Une des étrangetés de l’exposition Objectivités (au MAMVP jusqu’au 4 Janvier) est que cette exposition de photographies démarre avec deux peintres, Richter et Polke. Richter, passe encore, car on sait à quel point son travail de peintre se nourrit de la photographie. Mais Sigmar Polke ? Peu connaissent ses photos, malgré l’excellente monographie de Xavier Domino (à qui j’emprunte mon titre) et c’est, je crois, la première fois qu’on les voit en France. A voir certaines d’entre elles, on peut se demander si ce sont vraiment là des photographies. Aux antipodes du parfait réalisme minimaliste et objectif des Becher, Polke s’intéresse au médium photo et à toutes les manipulations physico-chimiques qu’on peut lui faire subir,
et il s’y intéresse en dilettante, en amateur toujours aux marges de l’erreur, de l’accident. Mauvais photographe comme Tichy, Polke joue avec le flou, le surexposé, les taches de bromure, les défauts en tout genre; il aime rater, quitte à saboter.
Des trois ensembles présentés ici, regardez d’abord la série Rheingold (1985) où des minerais, or ou uranium, impressionnent le film et y créent des formes fluides, aériennes, vagues, rondeurs, ectoplasmes, éclaboussements, qui n’ont plus rien à voir avec une quelconque représentation du réel : réalité invisible, magique, alchimique, sans lien quelconque avec un modèle, un indice.

De là, évidemment, Polke va vers la peinture :

Il me semble audacieux de tenter de présenter cette mise à sac impitoyable du réel sous le label de l’objectivité triomphante. Domino fait dire à Polke “Je développe, donc je doute”. C’est à ce constat anti-normatif qu’arriveront aussi certains des élèves des Becher en rupture de ban.
Photo 1 de l’auteur; photo 4 courtoisie du MAMVP.
