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Incendies de Wajdi Mouawad

Par Sylvie
Théâtre de la Colline du 8 octobre au 2 novembre 2008
Incendies
Actes Sud Papiers, 2003
J'avais découvert Wajdi Mouawad en lisant Forêts  l'année dernière . Je viens de voir la mise en scène de Stanislas Nordey et surtout un autre grand texte de Mouawad, Incendies; 3h20 de toute beauté qui filent à toute vitesse...

On y retrouve le même goût pour l'épopée, le tragique, l'extrême violence et le mélange de la petite et de la grande Histoire, de l'intime et de l'épopée. Mais centrée surtout sur un personnage féminin, l'intrigue est moins alambiquée.
Incontestablement, cette pièce est un chef d'oeuvre. Mouawad est sans conteste l'une ou la plus grande voix du théâtre contemporain français. Dans un registre de langues très riche, il mêle le trivial au tragique, l'intime à la bouffonnerie. Et dans une fin sublime, il réunit les contraires en abolissant tout manichéisme...
Cette pièce, qui de même que Forêts, fait partie d'une trilogie. On y retrouve donc les mêmes thèmes et en premier lieu la quête des origines.
De nos jours, un notaire ouvre le testament de Nawal, 60 ans, qui vient de mourir devant ses deux enfants, les jumeaux, Jeanne et Simon. Celle qui n'a plus parlé depuis cinq ans livre deux lettres à Jeanne et à Simon, l'une pour leur père, l'une pour leur frère. eux qui croyaient que leur père était mort et qu'ils n'avaient pas de frère. Ils vont donc partir à la recherche de leur origine, contre leur gré. Origine qui va les mener jusqu au Liban, en pleine guerre civile, dans les années 70.
La pièce s'annonce comme une formidable remontée dans le temps et un magique récit à suspense...
Nous voici donc trente ans plus tôt dans un village du Liban. Nawal, qui vient d'accoucher d'un fils illégitime, est contrainte d'abandonner son enfant. Sa grand-mère mourante lui conseille de partir et d'apprendre à lire, écrire et compter. Nawal lui promet de retrouver son fils et aussi de revenir au village pour graver son nom sur sa tombe.
Incendies de Wajdi Mouawad
Puis vient le temps de la guerre civile. Nawal erre dans les villages où sévit l'armée, elle tue ...Vient toute une série de malheurs et violences dignes des tragédies antiques. Meurtres, viols, incestes se succèdent...
Entre chaque scène, Jeanne et Simon découvrent un chapitre supplémentaire de la vie méconnue de leur mère. Pourquoi n'a-t-elle pas reparlé après avoir témoigné au Tribunal de La Haye il y a cinq ans ? Les deux jumeaux vont découvrir l'invraisemblable, le comble de l'horreur mais aussi le sublime, l'abolition des contraires.
D'où vient le génie de Mouawad ?
On peut d'abord parler d'une théâtre épique qui rejoint véritablement le conte et le romanesque. Il met le récit, l'histoire au centre de sa dramaturgie en nous racontant des vies sur 40 ans, dans une multiplicité de lieux et et de temps. On passe d'un cabinet notarial à une prison, d'un amphithéâtre universitaire à un tribunal international, d'un terrain de boxe à des champs de bataille. L'intrigue est si riche, foisonnante que nous avons l'impression de voir, d'entendre un roman. De la naissance à la mort, c'est tout le trajet d'une vie universelle qui nous est conté.
Il y a aussi cette langue si riche qui va de l'incantation à l'épopée, de l'intime au plus trivial. Lorsque le texte atteint l'horreur la plus crue, l'humour revient au galop. Ainsi, le notaire joue le rôle du bouffon, chargé d'introduire une note burlesque dans ce contre très noir. Un snipper se met à chanter du Supertramps...
Avec ces jeux de mots, ces éclats de rire, on est pas loin du théâtre shakespearien qui lie le burlesque au tragique. Les lamentations peuvent êtres succédées par de véritables cris de colère triviaux ; la poésie côtoie le trivial et le rire.
Enfin, nous atteignons le sublime lorsqu'à la fin, la beauté et l'horreur, la haine et l'amour se confondent...Mais chut ! Ne dévoilons pas tout. On est bien là sans conteste en présence d'un pur chef d'oeuvre.
La mise en scène de Nordey est minimale, vaste hangar avec extincteurs où les personnages sont habillés en blanc ou en noir. Ce minimalisme fait ressortir la beauté du texte mais on regrette cependant que la multiplicité des lieux et des temps évoqués dans la pièce n'ait pas donné lieu à plus d'audace dans la mise en scène !



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LES COMMENTAIRES (1)

Par Michael Ange
posté le 15 février à 20:48
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Ouais ben je préfère quand même ma critique mais si celle-ci est assurément très complète lol

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