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Reigisahô, l’étiquette Le prix du sens

Publié le 27 octobre 2008 par Julien Peltier

Reigisahô, l’étiquette prix sens

L'étude du Budô commence par l'étude du Reigisahô, l’étiquette. Comme dans la plupart des arts traditionnels japonais, l’étiquette constitue une composante essentielle du Budô de l’école Takeda. Vu par le profane, cela ressemble fort à un comportement ritualisé, voire sectaire. Aussi, quelques années sont-elles nécessaires pour en comprendre le sens profond, et replacer le Reigisahô au coeur même de l’apprentissage du Budô.

« Rei ni hajimari, rei ni owaru! »
Commencer avec REI, finir avec REI!
Pour le néophyte, l’étiquette se résume souvent à une série de saluts à exécuter tout au long du cours, certains élèves pouvant même y trouver un caractère ridicule. Mais limiter le Reigisahô à cette chorégraphie n’aurait aucun sens. Rei (le respect, au sens de gratitude), Gi (la loi, ou plutôt les règles pour une pratique correcte qui mène à un savoir-faire, le cérémonial), Sahô (l’étiquette, la manière = 作; le travail et 法; la loi) tout est inscrit dans ces quatre kanji !

Article : Reigisahô, l’étiquette

Rei constitue le fond, c’est la dimension éthique, celle qui permet d’améliorer la relation aux autres, d’être honnête face à soi-même. Il est curieux de voir le nombre de pratiquants (quel que soit leur niveau) confondre leurs propres conflits personnels et la pratique du Budô. Gi représente la forme. Par son attitude, sa posture, le Budoka exprime sa droiture et sa sincérité. Ce qu’il est réellement et non ce qu’il veut paraître. Comme le dit souvent Kobilza Senseï « nous sommes ce que nous sommes, et non ce à quoi nous voulons ressembler ! ». Faire ce que l’on dit, rester clair dans ses choix et les assumer n’est jamais chose aisée. Sahô est la mise en pratique (la méthode).
Intégrer ces fondamentaux pour qu’ils deviennent naturellement une partie de soi-même revient à la partie dynamique de l’éducation, apprendre par l’acte, un travail qui ne finira jamais ! Forger son âme (comme la lame d’un sabre) prends du temps. Cela nécessite de la sueur et quelquefois de la frustration. Il faut souvent reprendre le geste à la base, recommencer après plusieurs échecs, pour voir une petite amélioration. Ce n’est que par ce travail ardu et continu que nous pourrons appréhender l’essence même du Budô. Le polissage en constitue l’élément ultime. Un manque de patience pourrait tout réduire à néant.
Reigisahô dans et par la pratique de notre Budo Takeda
Le Reigisahô comporte divers aspects, touchant aussi bien à la tenue vestimentaire, au comportement, à la position vis-à-vis des autres qu’à l’attention. L’on pourrait aisément associer le mauvais comportement d’un enfant au manque d’éducation que lui ont donné ses parents ; il en serait certainement de même concernant le reflet que certains élèves donneraient de leur professeur. Comme pour l’éducation, le Reigisahô ne consiste pas en l’application de règles rigides, destinés à soumettre les autres. Il réside davantage dans l’apprentissage d’outils permettant l’amélioration individuelle.
Article : Reigisahô, l’étiquette
© Southern Aikido Connection
Le salut commence par savoir se situer dans le Dojô (littéralement : lieu où l’on étudie la voie). La disposition obéit à la règle du Sempaï-Kohaï. Les pratiquants sont disposés en ligne face au Shomen (lit : mur d’en face ou principal, pouvant aussi être nommé Shinzen ou Kamiza) en respectant l’ordre du Sempaï (le plus ancien) au Kohaï (le nouvel arrivant), se situant logiquement le plus proche de l’entrée d’un dojô traditionnel. Les assistants se retrouvant perpendiculairement à droite, tandis que les professeurs principaux et le kanchô (responsable du Dojô) prennent place dos au Shomen. Ceci à pour avantage de présenter d’office l’ensemble des pratiquants au nouvel arrivant (celui-ci pouvant se référer au sempaï le plus proche pour son apprentissage, et ainsi de suite jusqu’à parvenir au plus expérimenté).
Ceci sous-entend que le Sempaï cherche constamment à s’améliorer, autant dans son attitude que dans sa posture. Être Sempai ne consiste pas à vouloir affirmer sa suprématie sur son Kohaï par un comportement arrogant ou vaniteux. Il n’est pas non plus sensé inonder son Kohaï de conseils servant de faire-valoir. Son attitude suffit en elle-même pour servir de référence, Kohaï pourra très facilement comprendre que la justesse du geste, des mots, de la posture de son prédécesseur seront autant de soutiens essentiels à son apprentissage. Il pourra avoir confiance dans l’attitude à la fois solide et bienveillante de son partenaire plus expérimenté.
Furinkasan
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La parole aux pratiquants
« Pour moi, l'étiquette se déroule aussi avant l'entrée sur le tatami!
Le rituel de l'habillage au vestiaire, la manière de nouer sa ceinture, de revêtir son hakama....
L'étiquette est aussi une marque de respect, vis-à-vis des un et des autres, vis-à-vis de l'école et de tous ceux qui sont passés avant nous. Pour ma part, l'étiquette est permanente, le sas de passage de la vie de tous les jours au tamis constitué par le vestiaire me permet de déjà commencer la concentration et la préparation au cours qui arrive. En tant que Senseï, être à l'écoute des éléments de la nature, de l'état de santé des élèves, de la manière dont le cours démarre, fait aussi partie de l'étiquette.
D’une manière générale, mais aussi suivant la sensibilité de chacun, et par la perception que chacun d’entre nous a des arts martiaux, l’étiquette constitue un tout. L’étiquette est permanente, elle est aussi une frontière, permettant de remercier aussi les Senseï, les assistants de leur savoir, de ce qu’ils sont venu transmettre. Le revers de l’étiquette est de la mettre trop en avant, au risque de froisser la sensibilité des personnes, de la laisser apparaître comme de l’autorité à caractère militaire, ou de laisser craindre que le Senseï ne se prenne trop au sérieux, pour le centre du monde……C’est un juste équilibre ».

Alain Saudadier Senseï (3ème Dan Takeda Budo)
« L’organisation du dojo reste importante à mes yeux : Le dojo est le lieu où l'on étudie la voie. On y pratique, on y médite. Comme tous les lieux sacrés, le dojo est orienté de manière précise et le comportement y est ritualisé. Les quatre murs du dojo ont une fonction symbolique. Le kamiza, à l'est : c'est le mur d'honneur où siègent les divinités protectrices shinto (kami), et aussi, en ce qui nous concerne, les idéaux des samouraïs du clan Takeda : Furinkasan. Cela signifie que les hommes peuvent avoir l'humilité de s'incliner les uns devant les autres et rappelle à celui qui dirige le cours, que sa fonction est de transmettre un art qui a commencé bien avant lui.
Face au kamiza, c'est le shimoza, le lieu où se placent les élèves. Les plus gradés s'installent à droite, face au professeur qui tourne le dos au kamiza. Le joseki, c'est une place de rang élevé. On a vu que les élèves les plus anciens assis au shimoza sont proches du joseki. Il est possible, de faire placer au joseki un ou plusieurs assistants dont le rang est très supérieur à celui des élèves assis au shimoza. C'est une place honorifique. Enfin, le lieu où l'on fait s'asseoir les visiteurs ou invités s'appelle le «shimoseki». Arriver dans un dojo, c'est avant tout accepter et respecter un rituel, qui fait partie de la pratique. À l'entrée, comme à la sortie, on s'incline en salut debout. On s'incline de même avant et après tout travail avec un partenaire sur le tatami. Il nécessite une rigueur d'exécution, car il s'agit d'une transition qui permet de s'harmoniser à l'atmosphère du dojo. Le salut est un acte d'engagement envers soi-même, les autres pratiquants et le Maître.
Le salut est un geste de respect pour les autres et pour les lieux où l'on pratique. Il est un signe de reconnaissance pour ceux qui ont pratiqué avant nous !»

Nicolas Camps (3ème Kyu, étudiant en Takeda Budo)
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