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Quand "Entre les murs" décrit le quotidien de collégiens difficiles : fiction ou réalité ?

Par Mahee


Cinq minutes à entendre les invectives des élèves à l’égard de leur professeur, supporter leurs moues boudeuses et leur refus de travailler suffisent pour bouillonner intérieurement pendant tout le film puis s’exclamer, à peine sortis de la salle de ciné, « Non, ce n’est pas possible ! »

Note :


Si. C’est en tout cas la réalité que décrit Entre les murs, palme d’or française au dernier festival de Cannes, décrochée par Laurent Cantet avec les élèves de quatrième d’un collège parisien réputé difficile. Une réalité dans laquelle les jeunes s’avèrent indisciplinés, grossiers, violents, toujours sur la défensive et présentant de graves lacunes scolaires. Face à eux, François Marin (interprété par François Bégaudeau, dont l’expérience de professeur de français a été adaptée à l’écran) incarne une bien piètre résistance. Toujours dans le dialogue, la diplomatie, la valorisation, jamais la sanction. Au point de n’avoir aucune autorité. Et de laisser la classe se transformer en sacré bordel.
Agacement, amusement, intérêt, passion, horripilation. Voilà ce que j’ai successivement ressenti face à Entre les murs. Une chose est certaine : le film ne laisse pas indifférent et suscite un large débat. Sur la vision de l’éducation, des collèges difficiles ou encore de la jeunesse d’aujourd’hui. Mais aussi sur la manière de faire du cinéma.

Confusion des genres
Sans aucune musique, effet spécial ou mise en scène particulière, Laurent Cantet parvient à nous captiver, voire passionner, pendant 2h08. Une réelle prestation ! Mais là où le bât blesse (et ce qui explique ma longue hésitation quant à la note du film), c’est le genre dans lequel classer Entre les murs. S’il s’agit assurément d’une fiction, l’œuvre a des allures de documentaire. Et entretient constamment cette confusion des genres, comme pour donner une valeur de vérité universelle à une situation propre à une classe. Or, ce qui qualifie cette classe, c’est tout de même le manque de discipline et de respect, et un professeur qui, malgré tous ses efforts, tire ses élèves vers le bas. L’affiche du film est à ce propos révélatrice : « entre les murs » et « laurent cantet » sont écrits entièrement en minuscules, comme pour prouver que tous doivent être au même niveau, ne pas détonner.
Si les dialogues sont pour certains improvisés, la majorité viennent d’ateliers que le réalisateur a menés avec les élèves pour élaborer le scénario et les mettre à l’aise face à la caméra. Les tirades sont nombreuses à avoir été préparées à l’avance. Dans le Nouvel Obs de la semaine dernière, Laurent Cantet explique : « Il y avait une part d’improvisation mais aussi des phrases-clés, très précises, qui jalonnaient chaque scène et donnaient des repères aux uns et aux autres. Après ces ateliers, grâce à cette gymnastique, ils étaient capables d’être à la fois totalement dans l’improvisation, de réagir à la situation et d’avoir une conscience très professionnelle de ce qu’ils avaient à dire et du moment où ils devaient intervenir. » Et le réalisateur d’ajouter : « Il s’agit plus de films documentés que de documentaires. On recrée une impression de réalité plus qu’on ne l’enregistre. »
Le résultat ? Des situations extrêmement naturelles en classe - mais dont on peine à séparer le vrai du moins vrai - contrastant avec des rapports entre enseignants qui semblent totalement faux. Car si les adolescents interprètent leur propre rôle avec une aisance bluffante, il n’en est rien des professeurs, beaucoup plus empruntés, récitant leurs textes.
Entre les murs s’avère un très bon film, à ne pas manquer. J'aurais toutefois préféré un format documentaire pur, afin de coller parfaitement à une réalité ô combien explosive.


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