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De la biographie rock...

Publié le 29 septembre 2008 par Stéphane Kahn

De la biographie rock...Décrire le rock. Écrire le rock. La geste de ses héros. François Bon, infatigable, y retourne. Après les Rolling Stones (une somme), un an seulement après Bob Dylan (le récit-puzzle forcément déceptif d'une entreprise impossible), c'est donc, cette fois-ci, "un portrait de Led Zeppelin", titré tout simplement Rock'n roll. Le meilleur des trois peut-être... Celui dont le titre - limpide - s'affranchit, mine de rien, de la posture du biographe pour enfin se confronter au genre musical vénéré. Directement. Avec gourmandise. "Un portrait", donc, plutôt qu'"une biographie" : la nuance est d'importance.

Reprenant certains passages d'un prodigieux feuilleton radiophonique en 15 épisodes ( Chiens noirs des seventies, diffusé sur France Culture en 2004), le voici qui narre, à sa manière toute personnelle, l'histoire de ces quatre musiciens, qui, très visiblement, le fascinent encore plus que les Stones et Dylan. Parce qu'avec Led Zeppelin, on est au cœur des choses, on ne parlera que de musique. Parce que Led Zeppelin, c'est trois musiciens et un chanteur, qui, chacun - malgré des emprunts flagrants - ont tout inventé de leur art (un son de guitare, un jeu de basse qui n'est plus simple accompagnement, une approche de la batterie totalement inédite dans le rock, une façon de placer la voix comme un instrument de plus). Parce que Led Zeppelin, c'est d'abord un son, l'addition de quatre individualités incroyablement complémentaires, une alchimie unique. Du physique aussi, des postures, des attitudes et des corps (Bon excelle dans les descriptions des concerts). Alors, pour l'auteur, écrire sur Led Zeppelin, c'est se confronter directement aux musiciens, à la musique, à son histoire, au recyclage, au matériel, au travail du studio, à la sueur du live, bref à une incroyable machine de guerre rock'n'roll plutôt qu'à une époque, à des textes ou à un contexte politique (toujours en filigrane des ouvrages sur les Stones ou Dylan).

Led Zeppelin ? L'invention du hard rock, disait-on. François Bon envisage d'abord le groupe sous cet angle, fasciné par John Bonham - la pierre angulaire - par le mix de la batterie si particulier, si novateur alors. Dans les détails, dans la description des minutieuses recherches sonores de Jimmy Page, le livre est passionnant. Brut, comme la musique du quatuor. L'écriture à l'avenant. Trépidante. Cinglante. Nerveuse. Orale. Précise. Il s'agit moins d'enquêter, de faire le tri, de confronter les centaines d'écrits publiés (comme ce fut le cas pour le travail accompli autour de Dylan) que de transcrire par la langue, dans un débit incroyablement rythmé, un amour vibrant, débordant, palpable, pour le groupe-phare des seventies, celui qu'il vit à 22 ans à Earl's Court à Londres. Exercice d'admiration et beau précis musicologique, R ock'n roll, un portrait de Led Zeppelin n'est pas une simple biographie, c'est - comme toujours chez Bon - une évocation à la première personne, où derrière chaque fait, chaque anecdote, chaque setlist, chaque rumeur, se niche l'auteur quinquagénaire, contemporain adolescent de l'explosion du groupe.

De la biographie rock...
Si François Bon, lorsqu'il cite Page, Plant, Jones ou Bonham prend soin de conserver les mots en anglais et de les traduire brillamment dans la foulée (ah ! les aphorismes de Bonham), c'est bien que la musicalité de la langue ne saurait être trahie, partie prenante de son projet littéraire.

À l'inverse, ne donner à lire les textes - finement analysés mais très approximativement traduits - des chansons de Bruce Springsteen qu'en français est une impardonnable faute de goût. Même dénué de sa "version originale", Bruce Frederick Springsteen, le gros livre de Hugues Barrière et Mikaël Ollivier, est pourtant captivant, prolongeant le travail des deux auteurs sur le chanteur du New Jersey (lire le remarquable essai de Barrière consacré à la chanson Born in the USA paru il y a deux ans). À la fois biographie définitive et parcours érudit dans les thématiques récurrentes d'une œuvre pléthorique, le principal mérite du livre fut de me donner l'envie de replonger dans une discographie dont j'avais délaissé ou sous-estimé d'emblée certaines parutions (il faut absolument redécouvrir le récent et discret Devil and Dust). Fourmillant de détails, d'informations méconnues, le livre est surtout venu prolonger le plaisir éprouvé lors d'un fabuleux concert parisien du début de l'été (lire ici). Dommage que l'écriture à quatre mains ne nous épargne pas un certain nombre de redites. On sent le livre trop vite paru, pas assez peaufiné, sacrifiant à une paradoxale lisibilité commerciale (les fameuses traductions des chansons) quand son contenu, pourtant, s'adresse bel et bien aux connaisseurs.

On conclura simplement en disant que si Hugues Barrière et Mikaël Ollivier sont de bons journalistes et surtout de vrais fans, François Bon est, lui, un écrivain. Et un fan aussi. Deux biographies, alors ? Oui. Mais deux approches totalement opposées, l'une purement littéraire, incroyablement stimulante, l'autre plus journalistique, plus sémiologique. Bruce Frederick Springsteen fut un bon bouquin pour l'été. Mais Rock'n roll nous accompagnera longtemps. Led Zeppelin : 1 / Bruce Springsteen : 0.

François Bon, Rock'n roll, un portrait de Led Zeppelin (Albin Michel)

Hugues Barrière & Mikaël Ollivier, Bruce Frederick Springsteen (Le Castor Astral)


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