On appelle société de consommation une société d’abondance, de profusion, de féerie des choses. Elle naît avec leur prolifération, leur multiplication envahissante dans des vitrines encombrées, ruisselantes d’objets, disponibles, amoncelés et entassés. Qui pourra s’en plaindre ?
Leur volume grandissant démocratise leur vente. Il y en a d’autant plus que les choses sont moins chères et la consommation augmentant devient plus égalitaire. La vie est, pour tous, plus confortable, plus facile, plus distrayante. Pour chacun les contraintes de temps et d’espace sont diminuées : les objets, travaillant pour les hommes, réduisent leurs efforts et leur éloignement.
Pourtant, en pénétrant le quotidien des hommes, ne prennent-elles pas leur place ? En devenant le centre des intérêts ne les humanise-t-on pas ? Et, se laissant encercler par elles, ensorcelé par leur fonctionnalité, l’homme ne se chosifie-t-il pas ? Dans une société d’outils, y a-t-il plus grande valeur que l’utile ?
C’est cette vertigineuse substitution que Baudrillard mettait en évidence. Les choses deviennent des êtres, et les êtres des choses. Chose élevée au rang de nécessité, de beauté, de liberté ; homme abaissé au niveau de l’objet, fonctionnel et utile.
La société de consommation célèbre les choses et sépare les hommes. En se multipliant, les objets divisent les êtres et les êtres les divinisent. Car, comme le rappelait le philosophe, la société de consommation ne contient pas tant une masse inépuisable et incohérente d’objets, qu’une luxuriance organisée, tissée de réseaux tels que les objets s’appellent les uns les autres et se complètent. C’est un tout collectif qu’ils incarnent, indissociables, ouvrant des appétits insatiables et inhumains…