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Autrichien ou Chicago ?

Publié le 09 novembre 2008 par Objectifliberte

Dans un commentaire d'une note récente, un lecteur, "JL", m'écrit ceci :

"Je sens Vincent très "autrichien" dans cet article alors que d'habitude il m'apparaît plus comme un Chicago boy"

Mes références sont elles plutôt celles de l'école autrichienne ou de Chicago ? J'avoue que jusqu'à il y a quelques semaines, je ne me posais pratiquement jamais la question. Plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, l'idée de m'identifier à une chapelle ne me plait guère. Je préfère prendre les enseignements des uns et des autres, me faire ma propre idée là où les éléments en ma possession me le permettent, et conserver entières mes interrogations là où je n'ai pas pu départager les différents arguments des uns et des autres.

En outre, pédagogiquement, vis à vis de personnes peu au fait des différences entre Viennois et Illinois, se réclamer d'une école est souvent contreproductif: les gens ne comprennent pas ce qu'il y a derrière l'étiquette, en ont souvent des représentations... outrancières, liées aux désinformations qu'ils subissent chaque jour de la part de nombreux médias. Mieux vaut avoir en tête les "grands maîtres", ou les "vieilles barbes", selon le point de vue, mais ne s'y référer que modérément, et privilégier faits et raisonnements.

Ceci dit, la cause principale de ma relative indifférence vis à vis des différences entre les deux écoles vient de mon parcours intellectuel. Je suis venu aux questions économiques "par la base", les problèmes de micro-économie: qu'est-ce que l'entreprise, comment fonctionne-t-elle, quelles politiques stimulent la création de valeur, lesquelles la brident, comment les processus naturels d'amélioration continue de l'offre contribuent à améliorer notre pouvoir d'achat...

Et sur ces questions, les deux écoles se rejoignent: droit de propriété, exercice de la liberté sous la contrainte de la responsabilité personnelle, fiscalités et règlementations favorables à la formation de capital productif, tout cela est commun aux deux écoles de pensée, rendant inutile toute tentative de se définir par rapport à l'une ou l'autre des écoles.
Les différences entre ces deux courants de pensée proviennent principalement de leur façon de concevoir une politique monétaire et le système financier qui l'accompagnent, bref, les questions macro-économiques. Or, j'ai longtemps, et bien à tort, sous estimé ces questions. Erreur: la crise actuelle vient de nous rappeler combien elles sont importantes.

Jusqu'ici, j'ai considéré que le système monétaire qui est le notre était sans doute imparfait, mais que l'indépendance relative des banques centrales par rapport aux états rendait le système prévisible et stable. J'ai donc plutôt sous estimé les avertissements de quelques purs autrichiens (Ron Paul, Peter Schiff, Lew Rockwell, et quelques autres), qui annonçaient que l'éclatement de la bulle entrainerait des conséquences catastrophiques. Certes, l'existence de ces bulles et leur prochain éclatement ne faisait aucun doute dans mon esprit, mais l'économie, c'est à dire la somme des décisions individuelles de millions de personnes, me paraissait suffisamment résiliente à ces éclatements, à condition que l'état n'y mette pas trop les mains. Une bulle qui éclate, cela pose certes des problèmes d'adaptation, mais c'est inhérent à la nature humaine: l'humanité progresse par un processus continuel d'"essais-erreurs-corrections", et chaque mini-crise liée à l'éclatement d'une bulle me paraissait relever de la simple correction.

Dans ce schéma, la gestion de la monnaie par les banques centrales, maintenant peu ou prou l'inflation dans la limite de 2% annuels, me paraissait, à défaut d'être parfaite, prévisible.
C'était une erreur d'appréciation, du fait de mon approche micro-économique des problèmes. Non pas que cette approche soit mauvaise, mais le rôle de la façon dont est gérée l'offre de monnaie, matière première des échanges, est primordial.

Or, la crise actuelle montre qu'aucun gourou ni aucun comité des sages ne peut constamment ajuster les taux d'intérêt de façon à maintenir l'inflation monétaire réelle en dessous de la limite de 2%: de l'aveu même de Greenspan, il n'avait pas le pouvoir d'empêcher la formation de bulles d'actifs, qui tendent à fausser le calcul économique en sur-estimant la croissance (un certain nombre de valeurs prises en compte dans le calcul du PIB sont de facto artificielles) et en sous-estimant son déflateur (l'inflation). En faussant ainsi les perceptions de valeurs créées par l'économie, la "monnaie greenspan" a orienté une masse importante d'investissements financés par le crédit vers des valeurs artificiellement gonflées (en l'occurence, l'immobilier, gonflé par les règles foncières).
La monnaie idéale serait celle dont la masse croit exactement à la même vitesse que la quantité des échanges : dans ce cas, la valeur annuelle de la croissance "nette" (celle que les médias nous livrent chaque mois), serait égale à sa croissance "courante" (ou brute, ou nominale), et l'inflation nulle. Une telle monnaie rendrait les calculs économiques à long terme bien plus faciles, puisque un Euro d'aujourd'hui conserverait sa valeur demain.
Aucune monnaie n'a réussi à atteindre cet idéal parfait, mais force est de reconnaître que les pays qui ont pratiqué un système fondé sur les deux piliers qu'étaient l'étalon or et la banque libre s'en sont plus rapproché que les autres : l'inflation  était pratiquement inconnue dans les pays pratiquant l'étalon Or aux XVIIIèmes et XIXèmes siècles, et les crises qui pouvaient se produire en cas d'insuffisance de la croissance du stock d'or ne duraient jamais longtemps.

Ce constat, et la justesse des prévisions récentes des "autrichiens", tendent à rendre leurs propositions plus que dignes d'intérêt.

Certes, la transition vers un retour à l'étalon or pourrait être délicate. J'ai lu des propositions (liens perdus...). D'autres alternatives existent peut-êtres.

Bref, à défaut d'avoir des certitudes sur ce que devrait être le système financier de demain, je suis sûr que celui en vigueur actuellement a montré de trop sérieuses limites pour ne pas être réformé.

C'est sans doute pour cela que j'évolue vers les propositions de l'école autrichienne. Je doute fort que le "Bretton Woods" que l'on nous promet aboutisse à de telles propositions.

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