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Journée froide avec excès de zèle.

Par Loïs De Murphy

Le bénéfice d’obéir à un ordre est pour certains plus grand que l’abjection de l’acte qu’il demande parfois de commettre. Je ne sais pas ce que ressent une employée municipale quand elle demande des papiers dont elle n’a pas à prendre connaissance à une femme qui s’exprime dans sa langue avec un délicieux accent équatorien. Le soulagement de dénoncer une sans-papiers est peut-être autant jouissif qu’une miction dans un urinoir. L’abus de pouvoir sur un plus petit que soi était déjà galvanisant dans la cour de l’école quand elle mettait une dérouillée « aux CP» du haut de son « CM1 ».

Le conflit de loyauté entre la servilité à un employeur fut-il l’Etat et la mauvaise conscience de bouter hors de France une mère qui travaille et paye des impôts se résout-il toujours en faveur de ce tiers (Etat) ?

Dans les années quarante, se contenter d’appliquer la loi ou faire du zèle a procuré des orgasmes collectifs, rasséréné moult stress et crises d’angoisse, davantage encore qu’en piquant comme aujourd’hui des petits bonhommes en mousse avec des épingles à billets de Livret A ou en sifflant sur des chants officiels qui incitent à la haine au ras des crampons.

J’essaye d’imaginer cette employée municipale sur le chemin de la boulangerie. Le trottoir est étroit bien sûr et elle croise le guérilléro repenti membre des Farcs aux mains sales et aux doigts douteux à qui Notre Humble Talonnette va donner asile en nos murs. Que va-t-elle faire ? Le saluer d’un poli signe de tête probablement. Pour celui-là elle n’osera penser qu’il vient voler notre pain, notre travail et nos allocs (ce qui est moins que les pseudo détournements d’un trader breton j’en conviens). Si le bras droit à poils roux de l’Humble Talonnette – qui extirpe si violemment des gamins noirs et frisés de sur le banc des écoles pour les gâter d’un baptême de l’air en avion – lui-même n’empoigne pas ses cheveux pour "le renvoyer dans son pays", quel avis peut-elle en avoir ?

Lequel de ces deux étrangers selon cette fonctionnaire mérite (comment peut-on dire que mon pays se mérite ?) vraiment d’y résider ?

Au fait, vous qui lisez ces quelques lignes, je vous rappelle qu’il est interdit de nourrir les pigeons et les sans-papiers.


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