"Ilium - Olympos" Dan Simmons. Roman. Robert Laffont 2004 & 2006.
Traduit de l'américain par Jean-Michel Brèque.
Dan Simmons est un de ces auteurs de S.F. que j'ai connu sur le tard avec le cycle « Hypérion-Endimyon » puis peu de temps après avec « L'échiquier du Mal ». J'avais été emballé par ces romans extrêmement bien construits, riches en rebondissements et servis par un imaginaire foisonnant propice à une immersion totale dans l'univers présenté par l'auteur.
Aussi, quand s'est trouvé à ma disposition le diptyque « Ilium-Olympos », c'est sans hésitation que je me suis lancé dans la lecture de ce qui se présentait à mes yeux comme un nouvel évenement dans la littérature S.F.
L'attribution du Prix Locus 2004 à « Ilium », premier opus de cette dilogie, ne pouvait que m'encourager à me lancer dans cette oeuvre imposante qui frise les 2000 pages.
J'ai donc commencé « Ilium » avec enthousiasme, me régalant d'avance à l'idée de me plonger pendant de longues heures dans un univers étrange et futuriste, allant de surprises en émerveillements au fil des pages, à la rencontre de personnages hors du commun plongés dans des aventures palpitantes.
J'ai en tout premier lieu fait la connaissance de Thomas Hockenberry, universitaire professeur de littérature antique et spécialiste de l'oeuvre d'Homère. Thomas Hockenberry est décédé d'un cancer au XXe siècle mais il a été ressuscité par les dieux de l'Olympe qui ont récupéré son ADN. Ils ont fait de lui un des nombreux scholiastes, des érudits de toutes époques, dont la mission consiste à se téléporter quantiquement à l'époque de la guerre de Troie afin d'observer et de rendre compte des évenements aux divinités qui, mis à part Zeus, ne savent rien de l'issue de ce conflit dans lequel ils interviennent de temps à autre, suivant leurs affinités envers l'un ou l'autre camp.
Puis je me suis retrouvé sur Terre, dans un très lointain futur, à une époque où les humains « à l'ancienne » ne sont plus que quelques milliers, leur population étant régulée avec soin par les posthumains qui veillent sur eux depuis les anneaux e et p situés en orbite.
Les humains « à l'ancienne » vivent dans l' insouciance, se téléportant d'un point à l'autre de la planète afin de se réunir à l'occasion de fêtes grandioses. Ils ne savent plus lire ni écrire et ignorent totalement le fonctionnement des technologies qu'ils utilisent. Leur style de vie, léger et futile est assuré en sous-main par les voynix, des créatures caparaçonnées, sortes d'insectes géants, ainsi que par des serviteurs, machines robotiques qui répondent à tous leurs désirs. Une société qui n'est pas sans rappeler celle des « Elois » et des « Morlocks » de « La machine à remonter le temps » de H.G. Wells.
Puis enfin j'ai fait la connaissance de Mahnmut d'Europe et d'Orphu d'Io, deux moravecs, créatures biomécaniques originaires des satellites de Jupiter, envoyés en mission sur Mars par le Consortium des Cinq Lunes afin d'éclaircir une mystérieuse activité sur la surface de la planète rouge.
En effet, le Consortium a relevé une activité quantique démesurée et inexplicable sur Mars. Des sondes ont rapporté des images prouvant que la surface de la planète a été terraformée en un temps record et que des alignements de statues de pierre s'étendent sur des milliers de kilomètres. Ces têtes de pierre seraient érigées dans un but mystérieux par de petits humanoïdes de couleur verte.
Qui est à l'origine de ces bouleversements ? Les post-humains dont on n'a plus de nouvelles depuis très longtemps ?
Une expédition est montée dont feront partie Mahnmut et Orphu d'Io, créatures inséparables qui ne cessent de se chamailler sur les qualités respectives de leurs auteurs préférés : William Shakespeare pour Mahnmut, et Marcel Proust pour Orphu d'Io.
Mais les choses vont se gâter : l'expédition moravec va être attaquée dès son arrivée sur l'orbite martienne. Sur Terre, les humains « à l'ancienne » vont être confrontés à une terrible menace qui va les obliger à redécouvrir certains réflexes qui ont aidé leur espèce à survivre de par le passé. Quant au scholiaste Thomas Hockenberry, il va être appelé par la déesse Aphrodite à accomplir un acte inimaginable, acte qui sera la cause de conséquences incalculables sur le déroulement de la guerre de Troie et qui verra les héros ennemis Achille et Hector s'unir pour défier les dieux de l'Olympe.
C'est ainsi que va se jouer, sur trois tableaux, le récit de Dan Simmons, un récit plein de références culturelles et historiques où l'on verra apparaître les protagonistes de l'Iliade, troyens et achéens, mais aussi ceux de « La Tempête » de Shakespeare : Prospero, Caliban, Ariel et Sycorax. Nombreuses références donc, et formidable travail d'érudition de la part de l'auteur qui parsème ses dialogues de citations de Yeats, Browning, Sénèque, Hésiode, Proust, Blake, Shelley, Ovide, etc...
Mais là où le bât blesse, c'est au niveau du récit lui-même, le déroulement en est interminable, à la limite du remplissage afin d' accumuler au final un nombre impressionnant de pages. Les descriptions des technologies utilisées sont proprement indigestes, les dialogues des héros et des dieux de l'Antiquité, quand ils ne copient pas le style d'Homère tombent dans une familiarité tendance vulgaire qui peut faire sourire au début ( ça rappelle parfois la série « Kaamelott ») mais qui finit par lasser.
Les nombreuses redondances, le côté péplum carton-pâte des dieux de l'Olympe, les digressions sans intérêt qui ralentissent une action qui a bien du mal à décoller (et qui à mon avis ne décolle jamais), les coups de théâtre téléphonés ou carrément invraisemblables ont fini par faire de cette lecture un pensum et si je me suis dépêché de l'achever, ce n'est pas par gourmandise mais par lassitude, bien qu'espérant quand même qu'avant la fin l'auteur réserverait un dénouement qui serait capable de faire passer ces centaines de pages lues sans passion. Il n'en fut rien. J'ai refermé ce livre avec un amer sentiment de déception, un arrière-goût d'à-peu-près et le sentiment d'avoir perdu mon temps.
Je n'en garderai finalement que le bon souvenir de Mahnmut et Orphu d'Io, qui sont les personnages les plus réussis et les plus attachants de ce roman.
Et puisqu'il est souvent question de Shakespeare, je concluerai en reprenant le titre de l'une de ses pièces : « Beaucoup de bruit pour rien »!
Le volcan "Olympus Mons" domine la surface martienne du haut de ses 27 kms d'altitude