Puisque Manu en parle dans son avis sur la question, je me suis dit que c'était le moment de ressortir ma critique de Rize écrite pour FilmDeCulte en 2005 lors de sa sortie ciné.
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Rize
USA, 2005
Réalisation: David LaChapelle
Chorégraphies: Cast
1992, à la suite de l’affaire Rodney King, des émeutes raciales éclatent à South Central, Los Angeles. Pour se relever du chaos ambiant, Tommy the Clown invente le clown dancing. Dix ans plus tard le photographe David Lachapelle revient sous forme de documentaire sur ce nouveau courant de danse et son dérivé, le krump.
IL Y A DE L’ORAGE DANS L’AIR
En compétition aux éditions 2005 des festivals de Sundance et Tribeca, c’est par la porte de Deauville que Rize fait son entrée sur notre territoire. Sur fond bleu et jaune, apportant dans ses valises la chaleur de l’été californien, le krump déboule sur nos écrans muscles saillants et toutes dents dehors pour conquérir un public encore novice. Années soixante, Martin Luther King ouvre le bal dans sa lutte pour les droits civiques des noirs américains. La pellicule se déroule sur un Los Angeles de flammes et de gravats. Quarante ans plus tard, tout semble être resté à l’identique. Mêmes voitures carbonisées en fond, mêmes personnes passées à tabac au premier plan. Il y a pourtant quelque chose de changé dans cette scène version 2002. La caméra se rapproche. Aucune arme dans les mains de ces femmes, simplement leurs paumes s’étalant avec ardeur sur un dos courbé. Aucune larme, aucun cri, simplement un sourire moqueur sur le visage de la victime. L’objectif filme les corps, leurs mouvements, leurs muscles tendus et l’extrême violence qui s’en dégage. Le krump se découvre intelligemment sous nos yeux dans une analogie évidente. David Lachapelle a posé les jalons, l’historique de ce nouveau courant de danse peut commencer.
SEUL LE CIEL POUR LIMITE
Fort de sa carrière de photographe émérite, c’est au travers d’un gros travail de cadrages précis et finement étudiés que le réalisateur nous fait visiter l’univers de South Central. D’inserts sur le visage maquillé de Tommy The Clown en plans larges sur Dragon et sa bande se défiant dans une arrière-cour, il traverse les familles, leurs foyers, capte leurs témoignages. Comment le clowning est-il né? En quoi le krump en est-il le dérivé? Quelles sont les principales différences entre ces deux styles? Mais surtout, quel en a été l’impact sur cette jeune population? Si David Lachapelle s’attarde parfois sur quelques instants larmoyants un peu trop clichés ou du moins convenus, c’est pour faire repartir la machine de plus belle dans des séquences de danse d’une grande intensité. On retiendra en particulier la scène dans la Battle zone, où s’affrontent Clowns et Krumpers dans une rage corporelle à la vivacité inouïe. Remarquablement filmée et montée, cette joute dansée se place comme le point d’orgue du film, démontrant en une petite dizaine de minutes tous les tenants et aboutissants de cette nouvelle forme d’expression. Batte de base-ball à la main, mini-jupes de pompom girls et maquillages pailletés, ces gangs du XXIe siècle ont choisi pour seule arme le mouvement dans sa forme la plus brute.
Note: