Magazine Culture

Enthéos

Publié le 15 octobre 2008 par Maxime Jobin

Présentation de l'auteure

Julie Gravel-Richard se passionne pour la littérature grecque et latine, la mythologie et les langues mortes. Détentrice d'une maîtrise en histoire grecque, elle a été rédactrice et correctrice. Elle enseigne maintenant les civilisations anciennes au cégep François-Xavier-Garneau où elle tente de transmettre son amour de l'humanisme et de la curiosité intellectuelle.

Thomas a perdu la foi. Il ne croit plus ni en Dieu ni en l'homme. Il ère, insomniaque, sans souffle, sans âme. Enthéos, c'est l'histoire de cet homme qui devra se pencher sur un passé qu'il désir oublier pour atteindre le cœur d'une femme en bleu, la Grande Courtisane de ses rêves éveillés et de ses cauchemars ensanglantés. " Il a brûlé son passé au fond de lui. Mais l'incendie l'a laissé froid. Il ne s'y est pas réchauffé. Il marche, vêtu des lambeaux de son âme. " Un chemin de croix vers la lumière, vers un sens, pour sortir des ombres que la mort porte sur lui. Un cercle de lecture, un livre annoté et un café, le Bonnet d'âne. Mais surtout Elsa, la dame en bleu, pleine d'ardeur et de liberté. Emplie de passion. Enthéos.

Pour être franc, il y avait longtemps qu'un livre ne m'avait touché à ce point. J'en ai lu de bons ces derniers mois, mais aucun qui n'ait réussi à me faire décrocher de ma réalité, pour lire entre deux cours, complètement inconscient de toute notion du temps et de l'espace. Enthéos a opéré cette magie sur moi, m'a rappelé cette sensation qui m'a amené à lire, celle de l'abandon à un monde, à une création digne de celle avec un grand C, mais pourtant totalement humaine. Ce qui m'a interpelé dans l'écriture de Julie? Son aisance avec les mots, les ambiances peintes à la perfection- on s'y croirait -, les personnages, mais, surtout, sa passion, dont le livre entier transpire.

La passion qui, justement, est le fil conducteur du roman, le message présent dans chacune des pages de l'œuvre. Un thème si bien traité que cet aspect du livre pourrait expliquer à lui seul l'intérêt que j'ai eu pour Enthéos. Un sujet porté essentiellement par le personnage d'Elsa qui, je dois l'avouer, a été mon personnage fétiche, celui qui m'a suspendu au texte de Julie dès son apparition dans l'histoire. J'en suis presque, comme Thomas, tombé amoureux. Son lien avec la passion, à l'opposé de celui de Thomas avec la raison, m'a émerveillé. J'aurais réécris la bible avec sa vision du monde où " le plus petit instant de vie est plus fort que la mort et la nie ". Et c'est justement au moment où cette idée me venait en tête que le destin du personnage d'Elsa m'a fait chanceler. Pleurer. Boule à la gorge. Rares pourtant sont les livres qui arrivent à me mettre la larme à l'œil.

Outre le personnage d'Elsa et le thème de la passion, j'ai également apprécié la manière dont l'auteure a su fractionner le drame et le passé de Thomas en laissant le lecteur découvrir le personnage principal par fragments espars. Comme un grand vitrail qu'on aurait morcelé et dont on découvrirait les parcelles chapitres après chapitres. J'y ai vu le souffle du roman. Sa peau, les références à l'histoire grecque, à la théologie et à la littérature, encadrant le tout à la perfection et rendant possibles des parallèles forts intéressants et pertinents. Tellement que j'ai aujourd'hui envie de faire la lecture des Nourritures terrestres - en espérant tout de même qu'il s'agisse d'un texte accessible à mon cerveau non fertilisé à la littérature gidienne.

Faites moi confiance, votre première préoccupation de lecteur devrait être de courir vous procurer le livre de Julie Gravel-Richard chez le libraire le plus près. Son premier roman m'a appris la signification du mot grec enthéos, tout en me la faisant vivre. M'a rappelé que "la passion l'emporte sur la raison. Tôt ou tard." Maintenant, à quand la prochaine leçon de grec?

Quatrième de couverture

" Quelque chose en lui refuse de mourir. Car n'est-ce pas ce qu'il espère, en réalité, depuis plus d'un an ? Mourir, tout en restant vivant. Mourir intérieurement. Tout en avançant dans un monde défait, dissolu. Un mort-vivant à travers une vie dénuée de sens. Sa vie, réduite à néant, à des ruines éparses de son ancien monde. "
Taciturne et un peu misanthrope, Thomas a perdu la foi mais il ne réussit pas à perdre espoir, à faire table rase du passé. Poursuivi la nuit par des cauchemars où se profile la Grande Courtisane, surnageant le jour entre ses cours de grec ancien et la lecture des Nourritures terrestres, Thomas essaie de se réinventer en se reniant. Tiraillé entre sa raison et ses passions, il repousse toujours plus loin la coupe de sang qui lui est tendue. Ce sang qui tapisse les murs de ses souvenirs et qui le hante.

Voici quelques phrases et extraits qui m'ont frappé dans le roman de Julie. Cette première phrase en particulier :

" C'est ça, la foi. C'est penser que quelque chose compte, quelque part. "

Puis ces autres :

" Octobre soulève dehors des farandoles de feuilles mortes qui frôlent le bitume et emplissent l'air d'un crissement de papier sec. "
" Pourquoi faut-il détruire pour recommencer à partir de rien? Pourquoi l'homme se sent-il menacé par son passé? Pourquoi est-ce si difficile de combiner les deux, passé et présent, pour entrevoir un futur englobant, équilibré? La bête humaine n'est pas assez souple pour tolérer la différence. Peut-être cherche-t-elle seulement à éviter le doute. [...] Mais lui, n'est-ce pas sa façon de faire? [...] N'est-il pas en train d'allumer son propre incendie intérieur? D'immoler en lui son âme de papier, les archives de sa propre Alexandrie? "
" Il a brûlé son passé au fond de lui. Mais l'incendie l'a laissé froid. Il ne s'y est pas réchauffé. Il marche, vêtu des lambeaux de son âme. "
" "Dieu est mort - Nietzsche
Nietzsche est mort - Dieu "
Il sourit. "
" "Le plus petit instant de vie est plus fort que la mort, et la nie. " "
" Sans foi, il n'y a plus de raison à la musique. "
" Quand on naît double, peut-on survivre à demi? "
" La passion l'emporte sur la raison. Tôt ou tard. "

______________________
Cette critique est aussi publiée sur , blogue qui, tous les 15 du mois, fait découvrir le premier roman d'un auteur québécois! Allez y lire les autres critiques de ce livre!


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Maxime Jobin 29 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine