Slurp in Geneva (3): Grand Cour magistral à Peissy

Par Olif

Une rencontre avec Jean-Pierre Pellegrin est un moment rare dont il faut savoir profiter. Nous ne tombons pourtant pas au mieux, il était fébrile le matin et a néanmoins passé une journée difficile dans les vignes. Avec Nicolas Bonnet et Jean-Michel Novelle, il constitue le trio d’élite de la viticulture genevoise. Véritable tête chercheuse, avec une approche du vin très novatrice, il se remet en question perpétuellement, anxieux à l’idée de ne pas toujours proposer le meilleur vin qui soit, mais n’hésite pas à faire preuve d’audace dans ses vinifications, limitant, voire excluant complètement le soufre, et recourant de façon de plus en plus importante à l’utilisation d’œufs béton (qu’il appelle amphores), un investissement important qui se fait petit à petit, au fil des ans. Lui aussi vient de planter du Savagnin, le Jura, c’est la grosse cote du moment, en terroir genevois !  Les convalescents enfilent une polaire et on se dirige illico à la cave, le temps qui nous est imparti se restreint car nous devons encore visiter la cuisine d’un grand chef genevois.

-    Chardonnay 2006 : goûté dans différentes versions destinées à être assemblées. Prélevé sur œuf béton, c’est un vin complet, floral (fleur blanche, chèvrefeuille), fruité et minéral (craie), qui gagne encore en pureté dans sa version sans soufre. Sur fût, le boisé marque à peine, apportant du gras et des notes de fruits exotiques, mais le vin reste frais. Le nez est plus en retrait sur un fût de deux vins. Un vin qui promet d’être particulièrement intéressant à la fin de l’élevage.

-    Sauvignon 2006 : beau nez de sauvignon bien mûr, sur les agrumes et les fruits exotiques, avec de la fraîcheur et du gras.

-    Viognier 2006 : en œuf béton, fin, frais et parfumé ; en fût, la structure possède plus de gras.

-    Pinot noir 2006: ici aussi, plusieurs versions du même vin vont être dégustées. Premier fût grains entiers, égrappé, léger pigeage : nez réglissé, tanins croquants. Deuxième fût vendange entière sans soufre : superbe nez très « jus de fruit », bouche baroque, superbe, fruité explosif. Assemblage des deux: le nez part sur la cerise, un vin tout en finesse et élégance.

-    Gamaret 2006 : un cépage à réputation rustique traité ici « en gants de soie ». La robe est sombre, les tanins sont plutôt fins et soyeux, sur des notes de fruits noirs.

 Syrah 2006 : de la concentration, du volume et de la fraîcheur.

-    Cabernet franc 2006 : une petite boule de fruit toute ronde, bien concentrée, charnue, affriolante. Très beau vin !

-    Cabernet sauvignon 2006 : issu de vignes plus jeunes. Joli grain, belle matière.

Passage au caveau, pour une dégustation de 2006 en bouteilles, assemblés pour l’occasion :

-    Chardonnay 2006, assemblage amphore et fût : petite note lactique, caramel, avec de la noisette. Frais, tonique et acidulé.

-    Sauvignon 2006, assemblage amphore et fût : nez très aromatique, sur le fruit. Le vin s’est enveloppé, a perdu un peu de sa vivacité, sans pour autant sombrer dans la mollesse.

-    Viognier 2006, assemblage amphore et fût : bouche fruitée et agréable, tonique, rehaussée par une pointe de gaz résiduel.

-    Merlot 2006 : une bête curieuse en phase de soins ! Il titre 15°, n’a jamais vu de soufre et n’a pas réussi à terminer sa fermentation malolactique. Nez sur la banane séchée, grande acidité en bouche, tanins marqués en finale. Pour l’instant, possède des airs d’amarone, mais il est encore loin d’avoir terminé son élevage !

Une approche du vin vraiment passionnante, qui mérite qu'on s'y arrête. Ici aussi, la clientèle de fidèles est privilégiée, mais les volumes produits permettent une meilleure distribution des vins. Un magistral Grand Cour, par Jean-Pierre Pellegrin.

Olif