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See ! Sacrifice to giant jaw-snapping mollusks ! The first kung-fu horror spectacular ! See it with someone brave - a timeless terror to freeze you to your seat ! Derrière ces accroches tapageuses placardées sur des affiches de films se cachent quelques purs chefs-d'oeuvre du cinéma populaire des années 50 à 70. On les doit tous à la firme britannique Hammer, qui a largement dominé le genre du cinéma d'horreur et d'aventure de l'époque, et a imposé d'immenses acteurs (Peter Cushing et Christopher Lee, évidemment) et de talentueux réalisateurs (Terence Fisher, Val Guest, Jimmy Sangster, entre autres). Elle a touché à tout : films d'horreur, donc, avec les séries de films consacrés à Dracula et Frankenstein, mais également à des créatures de légende comme la Gorgone ou le yéti et d'autres personnages de la littérature (Sherlock Holmes, le Dr. Jekyll), films d'aventures, films historiques (Robin des Bois, Raspoutine), péplums, polars, etc... La plupart des films étaient tournés aux Bray Studios, une vaste maison victorienne située au bord de la Tamise. Ce décor baroque a largement contribué au succès des productions Hammer, ainsi que la volonté de montrer du sang, ce qui n'était guère courant à l'époque. Voici un petit échantillon de films, choisis sans raison particulière, pratiquement tous les films de la Hammer mériteraient d'être cités dans cette rubrique. C'est bien simple, vous me mettez sur une île déserte avec l'intégralité des catalogues Hammer et Shaw Brothers et un Rubik's cube, je suis le plus heureux des hommes (bon, si Line Gost veut venir aussi, j'accepte).
Le peuple des abîmes (The lost continent, 1968, réalisé par Michael Carreras)
Un cargo fatigué quitte un port d'Afrique, poursuivi par une vedette des douanes. Sa destination, un port d'Amérique du Sud. A son bord, des bidons remplis d'un explosif qui ne doit surtout pas être mis en contact avec de l'eau (c'est malin, de l'acheminer par mer...), des rats, la plupart à quatre pattes, mais certains à deux...
La première partie du film fait plutôt dans le film-catastrophe : une tempête est annoncée mais le commandant de bord refuse de rebrousser chemin, avec l'accord de ses passagers, qui ont tous maille à partir avec la justice. Une partie de l'équipage se mutine et quitte le navire. A bord, chaque passager laisse éclater ses bas instincts : égoïsme, alcoolisme, appât du gain, nymphomanie pour l'une des passagères...
La deuxième partie glisse doucement dans le fantastique. Les passagers s'échouent sur une île où se côtoient algues géantes et tentaculaires (hmm, moi je dirais juste de gros tubes en caoutchouc recouverts de la gelée laissée par l'équipe de tournage après le repas de midi à la cantine), crabes et scorpions géants (carton, papier mâché, emballé c'est pesé !), et des descendants des conquistadores menés par El Supremo et qui perpétuent les charmantes traditions de l'Inquisition.
Ce sympathique film d'aventures sans prétention est réalisé par Michael Carreras, fils du créateur de la Hammer, qui en a pris la tête en 1938.
Les Femmes préhistoriques (Prehistoric women, 1967, réalisé par Michael Carreras)
Le film démarre par quelques séquences tirées de reportages animaliers : des éléphants s'abreuvent, des antilopes sautent, des lions bouffent une carcasse, c'est charmant, ça ne coûte pas cher et ça plante le décor. Puis, un abruti de chasseur blanc tire sur un léopard, qu'il manque. L'organisateur du safari, David Marchand, suit les traces de l'animal blessé pour l'achever. Mais il est capturé par une tribu de sauvages, adorateurs d'un mystérieux rhinocéros blanc, qui portent d'ailleurs de splendides masques en carton à l'effigie de leur idole. Alors qu'il est en très mauvaise posture (vous vous doutez bien qu'il l'a offensée, l'idole), un éclair zèbre le ciel, les guerriers qui allaient le transpercer de leur lance se retrouvent paralysés, le très flegmatique David se retrouve projeté dans le passé (pourquoi perdre son flegme, ça arrive tout le temps, non ?). Le passé, et plus exactement la préhistoire. Mais attention, une préhistoire de rêve : il n'y a que des femmes, elles ont des mensurations à faire pâlir de jalousie Adriana Karembeu, elles sont vêtues de morceaux de fourrure découpés dans la peau d'une (petite) marmotte, elles parlent très peu (bon, elles mordent parfois) et, cerise sur le gâteau, il n'y a plus d'hommes dignes de ce nom. Ouaiiiiiiis, quand est-ce qu'on part ? Cette absence cruelle de porteurs de testostérone fait que Kari, la cruelle reine des brunes, jette son dévolu sur l'infortuné (tu parles !) David. Ah oui, j'oubliais, déjà à la préhistoire, les brunes ne comptaient pas pour des prunes. Elles ont même réduit les blondes en esclavage. Et puisqu'on parle de couleur de cheveux, louons l'habileté des coiffeurs de l'époque : toutes les protagonistes ont des brushing parfaits ! Je suis d'ailleurs scandalisé par tous les mensonges que l'on m'a racontés à l'école. Les hommes préhistoriques traçaient maladroitement des dessins avec des morceaux de charbon ? Mon oeil ! Vous verriez la finesse des traits de mascara sur les cils des femmes ! Et je ne parle pas de leurs bijoux, de leurs dagues. Vous l'avez compris, le film prend quelques libertés avec l'Histoire. Mais il reste un excellent divertissement, que nous devons encore à Michael Carreras. Le rôle de David Marchand est joué par Michael Latimer, qui a ensuite semble-t-il fait carrière à la télévision. En tout cas, il n'a pas dû s'ennuyer sur le tournage... Quant à Kari, elle est incarnée par l'ex-reine de beauté jamaïcaine Martine Baswick, que les fans de 007 ont pu admirer dans "Bons baisers de Russie" et "Opération Tonnerre".
La déesse des sables (The vengeance of she, 1968, réalisé par Val Guest)
Un psychiatre en vacances croise la route de Carol, une jeune femme aussi mystérieuse que séduisante, qui est perturbée par un cauchemard récurrent dans lequel elle est Ayecha, la cruelle reine de la cité de Kuma. Il décide de l'accompagner à la recherche de ce lieu légendaire. Au programme, du sable, un traître à barbiche, des soldats romains, du sable, un vieux mage à la peau parcheminée, une flamme qui rend immortel, encore du sable, toujours du sable (ça donne soif tout ça, ne bougez pas, je vais me chercher une canette).
Ce film est la suite/remake de "She", sorti par la Hammer en 1965, avec Ursula Andress. John Richardson, qui est ici l'immortel Killikrates, amoureux transi (pourtant, y a beaucoup de sable) de l'envoûtante Ayecha, était déjà à l'affiche du premier opus. Quant à Olinka Berova, l'actrice tchèque qui incarne Carol/Ayecha, il semble que sa carrière a été plus éphémère que celle de la belle Ursula. Exotisme et beaux paysages sont au rendez-vous de ce film, dont le visionnage vous épargnera de revoir "Allan Quatermain et les mines du roi Salomon" (la comparaison n'est pas gratuite, le scénario des deux oeuvres est tiré des romans de H. Rider Haggard.
Dracula et les femmes (Dracula has risen from the grave, 1968, réalisé par Freddie Francis)
Impossible de parler de la Hammer sans évoquer l'un des nombreux films qu'elle a consacrés à ce boit-sans-soif de Dracula. Celui-ci démarre dans un petit village d'Europe de l'Est qui vit dans l'ombre terrifiante du château du comte sanguinaire, pourtant décédé un an plus tôt. Mais on ne peut pas se débarrasser vraiment du comte Dracula (pour vous donner une idée de la difficulté, c'est un peu comme essayer de virer Cauet de la télé). L'évêque du coin, venu exorciser le château, ne fait que réveiller le vampire qui, pas content du tout que l'homme d'église ait collé une grande croix sur la porte de sa demeure (il est comme vous et moi, Dracul, il aime bien faire sa déco lui-même) veut se venger. Il saute dans son camping-corbillard (quand on a des exigences en matière de literie, mieux vaut se trimballer son propre cercueil) et il part à la ville retrouver l'évêque. Mais celui-ci a une nièce, aussi blonde que pure, amoureuse d'un gentil étudiant qui finance ses études en travaillant dans une auberge (on se croirait dans "La petite maison dans la prairie" pour le coup). La diabolique créature à la longue cape n'aura alors qu'un but : planter ses canines pointues dans le cou gracile de la jeune fille (l'étudiant, lui, aimerait planter autre chose ailleurs, mais c'est une autre histoire...).
Christopher Lee est Dracula, est-il besoin d'en dire plus ?
Le redoutable homme des neiges (The abominable snowman, 1957, réalisé par Val Guest)
Allez, terminons cette trop courte série consacrée à la Hammer par un film magnifique, tant par sa photographie que par son scénario. Le film est en noir et blanc (on ne s'en aperçoit pas vraiment, ça se passe dans la neige). Il raconte l'expédition d'un groupe d'hommes qui partent d'un monastère de l'Himalaya pour se lancer à la recherche de cette mythique créature qu'est le yéti. Certains sont animés de nobles sentiments, comme le docteur Rollason (joué par l'immense Peter Cushing, dont le nom est indisociable de la Hammer, il est apparu dans des dizaines de ses films), d'autres ne sont attirés que par l'appât du gain et veulent attraper ce pauvre big-foot pour l'exhiber dans des zoos. Ce King Kong dans l'Himalaya est une vraie réussite, qui délivre un message fort, et qui donne presque envie d'aller faire une retraite chez les moines du Tibet (mais si, vous vous rappelez, même si les JO sont passés : ceux qui sont font copieusement matraquer par des policiers chinois...). On le doit à Val Guest qui, pour la petite histoire, a travaillé, une quinzaine d'années plus tard, sur "Amicalement vôtre".