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Le roi René, âme européenne

Par Amaury Piedfer

Nous évoquions la semaine dernière la figure du roi René, ce grand prince du Moyen âge tardif qui a laissé une image si positive dans les mémoires françaises, à propos des traditions culinaires que son entourage nous a légué. Fayard vient d'éditer une remarquable synthèse sur le règne de ce roi atypique, que l'auteur, l'excellent médiéviste Jean Favier, s'est plu à comparer à son contemporain et parent, le guerrier Louis XI (1461-1583). ..A. L...L'auteur présente son travail : ..C'est d'avoir écrit sur Louis XI que m'est venue l'idée de me pencher sur le roi René. Également touchés par une vue légendaire et par l'imagination littéraire aussi bien qu'artistique, les deux personnages m'apparaissaient l'un et l'autre comme fils de leur temps mais avec des personnalités en tout différentes et des destins en tout opposés. L'un est né dans le temps du désastre à l'ombre d'un père à la couronne incertaine, l'autre est né à l'ombre d'une mère qui se révélera maîtresse dans l'art de gouverner. L'un a été mal marié, l'autre s'est montré amoureux de ses deux épouses. L'un s'est très vite gardé de toucher une arme, l'autre s'est voulu chevalier, chef de guerre et artiste des tournois. L'un était passionné de chiens et de chasse, l'autre de pêche et de jardins. L'un multipliait les correspondances politiques, l'autre se plaisait aux poèmes. L'un ne cessait de « pratiquer » les gens, l'autre de chercher Consolation. L'un achetait les trahisons, l'autre faisait des cadeaux à ses amis. L'un a laissé une image que la postérité n'a cessé de noircir, l'autre celle du « bon roi ». L'un a durement érigé l'État contre la féodalité, l'autre a plus ou moins tenu un héritage incohérent de principautés. L'un aura négligé de se faire représenter en roi sur sa tombe, l'autre se sera targué jusqu'à sa mort d'innombrables couronnes rêvées ou perdues. Mais Louis XI reste l'universelle araignée décrite par Commynes et, pour les manuels scolaires, il est l'homme des cages de fer. René demeure le fondateur de l'ordre du Croissant, le maître des tournois chevaleresques, l'éternel poursuivant du Coeur d'Amour épris. Les historiens eux-mêmes ont hésité quant au fond. Qui fut René d'Anjou ? Qui fut ce prince que ses contemporains ont appelé Regné, Reinier ou Reignier et que l'usage des cours comme celui de sa propre administration appela très vite et durablement « le roi de Sicile » ? Le personnage est multiple. Et d'abord parce qu'il a vécu. Né en 1409, mort en 1480, voilà qui en ce temps-là signifie plusieurs vies. Ensuite parce que, au long de ces vies, sa position a plusieurs fois changé du tout au tout. Beau-frère du triste roi de Bourges, puis du grand Charles le Victorieux, il finit oncle de l'homme d'État qu'est Louis XI. Quoi de commun entre le coureur d'héritages lorrains, le captif de Bourgogne à l'impossible rançon, le malheureux défenseur d'un royaume italien, le concurrent aventuré d'une couronne espagnole ? Entre le prince qui se veut une puissance et celui qui n'aspire plus qu'à la tranquillité ? Entre le défenseur du Castel del Uovo et le roi des gardons Et, pour troubler un peu plus la vue de l'historien, voici un ensemble territorial dont les parties n'ont entre elles aucun point commun, ni les hommes, ni les institutions, ni l'économie. Elles n'ont pas même une place commune sur l'échiquier des alliances européennes. Or, sans y compter les couronnes chimériques de Jérusalem ou d'Aragon, on aura vu René d'Anjou régner sur un royaume vassal du Saint- Siège, un apanage de France et une principauté d'Empire... L'antithèse quasi parfaite de son contemporain et parent Louis XI. Moins inquiétant, plus aimable, René d'Anjou a légué aux générations futures un véritable trésor artistique.

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