Man on Wire, une des jolies surprises de ce 37e Festival du Nouveau Cinéma, prend l'affiche demain.
Le 7 août 1974, à 7h15 du matin, un homme marchait sur un fil entre les deux tours du World Trade Center. Au même moment, et pour les 45 minutes suivantes, le monde allait s’arrêter de tourner. Et c’était beau. Beau comme seuls peuvent l’être les moments un peu magiques. Beau comme l’ombre d’une silhouette se dessinant dans les airs, à plus de 400 mètres du sol, l’air suspendue dans le vide. Beau comme un instant d’éternité volé à la grande marche implacable de l’univers.
Cet homme, c’était Philippe Petit, funambule illuminé aux rêves de grandeur, pierrot lunaire à la fantaisie irrésistible, visage d’enfant rieur sur corps de chat agile, qui un beau matin se mit en tête l’impossible et le réalisa. Avant, il avait déjà fait l’oiseau entre les toits de la cathédrale Notre-dame de Paris ou encore au dessous d’un pont à Sydney, aidé par une équipe prête à le suivre jusqu’au bout du ciel. Des opérations menées de façon clandestine, illégale, comme le sera celle, plus insensée encore, qui le mènera en haut des deux tours à peine achevées. Mais depuis quand les oiseaux ont-ils besoin d’autorisation?
Il fallait aussi un grain de folie à James Marsh, le réalisateur britannique (Wisconsin Death Trip, The King) pour documenter l’aventure de Petit sans la rendre bêtement illustrative, platement démonstrative. Il fallait de l’audace, de l’inventivité, et un sacré sens du merveilleux pour mêler ainsi entrevues, saisissantes images d’archives et reconstitutions toutes en ombres et lumières et cadrages obliques dignes de meilleurs films noirs, sans jamais en perdre le fil. Tout ça, James Marsh l’a. Et mieux encore. Avec une fascination indéniable, il scrute l’aventure de Petit dans ses moindres détails, sautant lui aussi comme un funambule d’une scène à l’autre, maniant, lui aussi, comme le fou des airs, la poésie la plus légère avec la fantaisie la plus contagieuse.
Au final, son Man on Wire, aussi affolant qu’il est paisible, aussi dur pour le cœur qu’il est doux pour l’esprit, s’avère un morceau de pur enchantement, où la performance est saluée non pour ses possibles conséquences ou ses effets, mais simplement, gratuitement, pour la beauté du geste. Un geste en forme de pied-de-nez à la pesanteur et à la raison. Une grimace clownesque et fantasque faite à la mort devant laquelle le spectateur, ramené à l’état de l’enfant émerveillé, ne peut s’empêcher d’applaudir des deux mains.