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Les Braves Gens Ne Courent Pas Les Rues - Flannery O'Connor

Par Woland

A good man is hard to find Traduction : Henri Morisset

Un recueil de dix nouvelles qui démarre très, très fort avec celle qui donne son titre à l'ouvrage. Tout commence pourtant en douceur, avec une paisible famille de fermiers qui a pour projet un petit voyage en Floride. La grand-mère, femme rigolote et avisée, y est seule hostile : elle en tient pour le Tennessee qu'elle n'a pas vu depuis des années. Elle fait donc des pieds et des mains pour que son fils, Bailey, de guerre lasse, se résolve à suivre son avis. Et c'est bien ce qui arrive. Mais la fin de l'histoire prouve en effet que "les braves gens ne courent pas les rues", encore moins les routes du Sud et que, sur celles-ci, on peut croiser de bien méchants loups ...

Bien entendu, après un texte de cette puissance qui a, de surcroît, l'avantage d'un style tranquille et matois, écrasant de naturel, le lecteur se dit qu'il ne pourra obtenir mieux des nouvelles suivantes. Mais Flannery O'Connor poursuit allègrement la peinture d'un univers fait de petites gens souvent très simples et qui, à des problèmes simples, trouvent des solutions tout aussi simples mais aussi bien cruelles.

Dans "Le Fleuve", Bevel, un jeune garçon impressionné par l'un de ces baptêmes en plein air qu'affectionnent certains prédicateurs, va droit à la noyade sans même en avoir conscience.

"C'est peut-être votre vie que vous sauvez" raconte les tribulations opportunistes de Mr Shiftlet, mi-ouvrier agricole, mi-vagabond, qui accepte d'épouser la fille attardée d'une vieille fermière avant d'abandonner la malheureuse à l'une des étapes de leur voyage de noces.

"Un heureux événement" décrit de façon très noire les angoisses d'une femme enceinte. "Les Temples du Saint-Esprit" revient à ce mélange de spectacle de foire et de religiosité quasi hystérique que sont les prêches américains.

"Le Nègre factice" - la plus attendrissante de ces nouvelles sans doute - s'attache au périlleux voyage de deux ruraux, le grand-père et son petit-fils, perdus dans les méandres de la Ville. "Un Cercle de Feu" voit de petits voyous tenter de mettre le feu à une ferme sudiste. Quant à "Tardive rencontre avec l'ennemi", drôle et ironique, elle nous fait assister aux derniers instants d'un centenaire qui a connu l'armée confédérée et a même fait de la figuration sur le plateau de tournage d'"Autant en emporte le vent."

Mention spéciale à "Braves gens de la campagne", où un curieux VRP tente de séduire une jeune femme amputée d'une jambe et s'enfuit avec sa prothèse, et aussi à "La Personne Déplacée", variation habile sur le thème du racisme et de la différence qui fait peur.

La subtilité de Flannery O'Connor, sa roublardise suis-je tentée d'écrire, le ton narquois que l'on perçoit à l'arrière-plan de chacun de ces textes ne laissent certainement pas indifférent. Pourtant, lors d'une première lecture, certains passeront peut-être à côté de tout cela.

En effet, les personnages qu'elle nous dépeint sont rarement sympathiques même si elle ne porte pas de jugement de valeur sur eux. Tous ont quelque chose qui cloche : une idée fixe, un défaut d'empathie, un égoïsme forcené, le désir de profiter de tout sans rien donner, voire une perversion réelle quand la peur de perdre leur situation ne les pousse pas finalement au crime.

Bref, ce ne sont pas des héros. Ils sont terriblement humains certes mais le moins que l'on puisse dire, c'est qu'aucun d'eux ne représente précisément ce qu'il y a de meilleur en nous. En outre, la simplicité tranquille de leurs raisonnements est souvent déconcertante.

Une relecture s'imposera donc. ;o)


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