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Trois Fermiers S'en Vont Au Bal - Richard Powers

Par Woland

Three farmers on their way to a dance Traduction : Jean-Yves Pellegrin

Richard Powers a eu l'idée de répartir son intrigue sur trois plans. D'où les longueurs et l'impression parfois poussive de ce roman constituant par ailleurs une réflexion des plus intéressantes sur l'Histoire et son implication dans la vie des particuliers.

Le premier plan, par lequel débute le roman, est le point de vue du narrateur. Celui-ci, en escale à Detroit entre deux trains, se rend à l'Institut d'Art moderne de la ville où il contemple, dans toute sa gloire, la fresque impérissable commandée par Henry Ford à Diego Rivera. Alors qu'il s'en revient vers la sortie, son regard tombe sur une photo, celle de trois jeunes Européens sur leur trente-et-un et fixant l'objectif par un jour de mai 1914.

Pour on ne sait trop quelles raisons précises - mais on se doute que le phénomène est relié au "portrait" de Detroit peint par Rivera et à celui d'Henry Ford lui-même, s'affichant dans un coin de l'oeuvre du grand peintre mexicain avec, sur le visage, comme Powers prend bien garde de le spécifier, une expression "de bienveillance et de cupidité." Désormais, le narrateur n'aura de cesse de retrouver les personnages de la photo et, à défaut de les retrouver réellement dans les archives conservées, de recréer leur histoire, indissolublement liée à l'intense accélération technologique qui, en bien comme en mal, a marqué le XXème siècle.

Le deuxième plan nous plonge directement dans la photographie elle-même, ou plutôt dans cet après-midi de mai 1914 où les trois jeunes gens rencontrent sur une route du Westerwald, dans le Limbourg, le photographe August Sander, lequel, en fixant leur image sur la pellicule et en leur remettant une épreuve de ses tirages, va si bien leur permettre de survivre à la tempête de l'Histoire qu'il y aura un jour, à l'aube du XXIème siècle, un écrivain américain désireux d'improviser à leur sujet un touffu pavé de plus de cinq cents pages.

En les suivant dans leurs pérégrinations au-delà de cet après-midi de mai, nous en verrons disparaître deux, avalés et digérés par le conflit. Le dernier - le personnage central de la photo d'ailleurs - qui est aussi le plus cynique, le plus amoral, finira par nous mener à Henry Ford.

Quant au troisième plan, il nous ramène justement à l'époque contemporaine, où Peter Mays, rédacteur technique pour une revue traitant surtout d'informatique, est fasciné par la silhouette anachronique d'une jeune femme rousse, habillée comme on l'était dans les années 1910 et brandissant, semble-t-il, une clarinette, qu'il distingue sur un char du défilé organisé à New-York pour célébrer les anciens combattants de la Grande guerre.

Littéralement obsédé par la chevelure rousse de la dame, Mays va mettre tout en oeuvre pour la retrouver et sa recherche aboutira, elle aussi, à Henry Ford tout en lui révélant, de façon inattendue, beaucoup de choses sur sa propre famille.__

Bien qu'un peu lente, la mécanique se révèle solide et suit un tracé d'une logique convaincante. Les moments où Powers - qui, soit-dit en passant, fait preuve d'une connaissance de l'Europe bien rare chez un auteur américain - détaille l'Histoire de la Grande guerre et l'assortit d'une réflexion passionnante sur le développement des différentes technologies modernes, sont ceux que j'ai préférés. En effet, aucun des personnages ne m'a vraiment "accrochée." Pour moi, ils sont là pour la démonstration de l'auteur et rien de plus. Peter Schreck m'a même paru très antipathique.

Un premier roman qui, malgré sa lourdeur et ses maladresses perceptibles, donne envie de lire autre chose de Richard Powers - un premier roman qui, par conséquent, a fait son travail mais que je ne pense pas relire jamais. ;o)


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