GRANDE-BRETAGNE
Editions Gallimard "Du monde entier", 2008
Ian McEwan est le plus grand écrivain anglais contemporain avec Martin Amis. C'est le premier roman que je lis de lui et c'est une belle découverte.
Son dernier roman fait partie des grands romans étrangers de cette rentrée littéraire. Ce titre relate sur moins de 150 pages le fiasco d'une nuit de noce dans l'Angleterre encore très guindée du
début des années 60. C'est très ironique et en même temps d'une grande finesse psychologique. La fin brusque constitue une chute très amère.
"Ils étaient jeunes, instruits, tous les deux vierges avant leur nuit de noces, et ils vivaient en des temps où parler de ses problèmes sexuels était manifestement impossible"
Voila le début qui annonce rapidement la couleur : nous sommes sur le littoral, dans un hôtel proche d'une plage de galets. Défilé des serveurs, repas du soir : les jeunes mariés, Edward et
Florence, ont la gorge qui se noue ; ils touchent à peine à ce qu'il y a dans leur assiette ; et pour cause : le moment fatidique approche ; il vont devoir consommer leur mariage. Or, Edward est
un jeune puceau et visiblement, Florence est plus que dégoûtée par l'acte sexuel....
McEwan dilate ce moment en examinant le plus possible l'intériorité des deux personnages ; ces derniers se parlent davantage à eux-mêmes qu'ils communiquent entre eux. Entre fantasmes et
inhibitions, interdits sociaux, ils tâtonnent, ils hésitent, ils ont peur.
On admirera le brio de la construction : au centre du roman, unité de lieu, de temps et d'action : description du fiasco d'une nuit de noces dans l'Angleterre des années 60. Puis des pauses qui
examinent le passé, l'enfance des deux protagonistes. Enfin, les dernières pages examinent en une rapidité exemplaire tout le déroulé d'une vie sur quarante ans et tous les regrets qui vont
avec.
Tout en insistant sur les interdits sociaux, le conservatisme des mentalités, Mc Ewan parvient brillamment à saisir la psychologie des personnages et à
décrire un magnifique paysage anglais entre landes campagnardes et paysages marins.
Le lecteur hésite toujours entre le rire (l'auteur est très ironique lorsqu'il décrit par exemple le couple qui ne parvient pas à déguster son repas à cause de la peur de "l'après", de même les
situations imprévues décrites pendant la nuit de noce sont très cocasses et burlesques).
Mais finalement, on finit par s'identifier à ces personnages qui subissent le poids de leur éducation ; la sympathie va tantôt à Edward tantôt à Florence ; quant à la conclusion, celle qui clôt
une vie, elle est très amère...
Saluons McEwan d'avoir su brillament traiter un sujet scabreux, si peu traité en littérature, en oscillant toujours entre la farce et l'amertume.