Le
Second manifeste du surréalisme paraît cinq ans après
le premier, en décembre 1929. Breton y prône surtout le
refus des antinomies. Des vieilles oppositions, qu'il faut dépasser.
C'est qu'il veut découvrir
ce « point de l'esprit d'où la vie et la mort,
le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le
communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être
perçus contradictoirement. »
Est-ce pour cela qu'il se met à
parler de politique, alors que jusque là, il ne s'occupait que
de psychisme pur?
Entre temps, il a lu Marx, Engels
et Hegel, ce qui l'amène à s'interroger sur les
possibilités de rapprochement du surréalisme avec le
parti communiste, tout en mettant ses fidèles en garde contre
le risque d'endoctrinement politique.
Tout cela serait très
mesuré et presque logique si, dans le fil de son discours,
Breton ne lâchait soudain une phrase qui deviendra célèbre.
Une phrase qui reviendra comme un leitmotiv malheureux, et qu'on va
lui reprocher longuement : « L'acte surréaliste le
plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans
la rue et à tirer au hasard, tant qu'on peut, dans la foule. »
(p.78)
Assez
paradoxal, non, pour quelqu'un qui s'interroge sur le lien social?
Breton
serait-il un esprit nébuleux? C'est ce qu'ont suggéré,
dans le pamphlet Un cadavre, certains surréalistes
repentis, attaqués dans le Second manifeste justement,
parce que Breton y règle aussi ses comptes avec ses anciens
compagnons de route qui ont trahi.
C'est
aussi ça, le surréalisme. Ça flingue pas mal. De
tous côtés.
Jacques
Baron, sur Breton, dans Un cadavre: « esthète
de basse-cour, cet animal à sang froid n'a jamais apporté
en toutes choses que la plus noire confusion. » Roger
Vitrac: « Quant à ses idées, je ne crois pas
que personne ne les ait jamais prises au sérieux, sauf
quelques critiques complaisants qu'il flagornait, quelques potaches
sur le retour et quelques femmes en couches en mal de monstres. »
C'est
peut-être vrai mais ça n'a finalement pas d'importance.
Parce que Breton, malgré ses théories, n'est pas un
théoricien. C'est un écrivain. Un écrivain
puissant, avide de sérieux, livré aux expériences,
aux contradictions et à la recherche. Un écrivain qui,
qu'on le veuille ou non, a écrit une page importante de
l'histoire littéraire.
André Breton, Manifestes du surréalisme, Idées Gallimard