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Les Charmes Discrets de La Vie Conjugale - Douglas Kennedy

Par Woland

State of the Union Traduction : Bernard Cohen

Disons-le tout de suite : Douglas Kennedy n'est ni Philip Roth, ni John Updike. Mais il a ce génie brut, emballant et béni par les Dieux qui fait le bon romancier, l'un de ceux qu'on n'oublie pas même si, côté style, ils écrivent plutôt à la va-vite, sans se soucier beaucoup de la forme et parfois de manière très fantaisiste. (Un peu comme notre Alexandre Dumas, par exemple, la connotation "roman historique" en moins.)

D'ailleurs, personnellement, j'ai eu un peu de mal à accrocher car ce passé composé employé systématiquement à la place du passé simple, brrrrr ! ... Pour un écrivaillon sans rêves ni imagination, c'est un coup à se casser la ... plume et le clavier. Pour Kennedy, qui possède et les rêves et l'imagination qui va avec, nous dirons qu'il s'agit simplement d'une bizarrerie - et peut-être d'une marque de fabrique. Je n'en sais rien encore : "Les Charmes Discrets de la Vie Conjugale" est le premier roman de cet auteur que je lis.

Mais ce ne sera pas le dernier. ;o)

Ce roman a pour narratrice Hannah Latham qui, en épousant l'étudiant en médecine Dan Buchan à la fin des années soixante, choisit une vie calme et tranquille - un peu coincée, un peu captive aussi - dans une suite de petites villes américaines.

Hannah est pourtant la fille d'un universitaire qui milite activement, quand s'ouvre le livre, contre la guerre au Viêt-nam et possède un épais dossier au FBI. Sa mère aussi, artiste-peintre reconnue, est une forte personnalité. Trop peut-être pour cette fille unique qui, depuis déjà de longues années, cherche désespérément, comme elle l'admet elle-même, à recevoir l'approbation maternelle. Arrivée à la conclusion que, de toutes façons, elle ne l'obtiendra jamais, Hannah jette en quelque sorte l'éponge et prend le contrepied de ce que sa mère souhaitait pour elle.

Elle a assez vite un enfant, le petit Jeff, l'un de ces bébés qui, malheureusement pour leur mère, mettent au moins trois ans à distinguer la nuit du jour. Evidemment, son mari, qui a trouvé un poste à l'hôpital de la petite ville de Pelham, ne peut guère l'aider. Mais, même s'il le pouvait, il ne le voudrait pas et ça, tandis que le lecteur le comprend très vite, Hannah, elle, a le tort de le comprendre aussi mais de le refouler.

Un jour, alors que Dan est parti en catastrophe au chevet de son père moribond, la jeune femme reçoit la visite de Tobias Judson, ancien élève de son père et gauchiste impénitent qui entretient d'excellentes relations avec les Black Panthers. Tobias lui fait tout d'abord son numéro de charme, finit par l'attirer au lit et ensuite - ensuite seulement - lui révèle qu'il est en fuite, après avoir "soutenu" deux Panthers ayant fait sauter une bombe à Chicago. Consciente d'avoir été manipulée, Hannah pense à le flanquer dehors mais Judson - qui est une ordure finie - lui met le marché en main : ou elle l'aide à passer la frontière canadienne, ou il révèle tout à son mari et, en prime, déclare au FBI qu'elle est sa complice.

Judson expédié au Canada, l'incident pourrait se clore sans plus attendre. Et, effectivement, c'est ce qui semble se produire. Seulement, près de trente ans plus tard, Judson est de retour aux Etats-Unis et a troqué ses atours de gauchiste exalté contre la défroque - non moins exaltée - de l'évangélique bon teint, qui a serré la main de Dabelyou à la Maison Blanche et désormais prêche vertueusement le repentir à tout va. Comme on ne peut vivre d'amour et d'eau fraîche - surtout pas quand on est un évangéliste américain - Tobias publie aussi ses mémoires dans lesquels il dépeint son aventure avec Hannah comme un véritable roman d'amour entre deux gauchistes sans foi ni loi.

Je m'arrête là dans ma présentation de ces "Charmes discrets de la vie conjugale" pour vous laisser le plaisir de découvrir tout le parti que l'auteur a su tirer de son intrigue.

La critique est fine et - vous ne vous en rendrez peut-être compte qu'après avoir reposé le livre - l'ironie qui la sous-tend est féroce. Elle n'épargne pas l'hypocrisie des bien-pensants et même si Douglas Kennedy permet à Hannah de sortir de la curée sur une note d'espoir, on ne peut pas dire vraiment qu'il ait le complexe de la "happy end". Bref, "Les Charmes Discrets de la Vie Conjugale" ont certes quelque chose du mélo avec une pointe de soap mais ce n'est ni l'un, ni l'autre : c'est un excellent roman, qui donne envie de découvrir son auteur et le reste de son oeuvre.;o)


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