Magazine Beaux Arts

If I sing to you

Publié le 15 novembre 2008 par Marc Lenot

Toujours moins à l’aise pour écrire sur la danse, mais je cherche, je tâtonne, j’essaie.

Au Centre Pompidou, spectacle de Deborah Hay, If I sing to you.

Je ne m’attends certes pas ici à des tutus et à de la musique romantique, mais c’est toujours un peu déroutant de voir un spectacle dont, déjà, le début est incertain : quand nous entrons dans la salle, les six danseuses (j’hésite sur le sexe d’une ou deux, plus ou moins grimées en homme, entre-deux) sont déjà sur scène. Elles parlent, bougent un peu, l’une se couche, se relève : est-ce de la ‘danse’ ? ont-elles commencées ?

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s’échauffent-elles ? Dois-je me taire, cesser de parler à ma voisine ? quand faire silence, quand reporter son attention sur la scène ? comment s’équilibre la relation entre scène et salle ? Les lumières restent allumées mais, peu à peu, le spectacle s’impose, le silence se fait, les danseuses dansent.

Les mouvements des danseuses sont étrangement heurtés, comme inaccomplis, suspendus. Alors que je pensais regarder ‘un spectacle’, un évènement, une sorte de narration plus ou moins linéaire et décryptable, s’impose progressivement à moi l’idée que ce que je vois là est une recherche, un processus, une démarche. Idée que je ne maîtrise pas vraiment, sinon en la reliant aux arts plastiques, au primat du process sur le produit depuis, disons, Duchamp. Idée banale sans doute, mais que le néophyte doit non pas tant comprendre qu’intégrer. Les danseuses elles-mêmes paraissent impuissantes à tout saisir, incapables de maîtriser un exercice qui semble se dérober à elles, fragiles et floues, innocentes presque. Il faut désapprendre à danser, dit Deborah Hay.

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La voix a sa la place ici : des cris, des onomatopées, des aboiements, des chants, parfois doux et parfois violents. Encore une autre norme qui s’effondre, celle de la danse silencieuse, où seul le corps peut s’exprimer. Ici la voix complète le mouvement, mais exprime-t-elle quelque chose ? Est-il important de décoder ces chants, de saisir le sens de ces cris ? Et ces rires sporadiques dans le public sont-ils partie prenante du spectacle, ou simplement la réaction nerveuse d’un spectateur ?

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A un moment, une sorte de gel se produit : les danseuses restent immobiles pendant de longues minutes. Est-ce la fin du spectacle ? Sera-t-elle donc aussi informe que le début ?  Regard furtif à ma montre et au programme, une heure de spectacle, sa durée prévue. Faut-il se lever, applaudir, sortir en les laissant ainsi figées sur scène ? Mais, au moment où la tension est trop forte, elles se remettent en mouvement, construisent lentement une sorte de ligne face au public. Serait-ce la préparation du salut final ? Non, le spectacle recommence. Et la fin, un peu plus tard, sera au contraire marquée, sur-jouée, incontournable, avec bouquets de fleurs kitsch et Deborah Hay sur scène. Il y a aussi de l’humour dans ce spectacle.

Photos 1 (Anna van Kooij, Springdance, Utrecht 2008) et 2 (© Dittrich-Dresden; provenant d’ici). Photo 3 de l’auteur.


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