Le célèbre portrait du Doge Leonardo Loredan réalisé par Giovanni Bellini (National Gallery - Londres) m'a toujours interpelé par son caractère "désincarné". Comme dans le cas de la peinture flamande de la même époque (XVème / XVIème siècles), la volonté d'hyperréalisme du maître vénitien dans le rendu des étoffes et ce fameux "sfumante" (fondu) dans la composition générale, conduisent à un mélange singulier de représentation très fidèle du réel et de sensation... d'irréalité. La posture statique sur un fond bleu uni dégradé, le traitement pictural dominé par un glacis très précis, me font irrémédiablement penser à ... Magritte.
Le Doge vénitien, hiératique et figé, me rappelle aussi bien Le fils de l'homme que L'homme au chapon melon du peintre surréaliste belge.
Les uns comme les autres semblent venir d'un monde onirique et inquiétant.Dans cette petite note, j'ai même poussé la provocation à masquer le visage du Doge d'un nuage magrittien pour voir jusqu'où pouvait se situer la ressemblance. On semble alors basculer également dans l'univers pictural décalé d'un Terry Gilliam avec son Flying Circus. Je m'arrête là au risque de porter blasphème à l'un des plus grands maîtres de la Renaissance vénitienne. Je suis sûr que vous me pardonnerez ces digressions !