ENTRE LES MURS : Palme d'or à Cannes

ENTRE LES MURS ( de Laurent Cantet )
ENTRE LES MURS. Pour qui n'aurait pas suivi le dernier festival de Cannes ( nous parlons quand même de la Palme d'or ), ce film n'a rien à voir avec l'univers carcéral. Ce n'est pas ce que vous diraient certains élèves ; car oui, il s'agit d'un film sur l'école, le collège, une plongée aussi réaliste que faire se peut, dans le monde merveilleux et souvent frustrant de l'éducation. François Bégaudeau, prof de français en zone dite " sensible ", avait tout d'abord écrit un livre à succès sur son métier et son vécu, avant d'interpréter son propre rôle à l'écran, dirigé par Laurent Cantet. Peut on faire dans le documentaire et dans la fiction en même temps, peut on en moins de deux heures brosser un portrait juste et attachant, si possible sans concessions, sur cet univers clos pour tous ceux qui n'y ont pas accès : bref, que se passe t'il en cours, une fois les portes de la salle fermées ? Après tout, les parents démissionnent de leurs fonctions, les crédits pour l'enseignement se réduisent année après année, les profs sont des feignants car ils ont trop de vacances, etc... Sous ces poncifs parfois malsains, qu'y a-t-il à voir ? Ce film répond - en partie - à toutes ces interrogations, et c'est cela son vrai grand mérite.

Un jeune professeur de français a en charge une classe difficile dans un quartier sensible. Tout cela semble simple, mais je voudrais bien vous y voir. Pour avoir connu une situation identique ( voire pire...) je ne peux que lui souhaiter bien du plaisir. L'année scolaire d'une classe de 4e: au programme, apprentissages des matières mais aussi de la démocratie, de l'échange, de la tolérance. Bref, c'est de l'éducation, à 180 degrés. La Palme d'or du Festival de Cannes 2008, adaptée de l'expérience personnelle et du livre de François Bégaudeau, le tout très librement puisque nombre de personnages du film ont été inventés ad hoc, et que la trame du roman n'a été suivi que très superficiellement, une fois à l'écran.

Le plus fort, c'est d'avoir crée un microcosme crédible, une classe vraiment pas facile d'entrée, mais qui devient attachante, malgré ses défauts évidents. Une aventure pédagogique ? Les élèves n'étant pas des acteurs, contrairement à leur prof, qui sans en être vraiment un, en a en tous les cas l'étoffe sans aucun problème. On regrettera juste que le film fasse abstraction de l'autre coté du miroir, c'est-à-dire les noyaux familiaux qui souvent parasitent le travail des meilleurs enseignants, mais le titre " Entre les murs " peut être une justification de ce choix. Etrange aussi d'entendre un prof tenir un discours aussi négatif vis-à-vis des filières professionnelles, qui ne sont pas des voies de garage mais bien une façon concrète et plus épanouissante pour certains élèves qui ne se reconnaissent plus dans la filière classique. Le lycée s'engorge et les facs abondent de candidats fantaisies aussi pour cela. Je ne suis pas à même de juger les méthodes pédagogiques d'un collègue, donc je ne m'étendrai pas sur la " Begaudeau touch " devant ses clients, juste souligner combien ce métier, en apparence si facile et plein de bons avantages ( vacances, on ne se fait jamais virer...) peut devenir très rapidement un véritable tourment quotidien, soit parce qu'on y est pas préparé psychologiquement, soit parce que trop impliqué et dérouté devant l'impossibilité apparente de faire évoluer des mentalités adolescentes en perdition. Le but du film n'étant pas, au final, de dresser un bilan de santé de l'école et de proposer des remèdes, mais de donner vie à un groupe classe et de tisser une histoire d'affect et de rapports humains entre individus différents, sous pas mal de rapports. On appelle ça vivre ensemble, et ça peut toujours servir de leçon à ceux qui ignorent le sens de cette remarque. ( 7,5/10)

Un métier ou un sacerdoce?