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W. - l'improbable président

Par Rob Gordon

W. - l'improbable président

Bonne nouvelle : il n'est nul besoin de comparer le dernier Oliver Stone à l'ennuyeux bout-à-bout de Michel Royer et Karl Zéro (Being W.) pour se rendre compte de sa réussite. Après quelques films bien en-dessous de sa forme habituelle, Stone revient avec un portrait féroce et finaud de celui qui fut le maître du monde entre 2000 et 2008. Connaissant la lourdeur du réalisateur lorsqu'il se livre à des attaques à charge bien frontales, il était permis de craindre que W. ne soit qu'une gigantesque moquerie de deux heures, une critique sans nuance de son bilan et de sa personnalité. Craintes qui semblent fondées au départ, Stone ne nous épargnant aucun des petits détails qui firent le bonheur des bêtisiers et des journaux satiriques. Même la célèbre affaire du bretzel a droit à sa petite scène. Mais après ces débuts un peu horripilants, le film redresse rapidement la barre, s'intéressant de plus près à la personnalité de ce type si observé et pourtant si énigmatique. Comment un type semblant aussi stupide a-t-il pu accéder à de si hautes fonctions ? Quelle fut l'influence de son illustre géniteur ? Et au fait, est-il si idiot que cela ?
Entremêlant ses années de présidence et les nombreuses étapes qui le menèrent à la Maison Blanche, le film montre en fait un George W. Bush plus complexe qu'il n'y paraît. Vivant mal le fait de vivre dans l'ombre de son père et de son frère Jeb, cherchant désespérément à faire quelque chose de bien de sa vie. Puis, une fois entré en politique, utilisant son apparente maladresse pour séduire l'électeur et arriver à ses fins. Évidemment, Stone méprise cet homme, mais ne peut s'empêcher de croquer ses travers avec une tendresse teintée de compréhension. Jamais le film n'excuse l'abominable politique menée pendant huit ans, mais il propose néanmoins quelques informations permettant de comprendre comment les États-Unis ont pu en arriver là. Le plus stupéfiant concerne la fameuse période pendant laquelle Bush et ses sbires tentèrent de faire croire à la présence d'armes de destruction massives en Irak : une longue et captivante scène de réunion montre le président prenant les choses en main, expliquant avec sincérité pourquoi il faut entrer en guerre, déballant ses convictions avec une ferveur certes effrayante (surtout lorsqu'il mêle politique et religion) mais également très touchante. Finement joué.
Pour croire à ce Bush-là, il fallait évidemment un acteur de première bourre, et Josh Brolin en est un, livrant une prestation personnelle et engagée. Les autres sont à l'unisson, avec notamment un Jeffrey Wright génial en Colin Powell. Excellemment dialogué (l'humour est partout), offensif mais pas impitoyable, W. est en tout cas un très bon bilan de huit années à peu près révolues, et signe le retour dans le droit chemin d'un Oliver Stone qu'on pensait perdu à jamais dans les décombres de son World trade center.
7/10


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