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Et le vent souffle, qu'est-ce qu'on y peut

Publié le 14 octobre 2008 par Menear
Et cette chanson en gros je l'avais grossièrement oubliée, dommage puisqu'il s'agit de la seule chanson d'Arcade Fire que j'aime vraiment, capable de l'écouter vingt fois de suite malgré les répétitions. Puis de cette chanson vers des instants régurgités comme une éponge. Je me rappelle un air qui me trotte en tête et le contexte de leurs écoutes importantes se libèrent. En l'occurrence dans une rue de Morlaix sous le crachin breton.

Je marchais sec sur les pavés d'une rue piétonne au nom sans importance, puis j'arrivais place Allende,


des fois c'était le marché dès neuf heures du matin avec les poissons et les odeurs autour, des fois je me contentais juste d'enjamber les poireaux écrasés par terre et, bien sûr, d'autres fois c'était pas le marché, c'était juste un parking avec des rues piétonnes normales


il crachotait vaguement et moi je me glissais mon MP3 autour de la tête histoire de capter une ou deux (souvent deux) chansons avant d'aller bosser à la librairie. Souvent passait Cold wind rarement par hasard d'ailleurs. D'autres fois, souvent, c'était Like a rolling stone parce qu'à ce moment là je découvrais Dylan en lisant François Bon. Des fois Cold wind je le mettais deux fois de suite, puis encore au retour après midi pour regagner le Marchallac'h. En marchant sec sur les pavés piétons, Cold Wind par dessus le vrai vent froid crachoté, je me disais que cette chanson, elle convenait parfaitement à Coup de tête et qu'au moment de me lancer dans l'écriture du troisième jet encore en gestation, il me faudrait travailler avec elle, avec cet air, avec sa voix. Puis de mois en mois, j'ai laissé les pavés humides-piétons et Morlaix avec et j'ai oublié cette histoire de chanson. Je suis même incapable aujourd'hui de me souvenir pourquoi, au juste, cette chanson, plutôt qu'une autre, conviendrait parfaitement à Coup de tête.


En réalité chanson empruntée à l'atmosphère audio de Six Feet Under. Avant-dernier épisode de la dernière saison (511), DVD 4. A la base c'est comme ça que je la découvre et après tout peut-être n'existe-t-elle nulle part ailleurs. L'épisode s'appelle Static

Je ne regarde pas la caméra arriver vers moi parce que je regarde dans le vide, contrairement à tous ces autres corps qui comatent en silence dans le silence du bus. Ma voiture crashée-retournée sur un chemin en pleine cambrousse, mon corbillard vert foutu, vendu huit cents et quelques dollars pour les pièces détachées. Mon regard perdu sur l'ombre extérieure, il fait nuit, nuit éclatée de lumières électriques ici et là, ville en sommeil qui ne dort pas, on voit mon visage flou au premier plan mais net dans le reflet de la vitre, perdu dehors et pris dedans, traversé par les lueurs trop ternes puis

Je ferme les yeux secs, rictus dur d'un visage lourd, mon corps gonflé par ma peau grasse, le ventre rond d'un gosse pas assez cuit qui sort trop tôt. Je cris déformé par mes traits tirés puis bascule vers l'arrière sur l'oreiller blanc. Mon bébé va bien dites moi est-ce que mon bébé va s'en sortir ? puis

Je la regarde depuis l'envers de mon masque, quel soulagement qu'elle puisse m'avoir, elle ne peut pas voir combien j'ai peur, je lui tiens la main, son corps meurtri par les contractions, je ne sais pas si sa question m'est adressée et si je suis censée y répondre mais je le fais. Juste continue de pousser continue de pousser et je lui tiens les mains mon Dieu c'est bien tout ce que je peux faire, c'est bien la dernière chose je peux faire pour lui puis

Je la regarde le temps d'un battement de paupière jusqu'à ce qu'elle comprenne que je ne peux pas la regarder car je n'existe pas je suis juste la figure inquiète de ses propres petits cauchemars paranoïaques puis

Je pousse une dernière fois et le gosse ne tombe pas je dis putain comme si je le pensais et mes yeux déformés par la pression par dessus qui s'y pose, la souffrance que ça peut être parce que la musique traîne avant l'habituel fondu au blanc puis noir et crédits qui s'enchainent.


et on se demande franchement comment c'est censé se passer plus mal, et si c'est possible que ça se passe plus mal, avant qu'encore une fois tout se termine. Mais la musique reste et revient sous l'air aléatoire de l'Archos, depuis ma poche de blouson, anciennement droite, désormais gauche.
.

Coup de tête avance bon train, avance en double si je puis dire : poursuite des relectures de la première partie (un peu plus de la moitié à présent) et réécriture en parallèle de la deuxième. Pas même besoin de retourner Gare de Lyon car tout est déjà clair. Puis de poser ma tasse

thé-thérapeutique pour soigner crève récalcitrante ramenée de ce week-end sans doute


boire du thé citron (et je n'en bois généralement que lorsque je suis malade en réalité) me ramène vers ces jours de froid où l'on s'enfermait au Voltaire, face de la Fac, au lieu d'aller bosser sur Dieu sait quoi on avait pas envie de bosser, puis commander un thé citron avec la rondelle au fond de la tasse et le sucre que j'avais même pas besoin de rajouter


puis boire du thé-citron-chimique entre deux heures d'anglais le lundi matin directement piqué depuis le gobelet à F. également


sur le bureau côté gauche avec notes étalées en vrac sur le plateau en dessous et futurs livres à lire posés au dessus, écran allumé sur ma page de Coup de tête du moment, ça me donne l'impression d'avoir exactement ce que j'ai toujours voulu : ma vie centrée sur et par l'écriture (et ce ne sont pas mes douze heures hebdomadaires de tire-bouchon qui viendront vraiment bouleverser tout ça).
D'autres projets parallèles aussi, des concours de courts pour la plupart, car j'aimerais commencer à caser quelques textes dans diverses revues ou anthologies ou autres. Des idées frémissantes mais une idée centrale qui devrait articuler les autres, celle d'une infirmière ou aide-soignante de Careysall

car plus j'y pense et plus j'en viens à croire que Careysall est un terrain de nouvelles, de fictions courtes, d'évènements brefs


qui s'appellerait Johnny Silmograth ou quelque chose comme ça mais peut-être qu'on ne connaîtrait pas son nom

les noms de personnages, c'est tellement accessoire et dispensable que je trouve parfois peu naturel et obscène de les mentionner textuellement


et qui s'éprendrait de l'un de ses patients genre phase terminale. Parfois, ce patient est un adolescent type Amaury, parfois c'est une femme d'âge indéterminé victime de la mémoire (Cette mort). Parfois c'est encore une forme vague d'homme replié et mou plongé en terre. A creuser (jeu de mot).
Enfin, dernier truc apparu, ce concours de synopsis contre l'homophobie lancé par le Ministère de la Santé. Au bout, la réalisation d'une poignée de courts-métrages censés prêcher contre l'homophobie. Un peu moins de quatre milles cinq cents caractères torchés tout à l'heure dans l'inspiration du moment. Ce serait un texte-témoignage qui s'intitulerait Martyr plastique (avec Manuel Jodorov en gay-star) mais je le vois plus comme un exercice de style que comme un synopsis. Assez motivé par le truc mais le truc en lui-même est relativement difficile à satisfaire

votre histoire est, ça dit, imaginaire ou réelle, triste ou gaie, mais traitée de manière positive pour ne jamais susciter le désespoir


puis en lisant ça je me vois dans un reflet fictif et je me dis hmm tu n'es pas vraiment du genre à ne pas susciter le désespoir.


donc honnêtement je pense être totalement hors-sujet, comme souvent lorsque j'envoie des courts.

hypothèse vis à vis du pourquoi du comment : je me sabote plus ou moins consciemment en envoyant des textes inadaptés aux concours ou appels à texte que je sélectionne pour ne pas avoir à échouer en jouant selon les règles. Je ne mets pas mon baudrier, quoi, selon ma propre petite métaphore personnelle.


Peu importe, l'idée est forte, s'est imposée d'elle-même, c'est un signe. Au pire, je publierai l'histoire ici ou ailleurs.

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