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Comme un mouvement planétaire

Publié le 14 novembre 2008 par Myriam

Le tableau "Le ballon" (sous-titre : Coin de parc avec enfant) de Félix Valloton (1899), représente pour moi une des peintures les plus fascinantes qui soient. Le peintre suisse, apparenté au mouvement des Nabis, a montré plusieurs fois à quel point il dépassait ces derniers, notamment par son traitement si particulier de l'espace, annonçant irrémédiablement la peinture abstraite. Dans ce tableau, l'environnement assez familier d'un grand parc sert de prétexte à une distorsion de l'espace, à une dynamique que l'on retrouve très rarement dans les peintures de cette époque, finalement assez statiques.

Un enfant (jeune fille ou jeune garçon habillé comme une fillette, pratique courante à la fin du XIXème siècle) court après une petite balle rouge, mais il est précédé d'un gros ballon tapi dans l'ombre. On notera au passage que le nom du tableau est bien "Le ballon" et non "La balle" comme si le peintre, avec

Felix_valloton_le_ballon
cette déviation du sujet par rapport au titre, nous adressait un message subliminal sur le thème général de ce tableau, à savoir une véritable déviation esthétique. Tout est fait dans ce tableau pour nous faire perdre nos repères traditionnels. D'où vient justement cette immense ombre qui couvre le fameux ballon ? Où peuvent bien être les arbres qui en sont à l'origine ? Que délimite la courbure de la surface de terre de sienne où s'agite l'enfant ? Entre ce dernier et les deux femmes qui apparaissent au fond du tableau, une surface verdâtre sombre semble se déverser comme un fleuve. Son traitement pictural repose sur des applications successives d'un brosse faisant varier les différentes nuances de vert.

On pourrait même pousser notre imagination à identifier l'enfant comme l'astre central, éclatant de lumière, autour duquel gravitent des planètes incarnées par le ballon et la petite balle rouge ! De façon indéniable, la composition est de toute façon circulaire, avec cette ellipse suggérée par la courbure de l'allée en terre, et l'impression de mouvement, accentuée par les traits de peinture verte évoqués précédemment.

Tout comme l'a initié Cezanne, Valloton aplatit complètement l'espace. L'impression de distance, pourtant suggérée par la différence de taille entre les femmes du fond et l'enfant du premier plan, est pratiquement neutralisée. Les plans se juxtaposent comme s'il étaient indépendants et non dans une logique de perspective.

Une autre caractéristique, digne des gravures japonaises qui ont fortement influencé les Nabis, et tout aussi rare à l'époque, réside dans cette vue aérienne de la scène, comme si le peintre captait celle-ci d'un promontoire ou comme si l'on saisissait, tel un oiseau, cette vue instantanée en vol.

Je trouve que ce tableau génère enfin deux sensations contradictoires, celle d'ouverture de l'espace avec le grand aplat de lumière que réfléchit le terre plein, et celle de compression des lignes, et ce de façon improbable.

Ce tableau unique, de petit format (48 X 61 cm), à admirer au musée d'Orsay, est une source inépuisable de questionnements.


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