Qui veut ma cathédrale ? Elle est belle...

Cliché I. Rambaud,
Portail de la cathédrale de Strasbourg.
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) vient de remettre au ministère de la culture qui l'a globalement approuvé un avis de 4 pages sur "Une nouvelle dynamique pour les politiques de conservation du patrimoine monumental".
Dans ce rapport rédigé par M. Jean-Jacques Aillagon, dont on connaît la carrière, il n'est pas sûr que de "nouvelles idées" aient véritablement vu le jour. Après le constat classique de "péril sanitaire" (sic) de nombreux monuments et de la faiblesse des crédits qui leur sont alloués, l'auteur en appelle "à déterminer comment renforcer l’efficacité de la protection de nos monuments, par une clarification de leur propriété, quand elle est publique, et la conduite des politiques de protection au plus près des territoires. Il s’interroge également sur les réponses à apporter au besoin urgent de ressources financières plus importantes et stables, en privilégiant les synergies entre les différents modes de financement".
Coordination, éducation au patrimoine, généralisation du taux de TVA réduit de 5,5 % pour les travaux sur les monuments historiques, contribution d’intérêt général instaurée sur les jeux de loterie, possible partage de la décision de protection, transfert de propriété de monuments... tout ceci a déjà été proposé au fil des dernières années, en particulier sur le dernier point par la Commission Rémond en 2003.
La nouveauté réside sans doute dans une proposition qui concerne les cathédrales (propriété de l'Etat depuis la loi de 1905) et qui a déjà fait réagir (Patrimoine en blog par exemple).
La proposition est la suivante : "Leur affectation à l’État résulte ... d’un critère purement religieux : leur fonction de siège épiscopal. Un transfert de ces monuments aux départements ou aux régions pourrait être examiné, l’État pouvant conserver la propriété de certaines d’entre elles pour des motifs par exemple liés à l’histoire nationale. Il « adopterait », en contrepartie de ces transferts, d’autres édifices en raison de leur caractère particulièrement remarquable".
Transfert ou "adoption" ? Peu importe, le débat n'est pas dans le langage mais bien dans l'intention, à savoir que l'Etat, jusqu'à présent propriétaire et donc chargé de l'entretien des cathédrales, imagine que les collectivités territoriales prennent le relais comme elles ont pu le faire avec d'autres monuments.
On sait au demeurant le peu de succès de la mesure dont quasi seul le château du Haut-Koenigsbourg a été bénéficiaire en raison de son rayonnement et de ses recettes particulièrement attractives (2006).
Que je sache, une cathédrale ne se visite pas moyennant finances, du moins pas encore. Alors quel intérêt une collectivité aurait-elle à "prendre en charge" un tel monument sans en avoir de "retombées" sonnantes et trébuchantes ? Pour la seule gloire du patrimoine ? L'Etat n'est-il pas dans ce cas pleinement dans son rôle ?

Claude Monet. La cathédrale de Rouen.Le portail et la tour St-Romain,plein soleil.Harmonie bleue et or, 1894. Au demeurant, l'Etat "garderait" les cathédrales les plus symboliques de "l'histoire nationale", par exemple sans doute Reims (les sacres ?), Chartres (les vitraux ?), Strasbourg (l'Alsace française ?), Rouen (Monet ?)... mais proposerait les autres, c'est-à dire en fait celles qui n'auraient pas d'envergure nationale mais qui coûtent quand même avec comme monnaie d'échange des "monuments remarquables" que l'Etat prendrait en contrepartie.
Au moment où la France préside l'Union européenne, il est bien étrange de remarquer que les cathédrales, témoignage s'il en est d'une architecture européenne qui doit faire la fierté de la nation, pourraient être proposées en pièces détachées à l'adoption de collectivités qui n'ont rien demandé, surtout pas de se voir attribuer les laissées pour compte et les plus modestes d'entre elles, celles de rang régional ou communal (?) qu'il faudra bien néanmoins ravaler, restaurer et entretenir !Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !