simplement que je ne suis pas à la remorque de l’actualité, puisque les Dardenne ont déjà au moins deux autres films de plus à leur actif.  

Je ne peux pas séparer le cinéma de son contexte géographique, même si le sujet possède un caractère universel. Je connais les alentours des lieux où l’apprenti, ancien ou potentiellement délinquant, s’initie au métier du bois, à ses senteurs, à ses délicatesses, à ses précisions. Comme des pièces d’un puzzle qui doit tomber juste. Tout tient en morceau, quand le projet est encore là. Mais tout doit tenir après, quand chaque coin entre dans l’autre. 

Comme je sens tous les angles où Rosetta pêche, marche, se cache, dissimule ses chaussures, tire de l’eau, butte sur la vie, fabrique la pâte à gaufre, ou les moule à la chaleur.

La gaufre symbole que j’ai découverte aux coins de rue de Bruxelles, de Liège, de Namur, de Mons, de Tournai, de Commines, d’Arlon…une odeur, une madeleine du pauvre, le détour vers la récompense. Une pause entre deux instants difficiles.

La vie est-elle si difficile chez nos voisins wallons ?  Et les jeunes si border-lines ? C’est un monde en tout cas où la vision est directe, immédiate : à raz et sans perspectives. Alors la caméra est elle-même à raz et sans perspectives ; plutôt à l’arrière des choses et des gens. Mais aussi au plus près de leurs gestes professionnels. Si la vie se fabrique de travers et déforme les individus, leurs gestes doivent rester précis, des gestes d’artisans, des gestes dosés et mesurés. C’est leur seule perspective pour ne pas sombrer.

Ces deux films sont vraiment des films et non des adaptations d’un scénario ou d’un roman. Et ce n’est pas un paradoxe ! Un film est de qui me prend derrière l’écran, même s’il ne s’agit que de l’écran d’un ordinateur. Un film c’est un artifice, même s’il touche au réel, au “social”, comme l’on dit. Un artifice qui fait que je suis là ; ou plutôt que mon regard est là, comme un instrument de la morale ; comme une confession.

Est-il bon, est-il méchant ? Bien entendu les deux. Le meurtrier du fils, auteur de l’inexplicable meurtre. La dénonciatrice qui veut un métier, qui veut une place dans la société, mais que le malaise d’être à la place d’un autre finit par vaincre.

Allez, vas-y, nous suggère le film. Et toi comment aurais-tu réagi ?

Le cinéma c’est lorsque les héros sortent de l’écran, comme chez Woody Allen et viennent participer, avec leur statut d’immortels à nos pauvres vies mortelles. Le cinéma, c’est plus souvent encore lorsque nous devons impérativement mettre les pieds dans la boue ou respirer la sciure pour comprendre. Ou sortir de la salle !

La Belgique, pays que j’aime et dont je ne comprends pas encore comment il a pu entrer dans le tourbillon qui l’absorbe, génère ce type de captation du egard d’où on ne sort pas indemne, mais qui nous propose au contraire une balance morale qui mettra du temps à s’équilibrer.  

Et on avance, toujours plus, jusqu’à tomber. L’équilibre est pourtant là, à portée. La morale est dans ce rien qui fait que l’on se noie, que personne ne dira rien, que le remord est juste dans l’air. 

Et que nous savons mieux, à la sortie de l’écran, sur quel terrain repose une société qui ne prend en compte que la réussite, dans un monde dont la mutation industrielle a laissé des vides, des gouffres, des friches et où des êtres doués de raison sont en train de la perdre. 


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