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Le Trio de Tigran Hamasyan à Paris

Publié le 21 novembre 2008 par Assurbanipal
Tigran Hamasyan Trio. Paris. Le Sunside. Mercredi 19 novembre 2008. 20h.

Tigran Hamasyan
: piano
François Moutin : contrebasse
Louis Moutin : batterie
+
Claudia Solal : voix
Tigran commence seul au piano un air de ballade. Il y a des traces de gavotte bretonne dans cette introduction. Ca s'accélère avec la rythmique. Ca va pulser de plus en plus. Louis Moutin, moissonneur-batteur, fauche en rythme. La main droite de Tigran déroule les aigus de façon vertigineuse puis le groupe repart sur un air plus funky. Des phases de calme alternent avec des phases agitées. Cette musique est sous contrôle et a de quoi vous rendre fou. Martial Solal a trouvé son successeur. Ce n'est pas pour rien que les frères Moutin accompagnent Martial Solal (81 ans)et Tigran Hamasyan (21 ans). Les frères Moutin ont l'âge d'être les fils de Martial Solal et les pères de Tigran Hamasyan. A eux deux, ils assurent le pont entre deux générations de génies du piano. Grâces leur en soient rendues. Après un solo ébouriffé de François Moutin, son frère Louis tapote joliment les tambours. Problème : Louis se met ensuite à fracasser des cymbales qui ne lui ont rien fait de mal. Ce genre de démonstration enthousiasme le public. Rendez nous Roy Haynes ! C'était « World Passion » morceau titre du premier album de Tigran.
Le deuxième morceau a été composé en octobre 2008 et n'a pas encore de titre. Ca ondule légèrement comme une mer calme sur le rivage. C'est beau d'entendre un magicien en action. Louis est obligé de tricoter doucement sur les cymbales ce qui lui fait grand bien. Nom de Zeus que c'est beau ! Tigran est un des très rares artistes capables de me faire monter la larme à l'œil. Ca monte doucement en puissance, en trilles. Le vent souffle dans les branches des pins maritimes. Un jour ce garçon aura l'audace de se lancer en solo. J'attends ce jour avec gourmandise.
Tigran repart sur un autre ballade. Louis joue à mains nues sur ses tambours. C'est là qu'il est le meilleur. Ca accélère doucement. Louis a repris les baguettes. Même quand Tigran joue viril, charnu, il est tellement fluide dans son jeu que ça glisse. Il alterne le tempo rapide, musclé avec le tempo lent, doux. Tiens une petite citation de « My favorite things ». Dès que ça joue vite et fort, Louis Moutin révèle ses limites alors que François et Tigran semblent illimités. En pleine montée, ils s'arrêtent net pour revenir au thème de départ, tout en douceur.Ils repartent à fond les manettes pour finir d'un coup.
Une invitée surprise monte sur scène, Claudia Solal, la fille de Martial. Un duo inédit piano/voix s'ensuit. « A duet ? Let's do it ! » plaisante Claudia. C'est une sorte de ballade étrange sur laquelle Claudia émet les vocalises dont elle a le secret. Ils échangent des trilles dans l'aigu. Ils s'amusent bien. Pour l'auditeur, c'est stimulant, dérangeant. Dans une bande son de film fantastique, ça mettrait une bonne ambiance. La voix est ici un instrument. Pas des mots mais des sons, des bruits, des souffles, des borborygmes. Ca joue.
Claudia reprend son livre de poèmes d'Emily Dickinson. Cela fait plusieurs années qu'elle improvise dessus en duo avec le pianiste Benjamin Moussay. Ce soir ce sera avec le trio de Tigran Hamasyan. C'est une ballade. Claudia articule les mots, les embellit, les magnifie. Le poème parle du Paradis (Heaven) et nous y sommes.
Le poème suivant porte sur l'espoir (hope). Le jeu est un peu plus musclé. Le piano dans les graves, le batteur aux baguettes, François va chercher le son en bas de sa contrebasse. Une onde envoûtante nous enveloppe. Claudia s'en va.
Le trio reprend avec un standard « Solar » de Miles Davis, celui qui a inspiré le nom de scène de Claude M'Barali. Dans le traitement de ce standard, la filiation avec Martial Solal est évidente. Cette façon cubiste de disséquer une mélodie de face, de profil et de trois quarts en même temps. La musique virevolte comme un numéro de haute voltige.Tigran se tait pour laisser les deux frères jumeaux discuter entre eux. La contrebasse mène la danse. La batterie ponctue. Le dialogue est vif et léger. Tigran les rejoint et la tension monte autour de la batterie. Louis envoie son coquetèle frappé.
Une blonde demoiselle assise presque par terre, sur un pouf, garde la tête baissée pour mieux entrer en elle même et dans la musique. Elle ne regarde les musiciens que pour les applaudir à la fin de chaque morceau. Il est 22h05. Le public du concert suivant attend. Tonnerre d'applaudissements. Révérences à la salle mais pas de rappel.

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